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Waterville

Adieu à l’auberge-pub-épicerie-poste perdue dans la campagne, adieu à Chiber’s Inn et à son vieux patron ridé et moustachu. Un vrai chantier, son auberge : des raccords électriques à la va-vite, des instruments de cuisine à demi cassés, des fenêtres qui ne peuvent plus se fermer laissant passer l’eau du ciel, noyant le plancher… Nous partons en van pour le lac en deux voyages.

En attendant le convoyage du premier groupe, Emmanuelle et moi passons « voir si l’on n’a rien oublié » dans les chambres à l’étage. Nous avions bel et bien oublié de faire ce qui se fait entre garçon net fille jeunes et il faut rattraper le temps perdu. C’étaient les années 1990… Les autres s’amusent avec leur queue de billard à mettre leurs boules dans les trous.

Nous retrouvons vite le groupe où fusent quelques blagues laborieuses. Bernadette grommelle quelque chose que l’on comprend mal et qui ressemble à « la ch’murr ». Personne ne sait ce que cela signifie. Précision donnée, il s’agissait des erreurs de « l’âge mûr ». Mais avec son accent belge et l’habitude qu’elle a de grognonner entre ses dents, nul ne pouvait deviner. Rires. On la ressortira plusieurs fois dans la journée.

Bilan fait, peu de personnalités émergent dans le groupe, c’en est désespérant. Bernadette est la plus marquante. Suivie d’Emmanuelle, mais parce que j’ai trouvé avec elle un terrain d’entente particulier. Avec les autres, elle reste très réservée. Jean-Luc est un gros lourd qui imite parfaitement l’accent nègre, Mitterrand et le rire de Véronique, une fille du groupe un peu bébête. Christine a pour particularité de cloper sans arrêt. Thierry est gentil, mais d’une discrétion pathologique, Solange et Josette aussi effacés que Denis et Jacques. Le tout est plutôt insignifiant.

Nous longeons le lac, grimpons la crête. Peu de pluie mais le vent est froid, comme le pique-nique, vite avalé avant la redescente. Vision polaire d’un sol à l’herbe rase ; échappées du regard vers la mer, très loin ; les lacs et les chaînes montagneuses alentour. Le soir, nous sommes à Waterville la bien nommée, car il pleut encore.

L’auberge est carrément un « hôtel » de jeunesse tant il est grand et soigneusement construit en pierres de taille du pays, le granit. Il a été élevé en 1899. La douche est à pièce, le whisky cher, seul l’amour est gratuit. Je profite un peu de mon Emmanuelle, presque aussi gloutonne que son homonyme scandaleuse, dans le film des années soixante-dix. Le bar est animé : cadres en cravates, ouvriers au visage noirci, pêcheurs en casquettes, quelques adolescents. On sent la fin de terre, peu de beaux spécimens de garçons ou de filles ce soir, sauf un 14 ans blond à la chemise de jean échancrée, sans doute pour laisser deviner la naissance de pectoraux dont il commence à être fier. Un ballon à la main, les traits réguliers, il est plutôt beau gosse selon Emmanuelle qui l’aurait bien croqué aussi.

Dîner de soles fraîches au chou-fleur. Nous retournons au pub, plein ce vendredi soir. Le jeune garçon n’a pas été autorisé à rester. Irish-coffee pour fêter l’Irlande.

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