Nous ne retournons sur le bateau que pour prendre nos bagages et nous enfourner dans un nouveau minibus Toyota pour trois heures de route. Nous nous arrêtons au bout d’une heure pour faire une pause, boire un café pour ceux qui le veulent et voir les mirages. Pas ceux vendus par la France à l’Égypte mais les reflets de lac sur le sable, dégagés par la chaleur au loin. Remonte en moi le souvenir d’enfance de L’or noir de Tintin où les Dupont se font avoir par les mirages. Les deux heures qui suivent nous assurent une somnolence dans le confort climatisé du véhicule. Le chauffeur ralentit parfois inexplicablement et, lorsque Mo, assis à côté de lui, lui pose la question, il énonce qu’il y a des radars. Nous ne voyons rien, mais la crainte du gendarme rend raisonnable.
Nous longeons la grande muraille du Nil pour protéger les canaux, construite par l’armée. Il s’agit d’un grillage de 2,50 m de hauteur augmenté de barbelés dont on se demande s’ils sont destinés à éviter que les bêtes du désert ne viennent boire ou à empêcher de passer d’éventuels ennemis venus du sud. Cela a permis d’occuper les soldats pendant un certain temps malgré la chaleur écrasante du désert la journée ; c’est un entraînement comme un autre. Mais les canaux à ciel ouvert évaporent l’eau et participent au gaspillage de la ressource.
Mo nous dit qu’il s’agit du projet Toshka ou nouvelle vallée, une entreprise « pharaonique » (évidemment) de double canal de 27 km de long pour favoriser l’irrigation et la culture de maïs et de blé dans les sables pour nourrir une population de presque 108 millions d’habitants – et fixer une démographie galopante souvent au chômage (dont 49 % des femmes à 24 ans) face à la frontière soudanaise.
La population a augmenté de 46% entre 1994 et 2014 ! Les femmes continuent, à la musulmane, d’être perçues comme inférieures et bonnes à donner des garçons et elles n’ont toujours pas leur mot à dire. Sur les 34 % de la population entre 0 et 14 ans, 18 millions sont des mâles et seulement 16 millions des femelles, c’est dire combien les petites filles font l’objet de moins de soins que les petits garçons. Cela ne se rééquilibre que passé 55 ans ! Seulement 65 % des filles à 15 ans savent lire. Ces chiffres sont tirés du CIA Fact Book 2022 accessible en ligne.
Le militaire rentre à Assouan avec nous, accompagné de sa fidèle maîtresse, la Kalachnikov. Le cuisinier vient aussi, il a de la famille à la ville.



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