
Le roman le plus optimiste de l’auteur, qui met en scène son parcours favori, tiré de son expérience personnelle : comment un jeune écossais, travailleur méritant, parvient à devenir docteur en médecine malgré ses handicaps, sociaux et physiques.
Duncan Stirling a eu une poliomyélite à 12 ans qui lui a atrophié le bras gauche. Il a compensé en travaillant bien à l’école, toujours devant Euen Overton, le fils du hobereau. Mais il n’a pas comme lui l’avenir tout tracé. Son père, ancien secrétaire du conseil de la commune, a été viré pour cause d’alcoolisme il y a des années, et l’ambition de sa mère, qui a subvenu aux besoins du ménage, est qu’il reprenne la place une fois ses études finies. Mais le jeune garçon ne l’entend pas de cette oreille.
Il veut devenir médecin car il a le don de soigner. Pour cela, il lui faut obtenir une bourse, mais il y a des centaine de candidats pour trois lots seulement. Tant pis, il va oser, tenter sa chance. Malgré sa mère, à qui il désobéit et qui le bannit de la maison séance tenante, en vieille rigide d’un autre âge ; en dépit des moqueries d’Overton et de Margareth, la jeune fille qu’il aime et qui se laisse courtiser, tout en ne voyant, en pleine égoïste, que le fric et la position sociale. Duncan peut-il les lui assurer ? Moins qu’Overton. Donc… aucune chance. Le lecteur verra combien elle est punie.
Duncan part à pied à la ville, à plusieurs dizaines de kilomètres. Il couche dans un buisson, puis la pluie – inévitable en Écosse – se met à tomber et il échoue piteusement, complètement trempé, dans une grange où Jeanne, la fille du docteur du coin, le découvre et le convie à venir se sécher. Le vieux docteur lui trouve du caractère, il le loge et le nourrit, l’encourage pour la bourse.
Et le jeune homme va l’avoir, non sans affres et regrets des erreurs qu’il a pu faire aux examens. Il va pouvoir étudier la médecine, sa vocation. Comme il loge pas cher dans une minuscule chambre au-dessus du port, dans une famille de pêcheurs, il fait la rencontre d’Anna, venue d’Autriche exercer ici. Il découvre qu’elle est très connue et qu’elle a dû s’exiler, probablement à cause du nazisme qui monte et parce qu’elle est juive. Mais c’est une chirurgienne célèbre. Sous ses dehors froids et rationnels, elle encourage Duncan. Elle irait bien au-delà de l’amitié, malgré la différence d’âge, mais Duncan tient à sa Margareth.
Elle lui prouve cependant son amour par l’opération qu’elle tente sur son bras, en chirurgienne avertie. Il va enfin pouvoir en retrouver l’usage et cesser de se morfondre de ce handicap qui l’empêche d’agir naturellement et l’inhibe en société. Il devient docteur, il s’affirme, il fait des remplacements, il réussit des guérisons.
Mais le pacte faustien qu’il a signé avec Anna exige qu’il l’aide dans sa recherche ; ils forment un tandem parfait à la fondation Wallace. Le poste de directeur va se libérer et Anna pousse Duncan à être candidat. Il coiffera sur le poteau le don Juan imbu de lui-même et fat d’Overton et il fera du bon travail. Mais les circonstances – et le caractère du jeune homme – vont contrarier cette fausse ambition.
Duncan a toujours voulu soigner d’abord, la recherche en éprouvettes et statistiques passant ensuite. Le poste de directeur d’une clinique de recherche ne le satisfait pas ; il ne se présente pas au dîner de présentation où il doit se faire connaître des membres du conseil. Il part au contraire dans la montagne soigner le vieux docteur, écrasé sous un bâti de chantier du barrage hydroélectrique qui s’est effondré. Il a la colonne vertébrale cassée et on ne lui donne que quelques heures à vivre. Mais Duncan met toute sa science pour le sauver – et y parvient, gagnant le respect de tous.
Margareth, qu’il a cru aimer, n’est qu’une écervelée qui a préféré la richesse et la société et, deux ans plus tard, elle s’en repend. Son mari Euen Overton court les filles sans aucun respect pour elle et ses airs de mijaurée. Duncan, à qui elle fait de nouvelles avances, la repousse. Il va épouser Jeanne, la fille du vieux docteur, et reprendre sa mission de soigner les gens de la montagne. Il reste ami avec Anna, mais lui laisse la direction de la clinique et la recherche. Son bonheur est ailleurs, à sa place, là où il aime.
Leçon de l’ambition qui n’accomplit pas. Suivre sa voie vaut mieux que « réussir » socialement en n’étant point heureux. Ni l’argent, ni la célébrité, ne font le bonheur. On ne le trouve que dans l’accord avec soi-même, ses aspirations profondes et son milieu aimant. Un beau roman.
Ce roman a fait l’objet d’une série télévisée en 1977 par Pierre Matteuzzi.
Archibald Joseph Cronin, Les années d’illusion (The Valorous Years), Livre de poche 1956 réédité plusieurs fois, 256 pages, €8,40
(mon commentaire est libre, seuls les liens sont sponsorisés par amazon.fr)
Les romans de Cronin déjà chroniqués sur ce blog
En savoir plus sur argoul
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.
Lire un article sur Cronin est incroyablement rafraîchissant et tonique. Nous lisions ses romans à 14-15 ans autrefois. Les jeunes lisent-ils Cronin de nos jours ? Si tant est qu’ils lisent.
>
J’aimeJ’aime