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St Nicolas des Marins et Strelka

Le petit déjeuner-buffet est appelé ici « table suédoise », c’est plus joli et fait plus « chic ». Je retrouve mes compagnons de promenade d’hier soir, Sylvie et Dominique. Je ne sais plus ce qu’ils font comme métier, je ne sais même pas si nous avons évoqué ce sujet. Nous nous gavons de salade de chou et de pirojkis arrosés de thé sombre au chaleureux goût de châtaigne, propre à la Russie.

Avant le rendez-vous de groupe, nous allons visiter Saint-Nicolas des Marins qui dresse ses cinq coupoles d’or non loin de l’hôtel. Dans un parc planté d’arbres en bordure du canal Krioukov s’élève un bâtiment en croix grecque à l’extérieur bleu et blanc séduisant. L’intérieur est sombre, enfumé, chargé, empli de litanies. C’est un peu oppressant. Tant de sollicitations saturent les sens et font soupçonner un empressement suspect envers le fidèle. Le christianisme orthodoxe n’étouffe-t-il pas la personnalité de l’homme sous son faste et ses arguties ? En cet endroit, ce débordement de dorures, de marmonnements et de gestes furtifs, fait plutôt planer une atmosphère épaisse de superstition où la philosophie semble bien absente. Le rite y supplante la pensée. Catherine II a offert à cette église dix icônes au fond d’or, en reconnaissance de dix victoires navales. Saint Nicolas est le patron des marins. Le clocher n’est pas intégré dans l’église mais séparé ; il se mire dans l’eau du canal, à bonne distance.

Le bus nous emmène dans la ville pour un tour de quatre heures, jusque vers 13h30. Tatiana est, certes, consciencieuse, mais elle nous saoule de paroles, d’explications pratiques, de remarques sur l’art, d’anecdotes sur les hommes et de « révélations » historiques enlevées en trois phrases. Exemple : le tsar et sa famille seraient morts sur ordre de Lénine parce que les Allemands, à qui le dictateur demandait des subsides, auraient exigé la signature de Nicolas II… Elle ne nous lâche au-dehors qu’avec une parcimonie toute soviétique en quelques endroits choisis « pour faire la photo, mais dépêchez-vous, on n’a pas beaucoup de temps. » Comme quoi on ne peut se défaire facilement d’un conditionnement devenu pensée unique.

Un premier arrêt est effectué au « point de vue » de l’île Vassilievski, appelé Strelka – la Flèche – centre prestigieux voulu par Pierre (le Grand). S’y dressent deux colonnes rostrales rouges, face à l’ancienne Bourse devenue depuis 1940 musée de la Marine de guerre. Du vermillon mat du fut sortent des rostres en bronze de navires et des figures de proue dont une fière blonde, teutonne tétonnée. Un vieux barbu est allongé au pied, fleuve mythologique aux muscles fatigués. De loin, la flèche d’or effilée de l’Amirauté file vers le ciel tel un défi de fleuret. Sa façade jaune et blanche est surmontée d’un templion classique aux huit colonnes. En face, l’Ermitage.

Un second arrêt est fait dans un magasin de souvenirs « officiels » situés dans l’ancienne église anglicane.

Un troisième arrêt est place Saint Isaac, face à l’hôtel Astoria. Elle porte la statue de Nicolas 1er à cheval, réalisée en 1859 par Klodt.

Un quatrième arrêt devant le croiseur Aurora, vaisseau-école des cadets, devenu célèbre parce que révolutionnaire, à quai depuis 1948 devant l’Ecole Navale.

Un cinquième arrêt est devant l’église du Sauveur sur le Sang Versé, très bariolée, orientale, de style moscovite. Elle a été érigée par Alexandre III sur le lieu où fut assassiné son père, le tsar Alexandre II.

Un sixième arrêt est pour le Palais d’été et les atlantes de l’Ermitage – très vite.

Un septième arrêt est effectué au monastère de Smolny à la façade bleu et blanche où un maltchik (jeune garçon) solitaire joue du violon.

Après ce chiffre symbolique de sept, Tatiana nous lâche – enfin ! Nous voici rendu place Sadovaia après d’innombrables tours et détours en bus dans les rues de la vieille ville où « quelque chose est à voir ». C’est saoulant et trop pressé. Nous ne sommes pas des oies qu’on gave ; le culturel ne doit pas effacer le plaisir. Découvrir une ville se fait à son rythme, non au pas de gymnastique. En bref, je ne retiens des renseignements que Tatiana nous a livré que Saint-Pétersbourg a plus de fontaines (300) que de lions (200) et même que de statues de Lénine (188 avant la perestroïka – il n’en reste que 8).

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