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Villa Noailles à Hyères

Puis nous nous dirigeons vers la villa Noailles d’une certaine Marie-Laure. Née juive Bischoffsheim en 1902, elle a épousé le vicomte de Noailles en 1923 bien qu’elle fut amoureuse de Jean Cocteau (qui malheureusement préférait les garçons). Cette mécène mondaine qui a écrit et peint est décédée à Paris en 1970 – non sans s’être fait conduire en Rolls-Royce au Quartier latin en mai 1968. Marie-Laure de Noailles n’a rien à voir avec Anna de Noailles, née roumaine Brancovan en 1876.

La villa moderne tout en suite de cubes blancs hélio centrés a été construite par Robert Mallet-Stevens en 1923 en contrebas du château. Elle est difficile à visiter de l’intérieur puisque a lieu au même moment une sauterie de mode et de chiffons avec minets et minettes bariolés, coiffés bizarre, hurlements et boum-boum lorsqu’une collection plaît. De loin, le bruit qui s’élevait évoquait un match de foot. Une piscine couverte a été ajoutée en 1927 à la villa, ce qui était une première. La commune la rachète 1973 pour en faire un « lieu culturel » ; il est ce soir envahi par le divertissement futile de la mondialisation. Un grand jardin aménagé cascade en terrasses successives vers la plaine. Ce jardin de Noailles est appelé aussi parc Saint-Bernard. Du haut, nous avons une vue étendue sur la ville jusqu’à la mer, l’aéroport, les îles. Sur la gauche, le massif des Maures.

Nous sommes sur la pointe la plus avancée de la Provence vers le sud. D’un côté Toulon avec sa rade et la presqu’île de Saint-Mandrier, et tout près Hyères et sa presqu’île de Giens avec son archipel, Porquerolles, Port-Cros, le Levant. Géographiquement, c’est un endroit stratégique. La colline du Castello domine la ville moderne et la rade. Ce n’est pas un hasard si la ville a été un comptoir grec fondé par Marseille, Olbia, sur lequel se sont élevés une bourgade romaine et au Moyen Âge un monastère féminin. Sur la colline, les seigneurs de Fos ont construit un château pour surveiller la mer et les pirates. Le port d’Hyères, appelée à l’époque l’Ayguade, était une base pour les croisades, mais  il s’est par la suite ensablé. Saint-Louis y a débarqué en 1254 au retour de la septième croisade. Louis XIII a ordonné en 1620 le démantèlement du château au profit de Toulon.

Nous redescendons par les ruelles colorées aux chats furtifs jusqu’à l’enceinte urbaine aux neuf tours et cinq portes. Nous passons la porte Barruc, très massive avec herse, porte, meurtrières et même un assommoir ! Un vrai chat minet noir et blanc est justement à sa fenêtre et nous regarde placidement ; plusieurs matous sont déclarés perdus sur des affiches collées ici ou là. La rue Paradis fait référence aux jardins qu’elle côtoyait, tel est le sens du mot grec « paradis ». La maison romane, dans la Traversée Paradis, rappelle les constructions antiques.

Place Massignon, évêque de Clermont, une tour massive des templiers s’élève, Saint Blaise, du XIIe siècle. En face, un glacier bio qui attire les touristes, les filles du groupe notamment. Passent en vélo, le verbe haut et le col défait, des gamins et adolescents arabes. Ils sont vifs, l’œil noir, les cheveux de mouton frisé. Un adolescent sarrasin de 14 ans regarde d’une bourgeoise blonde de souche qui lit un livre, assise sur le pas de sa boutique de décoration. Peut-être est-ce son fantasme du chic féminin

Nous prenons le bus vers la station appelée Thalasso où nous attend notre hôtel Ibis trois étoiles.

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Demain Hyères et Hyères aujourd’hui

Une semaine de randonnée en automne vers les îles d’or sur la Côte d’azur. Train vers Toulon, correspondance pour Hyères via un TER, puis une heure d’attente pour le rendez-vous. J’aime à penser à ce paradoxe bien français qu’Hyères sera demain. Le groupe s’est constitué naturellement sur les marches à la sortie, face au parking, peu avant l’heure. Nous mettons nos bagages pour l’hôtel en deux taxis puis nous partons à pied directement visiter la vieille ville.

Une longue avenue moderne part de la gare jusqu’à la citadelle ancienne, située assez loin de la mer sur les hauteurs, dont les rues étroites du XIIe siècle portent des noms évoquant des métiers artisanaux. Hyères est la ville des palmiers, mise à la mode dès 1867. Elle comporte aujourd’hui une dizaine d’espèces qui sont exportées jusqu’en Arabie Saoudite. Les maisons sont crépies de couleur ocre jaune plus ou moins foncé, contrastant avec le pourpre des bougainvillées, très florissants sur les murs. Une placette aux oliviers, en terrasse au-dessus des maisons, est bien agréable pour prendre un verre ; le matin s’y tient un marché.

Nous passons devant le Grand Hôtel d’Hyères, fort célèbre au temps des villégiatures, dont un appartement à l’étage noble est aujourd’hui à vendre. Une agence du GAN occupe le rez-de-chaussée. Le renouveau de la ville est venu du tourisme dès la fin du XVIIIe siècle. L’été était très fréquenté par les Anglais en villégiature ; ils préféraient la campagne à la mer. La reine Victoria y est venue ainsi que le romancier Robert–Louis Stevenson. Mais les lettres françaises sont illustrées aussi avec Michelet, Victor Hugo et Maupassant. Le Park Hôtel avait accueilli Bonaparte jeune lorsqu’il était à Toulon. Les plages se sont surtout développées au XXe siècle avec la mode du bronzage puis du nudisme – bien passée aujourd’hui alors que les gens craignent tout : le climat, le regard des autres, leur propre corps jamais assez aux normes. La plaine environnante fournit les primeurs les fruits et le vin ainsi que quelques plantes ornementales.

Nous voyons de loin la Villa mauresque parce qu’elle ne se visite pas, puis la villa Saint-Hubert de Monsieur Alexis Godillot, ancien propriétaire du quart de la ville après avoir fait fortune dans la chaussure de marche de l’armée. Il réunit deux villas et son architecte joue du contraste des façades, l’une austère et l’autre baroque, mêlant les styles. Godillot est un nom désormais aussi célèbre que Larousse ou Poubelle. Devenu organisateur des fêtes publiques après 1848, il ouvre des tanneries à Saint-Ouen près de Paris et devient fournisseur officiel aux armées, notamment pendant la guerre de Crimée en 1853 avec les selles et les chaussures. C’est lui qui a distingué le pied droit du pied gauche des pompes, ce qui, curieusement, ne se faisait pas auparavant. Il a aussi installé une semelle intérieure pour la voûte plantaire de façon à améliorer le confort de la marche. Il a enfin imperméabilisé semelle et chaussure par une application de gomme de latex. C’était révolutionnaire pour l’époque. Il a été fait chevalier de la Légion d’honneur pour ses godillots devenus godasses.

Nous montons vers le castel Sainte-Claire construit par les seigneurs de Fos, d’où nous voyons l’ancienne collégiale Saint-Paul au clocher roman, et l’église Saint-Louis appartenant anciennement au couvent des Cordeliers.

La villa Sainte-Claire, fermée à notre arrivée, a été construite en néo-roman en 1849 par le découvreur de la Vénus de Milo, marin héros de l’indépendance grecque, Olivier Voutier. Elle est rachetée en 1927 par la romancière américaine Edith Wharton dont j’ai lu le précieux manuel sur Les mœurs françaises de 1919, puis Les chemins parcourus, son autobiographie de 1933. Elle est décédée en 1937, dix ans après avoir acheté la villa. La commune d’Hyères la possède depuis 1955. Sur les pentes de la colline du château est préservée une roche gravée en schiste tendre, « probablement une pierre à cupules », est-il écrit, de 13m60 sur 2m80. Piquetages, raclages, rainures, dirent que la pierre fut utilisée. Mais par qui et quand ? – mystère.

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