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GR 20 corse Lundi 24 août

Notre nuit fut très bonne dans la belle bergerie de pierres brutes, sur un plancher en bois. En nous levant, se profilent sur la pente… les silhouettes des trois Bretonnes ! Elles vont manifestement au même rythme que nous, un rythme « naturel » en ce qui les concerne.

Descente parmi les sapins jusqu’à la bergerie de Tula où nous achetons un fromage de brebis frais et salé. Nous en aurions bien acheté plusieurs mais le paysan corse, égalitariste, nous dit qu’il n’en vend qu’un par groupe de randonneurs « pour que tout le monde en ait ». Comme il a peu de moutons, il produit peu ; comme sa marchandise est rare, il rationne.

Au repas de midi, puis au bord d’un torrent, il pleut. Nous décidons de couper par Vivario d’où nous sommes proches, plutôt que de passer par les crêtes du Monte d’Oro indiquées sur le topo-guide. Il pleut toujours et nous nous perdons dans la forêt, puis sur le Vecchio, un torrent pierreux qui descend vers Vivario. Nous constatons qu’il suffit tout bonnement de le suivre pour arriver au village – puisque la carte montre qu’il l’irrigue.

La période est fertile en rebondissements inattendus : Éric se viande sur une roche glissante, heureusement le sac en avant mais avec deux rebonds sur la tête et atterrissage sur des branches qui amortissent. Plus de peur que de mal malgré les cris de chouette effrayée d’Annick. Éric s’en sort avec quelques égratignures. Lui qui me disait que les semelles Vibram tenaient sur les rochers par tous les temps, il a glissé sur une dalle faute de bien plaquer le pied – un moment d’inattention ou de trop de confiance en soi. Après quelques autres acrobaties sans gravité sur le torrent, nous rejoignons un chemin de bulldozer qui remonte au hameau de Canaglia.

À la fontaine du village, nous parlons avec un vieux pépé d’origine corse mais (le mais est important) qui a travaillé 47 ans à Paris. Il nous propose de nous emmener à Trattone où existent un sanatorium et un libre-service. Je rentre dans le sana – très typique avec ses vieux crapoteux – pour demander des bandes Velpeau pour les ampoules d’Annick et on nous en donne trois (pas vendu, donné !), ce qui est vraiment gentil et nous aide bien. Lorsque nous attendons devant le supermarché, nous retrouvons un groupe de neuf copains du Jura avec un bon accent. Ils nous dépassaient souvent pour s’arrêter 100 m après durant la journée d’avant-hier. Ils nous donnent à leur tour des bandes élastiques collantes. Deux gosses du coin jouent devant les spectateurs que nous formons ; ils ont des airs de débiles légers. C’est peut-être le dépaysement qui nous fait dire cela ?

Nous prenons le petit train corse de Trattone à à Vizzavone. Il va en brinquebalant parmi la forêt de pins. Pour moi, le train fait partie du paysage ; je n’ai pas l’impression de « retrouver la civilisation » comme le dit Annick, portée aux lieux communs. Ce n’est pas comme l’automobile, indépendante, diverse ; le train est plutôt une infrastructure comme un pont, un village ou un chemin. C’est une humanisation du paysage. Il coûte trois francs pour 4 km. Près de la gare de Vizzavone, la petite épicerie contient absolument de tout : c’est un incroyable entassement d’objets divers aussi indispensables aux randonneurs que sparadrap, fruits, purée mousseline, pain frais et pellicules photo ! Nous sommes contents de repartir pour la suite du GR, nos sacs sont bourrés à bloc de tout le viatique pour cinq ou six jours. Jamais ils n’ont été aussi lourds et Annick en fait une mimique ; Éric joue les robustes en roulant des épaules.

Comme le chemin grimpe très fort et qu’aucun emplacement horizontal n’apparaît, nous dormons carrément sur la piste forestière en lacets, dans un endroit plat, après balisage de grosses pierres blanches au cas une auto aurait la fantaisie de suivre une part de GR. Menu de ce soir : choucroute garnie Williams Saurin, vin corse rouge Sanguinari (10 F. la bouteille, 3.80 €) et fromage corse bien puant. En dessert, un biscuit évidemment corse de Canistrelli.

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