L’auteur, d’origine syro-libanaise dont la famille était établie en Egypte depuis plusieurs générations, a grandi près d’Héliopolis jusqu’à ses 17 ans où il a émigré en France. Devenu journaliste, il est entré au journal Le Monde en 1969 et y a fait carrière, dirigeant sur la fin le Mondes des livres jusqu’à sa retraite en 2011. Il livre en cet opus d’une collection bien établie sa culture personnelle de l’Egypte, pays natal et phare de l’humanité depuis 5500 ans.
Bien sûr, chacun se fait une idée antique de l’Egypte, ses pyramides, son sphinx, les tombes des rois dont le jeune Toutankhamon. Mais le pays est bien autre chose. Un désert dont le Nil fait un jardin sur une étroite bande de terre fertilisée par sa crue, son gigantesque barrage d’Assouan voulu par Nasser qui a créé un lac, la mégalopole proliférante du Caire avec ses dix millions d’habitants au moins, ancienne Memphis renommée « la Victorieuse » par les Arabes, le parti islamiste des Frères musulmans et les jeux ambigus du pouvoir avec la religion…
Ses 150 entrées vont d’Abbasseya, un faubourg désormais du grand Caire, là où est né l’auteur, à Zaghloul (Saad) figure nationaliste né en 1856 qui a su réunir le pays pour en faire une nation. Où l’on apprend que les Français étaient bien vus jusqu’en 1956 et la malheureuse opération de représailles contre la nationalisation du canal de Suez avec les Anglais, que c’est désormais l’anglais (américain) qui fait la loi, que les Italiens ont donné à l’Egypte Dalida, les Grecs Moustaki et les Juifs qui n’ont pas donné que Moïse.
L’antiquité n’est pas omise et prend sa place avec Abou Simbel le temple sauvé des eaux, Akhenaton l’inventeur du monothéisme, Alexandrie avec son Pharos qui a donné le mot phare et sa très grande bibliothèque (mise à sac par les Romains puis les chrétiens puis les musulmans), Champollion né à Figeac en Dordogne et parlant déjà quatre langues à 13 ans qui déchiffrera les hiéroglyphes, Cléopâtre la reine grecque qui a fait de son corps un instrument politique, Edfou et son temple fou, égyptologues et égyptomanes, Isis la déesse mère, Karnak et son temple à forêt de colonnes, les momies dont on faisait un médicament au XVIe siècle, Néfertari la reine favorite de Ramsès II, les obélisques dont l’un de Louxor se trouve érigé sur la place de la Concorde à Paris, le papyrus aux belles ombelles qui servit au papier, le pharaon roi dieu qui stabilisait le monde (un peu comme le roi/reine d’Angleterre de nos jours), Philae une île au sud d’Assouan, la pierre de Rosette qui permit le déchiffrement des hiéroglyphes après huit siècles d’obscurantisme chrétien puis musulman, les pyramides pour l’éternité assurant la jonction de la terre et du ciel, le scribe figure de l’intellectuel lettré comptable et prêtre, le fameux sphinx que le vent du désert fait chanter, Toutankhamon et les ors de sa tombe…
Chacun y puisera son miel, même si l’actualité s’est arrêtée à Moubarak, depuis renversé. Mais l’Egypte change peu en ses profondeurs.
Robert Solé, Dictionnaire amoureux de l’Egypte, 2001, Plon 2006, €24.00 e-book Kindle €16.99
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