Nos politiciens de gauche ressemblent aux tarentules de Nietzsche

A l’occasion de l’opposition à la réforme des retraites – parfaitement légitime en soi puisqu’elle va demander aux actifs plus d’efforts – la relecture de Zarathoustra apporte une image frappante : celle de la tarentule. C’est une araignée noire tapie au centre de sa toile. « Il y a de la vengeance dans ton âme », s’écrie Zarathoustra, « partout où tu mords il se forme une croûte noire, le poison de ta vengeance fait tourner l’âme ! » Nietzsche visait les prêtres chrétiens (tous habillés de noir) mais aussi les doctrinaires d’université et les hommes de lois moralistes (habillés de même couleur), voire les politiciens égalitaires de son temps.

Où nous retrouvons le nôtre. Car nos politiciens contestataires n’ont pas pour objectif le bien du peuple comme ils veulent le faire croire, mais le goût du pouvoir et de la revanche. Ils ne seraient crédibles pour faire avancer la société que s’ils étaient « délivrés de la vengeance », or ce n’est pas le cas. A quoi rime cet histrionisme de guignols à l’Assemblée ? Cette affiche communiste au Macron impérial ? Ces revendications absurdement irréalistes du Smic à 2000 euros, retraite à 60 ans et ainsi de suite ? Devons-nous rejouer névrotiquement la prise de la Bastille suivie de la Terreur à chaque fois que nous ne sommes pas d’accord et ne parvenons pas à un accord avec de longs mois de « négociations » ?

« Mais les tarentules veulent qu’il en soit autrement. ‘C’est précisément pour nous la justice que le monde se remplisse des orages de notre vengeance’ – ainsi parlent entre elles les tarentules ». On dirait du Mélenchon, ce n’est que Zarathoustra. Qui décortique le sous-jacent, et ce pourquoi le compromis n’est jamais possible avec les politiciens français de gauche dans leur extrémisme : « ‘Nous voulons exercer notre vengeance sur tous ceux qui ne sont pas à notre mesure et les couvrir de nos outrages’ – c’est ce que se jurent en leurs cœurs les tarentules. » Notre mesure signifie nos petites personnes, la tarentule veut tout rabaisser à son niveau, faire que chacun lui ressemble – et outrager ceux qui y échappent. Ainsi fit le communisme – et l’on voit à quoi il a abouti : à la fuite massive une fois le Mur tombé, au vote avec leurs pieds des citoyens des glorieuses démocraties « populaires ». Et l’on voit où l’aboutissement de cet aboutissement conduit aujourd’hui : à la dictature impitoyable, agressive et purement réactionnaire d’un lieutenant-colonel du KGB sur tout un peuple en déclin.

Voilà à quoi a abouti le fantasme chimérique d’égalité. L’égalité peut être en droit, en dignité, en chances ; elle ne peut être totale. L’égalité dévoyée fait changer de sexe les enfants de 9 ans et croire que l’on n’est ni homme, ni femme mais une hybridation plus ou moins prononcée, qu’être égal c’est ne pas regarder (le regard juge et la racaille frappe pour un simple regard), ne pas dire (les mots discriminent, ce pourquoi on ne dit plus nègre ni même noir et à peine humain de couleur, et qu’il est interdit de singer le noir quand on est blanc, même si l’inverse n’est pas prévu par le woke). Car Nietzsche s’élève contre cette notion, antinaturelle selon lui, antihumaine même, d’égalité (au sens totalitaire d’absolu). « La vie veut elle-même s’exhausser sur des piliers et des degrés : elle veut découvrir des horizons lointains et explorer les beautés bienheureuses – c’est pourquoi il lui faut l’altitude. » Cette revendication égalitaire cache au fond l’envie, la jalousie de ne pas être meilleur, aussi bon que les autres, d’avoir mieux travaillé à l’école, s’être entraîné au sport, avoir cultivé son esprit. « Nous voulons élever nos cris contre tout ce qui est puissant ! » s’écrient les tarentules. Les médiocres parlent aujourd’hui de « dominants ».

Ce que cache cette envie, c’est tout simplement l’envie d’avoir pour soi le pouvoir sur les autres, de les commander, de les rabaisser, de les humilier. Les révolutionnaires idéalistes arrivés au pouvoir sont souvent pire que les dictateurs qu’ils sont chassés : voyez les jacobins de 1789, les communistes en 1917, le FLN en Algérie, les islamistes après Ben Ali. « Prêtres de l’égalité, la tyrannique folie de votre impuissance réclame à grands cris « l’égalité » : vos plus secrets désirs de tyrans se travestissent sous des paroles de vertu ! ». Cela se nomme la démagogie, et il n’est pire tyran qu’un démagogue parvenu au pouvoir : voyez Hitler, voyez Castro, voyez Chavez, voyez Trump – je frémis en pensant à un Mélenchon s’il avait été élu, lui qui se réfère à Chavez comme à un Mentor !…

« Ils ressemblent aux enthousiastes ; mais ce n’est pas le cœur qui les enflamme – c’est la vengeance. Et lorsqu’ils deviennent froids et subtils, ce n’est pas l’esprit, mais l’envie qui les rend froids et subtils. » Voyez Mélenchon, et Badiou. « A chacune de leurs plaintes résonne la vengeance et chacune de leurs louanges porte une blessure ; s’ériger en juges leur semble le comble du bonheur. » Mélenchon se venge de l’absence du père, divorcé lorsqu’il avait 10 ans ; Badiou a pour croyance que les mathématiques sont l’ontologie de la philosophie, ce pourquoi lui a toujours raison malgré les autres, égarés par la phénoménologie – il a ainsi justifié les Khmers rouges (1,7 millions de morts).

« Or, voici le conseil que je vous donne, mes amis : Méfiez-vous de tous ceux en qui l’instinct de punir est puissant ! C’est une mauvaise engeance et une mauvaise race ; ils ont des faces de bourreau et de ratiers ». Ainsi parlait Zarathoustra. Ecoutons-le.

(J’utilise la traduction 1947 de Maurice Betz au Livre de poche qui est fluide et agréable ; elle est aujourd’hui introuvable.)

Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, 1884, traduction Geneviève Bianquis, Garnier Flammarion 2006, 480 pages, €4,80 e-book €4,49

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2 réflexions sur “Nos politiciens de gauche ressemblent aux tarentules de Nietzsche

  1. Mais si « le peuple » veut être « reconnu », qu’il le manifeste clairement : pourquoi les Russes ont-ils voté Poutine plusieurs fois, les socialistes français Pétain en 40, les Allemands Hitler en 33, les Italiens Mussolini en 22 ? Parce qu’ils « croient » plutôt que de penser, parce qu’ils sont un troupeau qui suit plutôt que de s’engager, parce qu’ils revendiquent une « égalité » qu’ils ne sont pas capables d’assumer. Le peuple, en tant qu’entité, n’existe pas – c’est un sac de pommes de terre disait Marx juste avant le coup d’état de Napoléon le Petit.
    Pour Nietzsche, il n’existe que les meilleurs : ceux qui se surmontent, apprennent à l’école, excellent en sport, doutent et raisonnent suivant leurs instincts – pas ceux qui se laissent traîner et regardent passer les trains en ruminant leur foin assuré à l’étable.
    Les Français sont volontiers aristocrates même si, dans un moment de délire, ils ont coupé la tête à leur roi (à une voix près). La méritocratie républicaine est ancrée dans la nation, il n’est que voir l’élitisme des parents qui poussent leur progéniture dans les « grandes » écoles où les places sont chères. Une fois le sésame obtenu, comment s’étonner que les meilleurs se croient « supérieurs » et veuillent régner sans écouter ?
    Ce n’est pas le propos de Nietzsche qui vise ici « les tarentules », autrement dit les minables inaptes, haineux de ne pas être à la hauteur, et qui veulent rabaisser par leur venin quiconque ose se dire plus fort et plus intelligent qu’eux.
    Quant à « l’intérêt commun pour le pays », dont vous parlez, je suis d’accord avec vous qu’il est bien évanescent : qui le définit aujourd’hui ? Le programme électoral du président ? Le gros bon sens ignorant de sa principale opposante ? La campagne électorale ? Le consensus des médias ? Les votes répétés « contre » les sortants, sans trouver jamais un vote « pour » un agissant ?
    Mitterrand a déçu à gauche parce qu’il avait laissé rêver les idéalistes ; Sarkozy a déçu à droite parce qu’il a plus dit que fait – quant à De Gaulle, tout le monde le louange aujourd’hui, mais que n’a-t-on pas dit à son sujet lorsqu’il était au pouvoir ! Lui a définit tout seul l’intérêt commun du pays (contre tous les parlementaires à gauche comme au centre et à la droite rigide) ; lui a incarné « le peuple » sans lui demander son avis, à Londres d’abord quand la majorité se résignait à Pétain, à la Libération ensuite quand les petits partis cuisaient leurs petites soupes à petit feu dans leurs petits coins, en 1958 enfin quand « le peuple » voulait garder l’Algérie comme Poutine veut garder l’Ukraine.
    Alors « le peuple »… Encore faudrait-il qu’il existât.

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  2. Henri Maillard

    Je suis plutôt d’accord avec les propos de Nietzsche sur « l’égalitarisme », mais la manière dont ils sont interprétés dans ce billet semble pour moi ne pas tenir compte du problème majeur : la revendication de l’égalité est aussi la réclamation pour le peuple d’une reconnaissance qui lui a toujours été refusée depuis un certain temps. Les politiciens, avides de pouvoir, chuchotent entre eux « abolissez ce peuple ». Ni les classes moyennes ni les classes populaires ne sont politiquement organisées. Elles ne participent plus aux partis ou aux associations qui pullulent, d’autant plus revendicatrices qu’ils comprennent peu de membres. Avec la dernière réforme, Macron et LREM prétendent suivre un intérêt commun pour le pays, mais sont composés de bobos, CSP+ ou qui se croient tels, après des études supérieures qui les ont convaincus surtout d’être supérieurs en tout.

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