Articles tagués : drôme

Une nouvelle hiérarchie des territoires montrent Fourquet et Cassely

Le livre bilan sur quarante années de changements en France de Fourquet et Cassely, déjà chroniqué sur ce blog, montre qu’avec les changements de mode de vie initiés par la désindustrialisation, une nouvelle hiérarchie des territoires s’installe. Plus de vacances, plus de RTT, plus de retraités, le loisir devient crucial. Les auteurs ont mesuré la désirabilité des territoires par l’audience des pages Wikipédia des communes, des villes, et des régions. Ils montrent l’attrait touristique pour le soleil, pour le sud au-delà d’une ligne Genève Foix.

Ce sont la côte atlantique, la côte normande, les montagnes, le Périgord, les vignobles d’Alsace et de Bourgogne qui l’emportent. En négatif, les banlieues et le périurbain ainsi que le nord-est et tout ce qui est en retrait des côtes. Il s’agit de la France de la logistique, de l’arrière-cour des soutiers du loisir et du commerce. Ce tropisme est accentué par la télévision dans ses sagas de l’été et ses séries policières tournées dans quelques régions seulement : la Côte d’Azur, la côte basque, la côte atlantique, Saint-Malo. L’entre soi fait que des groupes sociologiques proches s’imitent, notamment via les photos postées sur Instagram.

Ce qui explique la hausse du prix de l’immobilier dans certaines villes et certains lieux particulièrement. C’est le cas de Bordeaux où le prix au mètre carré a explosé en raison de l’arrivée du TGV, du tramway, du Vélib’, faisant passer la ville devant Nantes et Lille pour son attrait. Depuis le centre-ville et le bord de mer s’étale toute une strate décroissante de riches jusqu’aux pauvres. Les habitations de catégorie A étant difficilement accessibles aux non-héritiers, les ménages se rabattent sur le second rang, et ainsi de suite. Les banlieues anciennement ouvrières de Paris avec leur écosystème artisanal, créatif culturel, laisse place à l’islamisation d’une partie de la société locale, désormais bien établie.

La Californie française passe de la Côte d’Azur hier à la côte basque aujourd’hui. Les acteurs, les influenceurs, les intermédiaires culturels, jouent le rôle de leaders dans cette transhumance. La réputation d’une ville ou d’un territoire se développe par imitation au service de microcosmes qui s’observent et s’influencent mutuellement. C’est ainsi que le Perche, à 2h30 de Paris, attire les bobos qui veulent se mettre au vert. Le parc naturel régional limite les constructions et valorise le foncier. La qualité de vie est excellente durant les confinements et le réseau Internet développé permet le télétravail. La bi-résidence y remplace la résidence secondaire.

La maison individuelle avec jardin est aujourd’hui majoritaire auprès des deux tiers des sondés. Si cela va contre le tropisme écologique, cela rend aussi la voiture obligatoire. La vie privée montre peu de mixité sociale, c’est la culture du barbecue, la toupie sociologique de Mendras, ce qu’il appelait « la moyennisation » (un centre ventru et des extrêmes filiformes). Les piscines, le trampoline, le petit bouddha de jardin, montrent cet entre soi de bulle protectrice centrée sur la famille et les amis, à l’inverse des plages publiques, des piscines municipales comme des terrains de sport. Les années 2010 ont été l’âge d’or des romans de lotissement comme ceux des auteurs nés dans les années 1980-1990 tel Nicolas Mathieu ou Aurélien Bellanger. L’urbanisation pavillonnaire des années 1970–1990 a été de l’Ouest au Sud-est en comprenant les Alpes. Le bâti d’avant la première guerre mondiale est resté à l’écart, rural et périphérique.

Le périurbain d’après sera très différent. Il verra la diversification, la gentrification, la relégation. Plus de moyennisation mais au contraire un renflement des extrêmes riches et des extrêmes pauvres, la classe moyenne étant laminée par les nouvelles tendances. Il s’agit du mouvement constaté aux États-Unis, avec 30 ans de décalage pour la France.

La campagne devient alors une utopie de rechange, moins chère, plus accessible- plus désirable par nécessité. La puissance d’entraînement de l’écologie politique, voire de la mystique de l’écologisme, rend certains territoires particulièrement attractifs auprès des intellectuels comme la Drôme bio qui expérimente la démocratie participative. Il s’agit d’un cluster intello-politique pour classe moyenne supérieure en déclassement. La lassitude urbaine d’une partie de la jeune génération, même diplômée, anti consumériste, anti mondialisation, encourage ce genre de lieu où l’on peut vivre en yourte ou dans les nouvelles maisons écologiques en bois et matériaux naturels. Les écolieux alter cooptés entre familles encouragent les écoles alternatives comme Montessori, les activités de bien-être oriental comme le yoga ou le massage ayurvédique. Dans ces oasis, l’hybridation des styles et des façons de vivre s’érigent en nouveau modèle.

Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely, La France sous nos yeux – économie, paysages, nouveaux modes de vie, cartes de Mathieu Garnier et Sylvain Manternach, Seuil 2021, 494 pages, €23.00 e-book Kindle €16.99

Catégories : Economie, Politique | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Une chatte de la Drôme

Arpenter les pays et explorer la vie qui prospère amène parfois dans la Drôme, éventuellement à parler de chats. Vous ne connaissez pas le village, ce sera pour une autre fois ; les gens y sont plein d’intérêt mais il faut plus de temps pour le dire. Aujourd’hui est le jour du chat, cet animal libertaire, tout en féline astuce et bienveillante tolérance, jusqu’à ce qu’une « bêtise » passe à sa portée. Et hop ! Regard fulgurant, coup de patte assuré, la bête bêtifiante est sur le champ dévorée. Tout un art martial de la Voie pour nos frères animaux.

La chatte dont j’ai fait connaissance a eu une vie mouvementée. Née en portée comme d’autres, tôt séparée de ses frères et sœurs, rejetée par sa mère (comme il est naturel chez les chats autonomes), elle s’est retrouvée sans maître, errant dans un hôpital. Était-ce attirée par les restes ? Était-ce chatte d’un malade qui n’est pas ressorti ? S’est-elle perdue lors d’une visite ? Allez savoir. Si le chat sait agir, il parle peu et uniquement à qui le connaît.

Voici donc cette chatte accueillie dans une communauté, une maison découverte par ouï-dire, une fois recueillie et passée de mains en mains. Une grande maison sur trois niveaux, ancienne ferme de pisé entourée d’un jardin buissonnant et d’une pelouse de devant où coule une source en bassin où les oiseaux viennent boire. Beaucoup de recoins pour s’y cacher, une voiture au capot brunisseur les jours de grand vent qui vous hérisse le poil et vous change de couleur, une sorte de parc à thèmes à explorer à loisir tout en défoulant ses instincts carnassiers sur les mulots ou les piafs assez bêtes pour vous narguer les griffes.

A l’intérieur attend une gamelle chaque jour remplie, quelques genoux accueillants réduits à l’immobilité requise par la télé grand écran, puis une couette où se hisser pour passer les heures les plus sombres de la nuit. La bête est svelte, bâtarde de Chartreux et de Gouttière. Poil ras de rat gris souris, socquettes blanches et col de même, très chic, elle eût pu porter le nom de ses pattes si cela n’eût paru sot. Les hommes ont, hélas ! ce dicton étrange pour un chat de juger de la bêtise aux pieds. Et puis « Socquette » eût trop rimé avec « croquettes », ce qui eût induit le soupçon – injustifié, hein ! – de gourmandise. Non, point de nom. La chatte de la maison est tout bonnement « Minette ». Ce n’est le diminutif de rien, seulement le vocable générique de sa race. Il est hommage à son indépendance et à sa discrétion. Prendre la place d’une chatte précédente, écrasée dans la rue comme une vulgaire canette de Coca, n’est jamais simple ; il faut savoir se faire discret pour se faire adopter.

Œil direct, d’un vert phosphorescent, pattes arrière promptes à la détente, miaulement suggestif décliné en « mia ! » ou « mrrrou » à l’intérieur (« rraoouh !! » est réservé à l’extérieur pour dire son plaisir aux mâles de la contrée), il faut bien deux jours pour se laisser voler une caresse ; puis l’arrivée inopinée d’un poulet sur la table pour remercier des morceaux offerts. On n’est pas chatte errante sans être chattemite.

Catégories : Chats | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,