Que veulent donc les Grecs ?

Coup de tonnerre dans le ciel européen : le Premier ministre socialiste Papandréou décrète un référendum sur le plan de sauvetage européen à son pays. Deux réactions possibles :

  1. Irresponsabilité démagogique
  2. Sursaut démocratique

Le Président Sarkozy et l’UMP ont aussitôt crié à l’irresponsabilité.

Eux avaient pourtant eu l’impression d’avoir « tout fait » pour sauver la Grèce de sa déchéance financière. Ils n’ont pas tort mais c’est une « réaction », un sursaut épidermique, un ressentiment envers ceux que l’on veut sauver et qui vous crachent à la gueule.

Il est vrai que l’organisation d’un référendum prend du temps – trois mois au moins – et que, d’ici là, on ne voit pas comment la Grèce peut faire face à ses échéances financières sans faire défaut. A moins que, comme en octobre, il n’y ait des ressources cachées ? C’est ce même Premier ministre socialiste Papandréou qui avait déclaré que son pays pouvait attendre deux mois de plus…

La question que l’on se pose inévitablement est : y a-t-il une administration dans ce pays ? Il y a des fonctionnaires, certes, mais pour quelle inorganisation ? Les comptes sont-ils seulement tenus ou est-ce au doigt mouillé ? Car un Premier ministre, même démagogue et socialiste, donc prêts à caresser « le peuple » dans le sens du poil, ne peut pas ignorer que tout est désormais gelé : le prêt de 8 md€ du FMI, les aides européennes, la remise des 50% de dette d’État… Avec un déficit budgétaire annuel « estimé » à 16% du PIB, cela signifie qu’il faut supprimer aussitôt 16% de dépenses publiques pour survivre. Puisque personne ne voudra prêter à de tels bordéliques, il faut donc baisser les salaires des fonctionnaires, les pensions des retraités de 16% de plus…

La situation apparaît donc un peu curieuse. Surtout qu’il s’agir d’un camouflet à l’Union européenne, dont les peuples pourraient être lassés d’une « solidarité » aussi peu reconnaissante.

Ne s’agirait-il pas plutôt d’un sursaut démocratique ?

La Grèce, pays des citoyens sur l’agora, a fondé le système démocratique occidental. Veut-elle donner une leçon de démocratie à ses voisins, empêtrés dans la technocratie ? Comme dans l’Islande de la faillite financière ou l’Espagne des Indignados, la Grèce redonnerait la parole au peuple pour qu’il dise à la classe politique ce qu’elle doit faire.

Mais quelle sera la question posée au peuple grec ? L’acceptation du plan de rigueur ? Le La sortie de l’Union européenne ou au moins de la zone euro ? Le refus de la mise sous tutelle du pays ? Mais la souveraineté n’est-elle pas en premier lieu d’être soi-même autonome plutôt que de se laisser aller à la dépense pour se mettre sous dépendance ?

Ce serait beau, si le référendum aboutissait à l’élection d’une nouvelle Assemblée constituante, comme en Islande (qui n’y est pas encore parvenue). Mais la classe politique grecque, et surtout les socialistes du Pasok au pouvoir, n’ont pas l’intention de laisser la place. Ils semblent au contraire s’accrocher à leurs sièges comme s’ils leur appartenaient. D’où cet « appel au peuple » pour un grand tout ou rien, moi ou le chaos, qui ressemble plus à de la bonne vieille démagogie qu’à une saine expérience démocratique…

Car la Grèce est loin d’être l’Islande. Ce petit pays du nord, indigné bien avant Monsieur Hessel, a certes obtenu un moratoire sur sa dette financière monstrueuse. En octobre 2008, les trois banques du pays ont implosé par excès de dettes, huit à dix fois le PIB annuel du pays, elles ont été nationalisées. La dette de l’État est montée à 105% du PIB fin 2009, avant de redescendre à 40% du PIB selon l’OCDE en juin 2010… bien loin des sommets grecs à plus de 150% du PIB !

C’est que l’Islande est un pays vertueux. Certes, le plan de désendettement a été rejeté par référendum en 2010, induisant un autre référendum pour une Assemblée constituante et la chasse aux anciennes élites politiciennes défaillantes. Mais le gouvernement nouvellement élu de centre gauche a mis en œuvre des réformes que le gouvernement grec est incapable de mener, tenu par le corporatisme, le clientélisme, les rentes de situation. Faire appel au peuple, c’est démocratique… quand on a les moyens de proposer des choix clairs. La Grèce en a-t-elle ? Le déficit islandais rejoindra les 3% du PIB fin 2012, la croissance existe, autour de 3%, des dépenses publiques orientées vers l’emploi sont mises en œuvre. Le pays négocie un programme de remise à niveau avec le FMI et avec l’Union européenne pour la rejoindre. Tout le contraire de ce que font les politiciens grecs.

Or la démocratie n’est pas qu’un appel au peuple ni une suite de coups de théâtre : c’est une vertu quotidienne. Balayer devant sa porte, remettre de l’ordre dans la maison avant d’aller négocier une entente avec ses partenaires. Mais veut-on encore des partenaires ? Si le Premier ministre grec avait prévenu les Européens qu’il devait poser la question de la tutelle à son peuple, cela aurait été démocratique. Ce coup médiatique inattendu a au contraire tout d’une manipulation de sérail.

Malgré la tentation positive de croire à un sursaut démocratique du gouvernement grec, le réalisme nous conduit à voir dans cette annonce de référendum une manœuvre de politiciens au bord du gouffre.


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4 réflexions sur “Que veulent donc les Grecs ?

  1. Tout à fait d’accord avec toi pour considérer que les politiciens (droite comme gauche) s’occupent de leur fromage égoïste plutôt que de l’intérêt général…
    De là à penser « tous pourris » (comme les Grecs le disent de leur classe politique), je ne franchirai pas le pas pour la France.
    A gauche on est pour le social, social, social, sans penser une seconde (jusqu’à ces dernières semaines) au financement, ce qui est à la fois généreux et déresponsabilisant (pourquoi travailler plus si l’Etat redistribue à chacun sans rien demander ?).
    A droite, on est pour la liberté et l’initiative, dans une France trop habituée à l’autoritarisme (Clemenceau, Pétain, de Gaulle, Mitterrand, Chirac – moins Sarkozy quoi qu’on dise) qui infantilise les citoyens en leur disant « dormez bonnes gens on s’occupe de tout ».
    Pour les deux, c’est bien la même chose : nous, élites, on SAIT ce qui est bon pour vous et fermez vos gueules.
    Je comprends donc parfaitement l’exigence de « démocratie ». Mais la participation commence aux élections, or on voit l’abstention progresser sans cesse et les Zindignés de Paris dire on votera blanc. Qu’est-ce donc qu’une « démocratie » où c’est la rue et les braillards violents qui l’emportent ?
    Sur la Grèce ; pourquoi les électeurs n’ont pas mis tout le monde dehors ? Ils vont avoir à juger dans quelques mois et on verra, mais il y a fort à parier qu’ils vont réélire éternellement les mêmes. C’est que les braillards ne font pas la majorité. Silencieuse, elle profite, la majorité : du clientélisme, de la corruption, des petits arrangements entre amis. Ce pourquoi le théâtre grec en politique n’est pas la panacée, malgré les zécolos-radico-gauchos qui s’illusionnent du contraire, en général bien à l’abri des métiers d’Etat. Toujours l’idéalisme de Rousseau… j’y reviendrai.
    Quand on est d’accord sur l’Europe, quand on veut rester en zone euro, quand on a triché et menti sur ses comptes publics, quand l’évasion fiscale est un sport national – qu’est-ce donc que « la démocratie » ?
    Pour le politicien Papandréou, qu’est-ce que sa parole, lorsqu’il approuve le plan des 17 de la zone euro, puis s’empresse de sortir du chapeau un référendum interne sans avoir rien dit à ses partenaires, pour foutre le souk dans toute l’économie du continent ?
    Ce n’est pas le recours au référendum que je conteste (comme certains), c’est le surgissement du chapeau pour prendre tout le monde de court, sans se préoccuper des conséquences.
    Où ce genre de politicien est aussi minable que le Raffarin et sa petite TVA privilégiée pour son parc de jeux.
    Ceci posé, il reste qu’il faut améliorer le fonctionnement européen, je le dis et redit dans chaque article sur le sujet. On ne peut avoir une monnaie unique sans des contraintes pour tous.

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  2. Daniel

    Depuis le début je suis plutôt, mais prudemment, d’accord avec Sylvie et tant pis si je suis (moi qui suis plutôt, comme certain, de la gauche mendesiste…. mais ça date…) à répertorier parmi les zécolos et radigochos qui se couvrent de ridicule…. toujours excessif ce cher Argoul mais c’est ce qui fait le charme de ton blog…….Attendons la fin de la pièce certes trop théatrale mais au moins et malgré tout démocratique qui se joue encore dans les mois à venir pour approfondir la réflexion……
    Il serait bon aussi de rappeler la lourde responsabilité de l’opposition dans la triche des chiffres de l’économie quand elle était au pouvoir, il n’y a pas si longtemps (2 ans)…… Un peu comme en France quand on oublie que le gouvernement Jospin entre 1997 et 2001, faisait de la CAGNOTTE (dixit Chirac & Sarko) ….. mais je sens là que je dérape ce qui va me valoir une réplique aux petits oignons…

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  3. Il semble, au vu du retrait de l’idée de référendum, qu’il se soit agit d’une manoeuvre étroitement égoïste pour forcer son parti, les socialistes européens et le peuple grec à accorder à Papandréou – complètement déconsidéré – un peu d’attention.
    Ne pas appeler le peuple à décider ne fait pas de bien à l’Europe comme construction démocratique, mais faire surgir un référendum du chapeau après sans prévenir ses partenaires et après avoir approuvé le plan de tous, est d’une goujaterie qui n’honore en rien la démocratie « à la grecque ».
    Les zécolos et autres radicogôchos qui ont aussitôt applaudi des deux mains se sont couverts de ridicule. Un peu de réflexion ne nuirait en rien au progressisme, s’il existait encore.

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  4. Sylvie Lapuce

    A mon avis…
    Cette proposition de référendum c’est un coup de poker de Papandreou. Il fallait mettre le peuple grec au pied du mur. Ce peuple grec qui a très (trop) largement profité de la manne européenne et qui se conduit en enfants trop gâtés auxquels on vient de dire « stop ! Cette année il n’y aura pas de cadeaux de Noël…!!!! ».
    Face à la violence des protestations, les manifestations, casseurs, grèves….il était nécessaire de créer un électrochoc. Ce référendum, même s’il n’a pas lieu, a donné de quoi réfléchir à TOUS les grecs. Le choix n’est pas étendu : soit ils reçoivent de l’aide à condition de se plier à une discipline économique rigoureuse ou alors ils continuent à faire les cigales en dansant devant le buffet vide, libres mais affamés !!!….ce n’est pas du chantage, c’est de l’éducation !!!

    L’Allemagne et la France ont eu raison de lancer un ultimatum. En d’autres termes : « la Grèce accepte l’aide proposée aux conditions de l’Europe ou alors elle sort de l’Europe et va se noyer toute seule… »
    Mr Papandréou a tenté un coup de bluff, culotté mais nécessaire !!!

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