Jean-Yves Duchemin, Facéties d’une vie de gamin

Jean-Yves Duchemin est de Marseille, et ce n’est pas pour rien qu’il exagère la réalité des choses : « les chats du quartier s’immisçaient chez les gens dans le but de dévorer leurs cochons d’Inde, leurs hamsters ». C’est l’une de ses premières phrases. Il y est né il y a un peu plus d’un demi-siècle. Jean-Yves aime les livres, il en a fait son métier principal, grossiste en librairie. Duchemin aime écrire, il en a fait son métier accessoire, chroniqueur, journaliste – et auteur : « j’aimais bien me coucher, le soir, car je savais que j’avais rendez-vous avec de belles étoiles qu’une main bienveillante avait décrochées du ciel pour les glisser dans mon lit. » Il écrit ici d’un clavier alerte des souvenirs savoureux de son enfance qui se prolonge tard, qu’on découvre sur écran selon le nouveau modèle du lire.

Il a, enfant, martyrisé ses joujoux pour se défouler de ses frustrations, par exemple « les avoir trempés dans l’huile bouillante comme des frites, pendant que maman avait le dos tourné », ou avoir tordu la patte de son ours jusqu’à ce qu’elle se déboite. Puis il les a enterré pour ne plus les voir. Les enfants sont cruels, surtout les solitaires, et d’autant plus qu’ils torturent des symboles inertes. Sauf que… des années plus tard, les morts-vivants se vengent lors d’une nuit étouffante à Marseille. Le port que la Sardine a bouché, vous vous souvenez ? Eh bien, là, disons que l’auteur a du plomb dans l’aile.

Faut-il le croire quand il avoue : « Je n’ai aucune imagination et mon imaginaire est égal à un oued dans le désert. Il serpente pour faire joli… » ? En tout cas, obtenir une bonne note parce qu’on évite à sa mère de mourir vaut la lecture. De même lorsqu’il explique comment on devient Vivaldi. Oh, certes, Jean-Yves n’a rien d’un gamin hardi et déluré de la ‘Guerre des boutons’ ; il serait plutôt hypocondriaque et un brin paresseux, d’autant que sa gaminerie persiste fort loin dans sa vie adulte. Ses aventures sont plus rêvées que vécues, mais c’est neuf, écrit avec un plaisir qui se communique au lecteur. Avec quelques formules heureuses, telle celle-ci, à propos d’une écolote : « J’ai toujours eu des problèmes avec ces gens qui s’imaginent sauver les animaux en se gavant de salades. »

Même si l’auteur n’évite pas, malheureusement, le vocabulaire daté de notre époque (qui sera illisible dans dix ans) et l’argot familier de la facilité, il a le trait alerte et se lit bien.

Jean-Yves Duchemin, Facéties d’une vie de gamin, juillet 2012, éditions Le Texte Vivant, format Kindle, 113 pages, €9.49


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2 réflexions sur “Jean-Yves Duchemin, Facéties d’une vie de gamin

  1. Jean-Yves Duchemin

    Bonjour,

    Un grand merci à l’auteur de cet article, qui a su me lire.

    Amicalement :o)

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  2. Très joli article, qui nous change des problèmes politico-économiques en nous replongeant dans notre propre enfance. Ce livre doit être une véritable pépite.
    Faire frire les joujoux, je n’y avais pas pensé 🙂 En revanche, j’avais fait un trou dans le front d’un poupon, curieuse de savoir ce qu’il avait dans la tête. Je me souviens l’avoir nourri de petits bouts de saucisse que je glissais par ce trou. Je suppose que quelqu’un avait dû les retirer, sinon il aurait très rapidement empesté.

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