Le site est enchanteur et nous lave des massacres éternisés sur la pierre. C’est une série de cascades qui a creusé plusieurs bassins où tourne une eau transparente.
L’on peut s’y baigner et les touristes comme les locaux ne s’en privent pas. Des enfants sont même venus en vélo vêtus en tout et pour tout d’un short pour passer la journée et se rouler alternativement dans l’eau et sur l’herbe. Comme il y a des vols, ils n’ont rien, ils sont libres. On dit que l’endroit est un ancien repaire de hippies descendus del Norte à la fin des années 1960 pour suivre « la route ». Ce sont eux qui ont initiés ces colliers d’ambre local qui ont fait école. Comme dans tous les endroits qui attirent du monde, se sont installés en degrés de multiples boutiques de boissons, de restauration rapide et d’artisanat, dans cet ordre de priorité des visiteurs. Des familles entières viennent ici se rafraîchir en ce samedi.
Nous montons, de cascade en cascade, pour nous baigner enfin dans la plus haute. L’eau verte ou bleue par endroit est fraîche, agréable à la peau. Elle a poli les rochers blancs, les creusant en vasques profondes et en toboggans lisses. Je me laisse un moment masser par l’eau vive qui me submerge plus qu’à demi.
Un père et son fils jouent là, se pendant à une corde attachée à un arbre qui surplombe le bassin, se balançant le plus loin possible, lâchant prise pour se jeter dans l’eau dans une grande gerbe d’éclaboussures tels de dodus Tarzan.
A la redescente, je photographie un groupe d’élèves, filles et garçons, accompagnés de leur professeur. La conversation s’engage aussitôt.
Les élèves sont curieux de savoir d’où je viens, si je suis seul ou en groupe. Le professeur me demande ce que je visite au Mexique et, comme je lui parle de randonnée, il explique doctement à une élève que « notre forme de tourisme est différente de la forme traditionnelle, et plus proche de la nature ». Le teint frais de cette jeunesse annonce 14 ou 15 ans tout comme l’effervescence des attitudes, l’émotion à fleur de peau. Un tout jeune couple se fait immortaliser en photo par une copine devant une cascade.
Je demande au professeur : « ils sont amoureux ? – Non, non, me dit-il », manifestement gêné d’évoquer cela. Le garçon transpire malgré sa chemise blanche d’uniforme largement ouverte au col. La légèreté du tissu risquait de révéler ses formes, aussi porte-t-il en plus un antique maillot de corps. Cette pruderie paysanne est mal venue pour le climat, mais bien catholique. Il faut passer sa vie à se contraindre pour obéir à la Morale. Malgré les titillements des filles, le garçon apparaît pataud, l’inverse de ce qu’il voudrait être avec son pendentif en plastique coloré qui brille d’un éclat vif à son cou.
Je prends un peu plus bas la vue d’un oiseau noir, gracile et hardi comme un kid, que Guillermo me dit s’appeler un « oropendole ». De vrais gamins jouent au foot sur l’herbe qui borde la rive, à deux pas du parking.
Nous avons encore une heure et demie de route à faire, dans la nuit qui vient, avant d’arriver à Palenque. Le voyage nous paraît interminable, l’intermède randonnée nous a déshabitués de ces boites à transport. Mais ici les distances sont grandes, nous sommes en Amérique. « Conceda cambio de luces », enjoignent les panneaux de la route. Ils font de la pédagogie routière pour les paysans du coin : ne gardez pas vos pleins phares quand vous croisez une autre voiture !
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