
Ce roman historique commence par une jeune Louyse de 13 ans qui rêve de conquérir le monde en regardant ses seins pousser. Sa mère la rabroue, qui a besoin d’elle pour l’aider à trier des herbes destinées à faire des potions. Elle connaît les simples, ceux qui guérissent et ceux qui sont dangereux, avec les doses à ne pas dépasser et les mélanges nécessaires. Elle fait de l’argent avec, de plus en plus d’argent, ce qui va entraîner des jalousies. Dénoncée comme empoisonneuse par une voisine, elle est arrêtée avec son mari par Nicolas Gabriel de La Reynie, lieutenant général de police du roi, soumise à la question et brûlée en place de Grève à Paris comme possédée par le démon.
Louyse se retrouve seule à 15 ans et décide de monter à la capitale. Elle n’a pas d’idée en tête, sinon de quitter son patelin. Elle entre dans Paris et est repérée lors d’une échauffourée où elle n’est que spectatrice par un adjoint du lieutenant de police, qui l’appréhende moins pour ce qu’elle a fait que pour ses beaux yeux. Car elle les a fort lumineux et perçants. Cette étrangeté n’est pas normale. Loin de la mettre dans son lit, l’homme la met au cachot, subjugué, ayant découvert qu’elle est la fille de l’empoisonneuse récemment partie en fumée et qu’elle emporte avec elle des fioles de potion. Mais la belle en avale une gorgée et dit que cela peut guérir sa femme, prise de coliques frénétiques. De fait, elle s’apaise en quelques jours.
L’adjoint évoque alors son cas avec le lieutenant général et La Reynie la prend sous sa protection. Lui va être séduit et la met sur sa couche – avec son consentement, l’auteur écrit après mitou. Défloration, plaisir partagé, philtre d’amour conseillé par un mystérieux masque noir, rien ne nous est épargné des détails croustillants dans ce Paris infecté d’odeurs nauséabondes, décrites par les mémoires du temps. Consentement car la mère de Louyse lui apparaît régulièrement, comme si sa fille était voyante. Elle la conseille et l’incite à voler de plus en plus haut.
Louyse, a désormais 18 ans – l’auteur écrit à l’ère du politiquement correct. Elle peut donc séduire pas moins que le roi Louis XIV, le fils inespéré de Louis XIII qui cherche à imposer sa volonté absolue aux Grands qui ne cessent de comploter contre son bon plaisir. Il fera de Louyse, sortie de rien, une marquise et la couchera dans son lit. Mais sans lui faire de bâtard, comme il en avait l’habitude. La jeune fille passera « dix ans » avec lui, ce qui est beaucoup pour l’appétit du jeune roi qui sautait d’un vagin à l’autre. Intelligente et pleine de bon sens, elle le conseille sur la politique, rabaissant Fouquet, intervenant sur l’esclavage… Une vision très XXIe siècle du rôle des femmes et des préoccupations « sociales » !
Las ! Complots et gambades sont les loisirs de la Cour, réduite à la figuration. Une obscure affaire de politique étrangère liée au roi Charles II d’Angleterre, lui-même à peine d’être renversé, va emporter Louyse dans ses méandres, malgré elle. Destin tragique, car elle ne l’a pas voulu ; elle aimait Louis-Dieudonné mais la justice est la même pour tous – l’auteur écrit en avocat du XXIe siècle, l’époque louisquatorzième était moins rationnelle. Il n’y a qu’un pas du Capitole à la Roche tarpéienne et Louyse le franchit sans le voir.
Une belle histoire de jadis, écrite avec allant, sur un siècle d’or de la France.
Mais prendre pour décor l’histoire n’est pas sans danger pour l’auteur inexpérimenté. Il est nécessaire de se documenter soigneusement pour ne pas commettre d’impairs. Le lecteur moyen n’y verra que du feu mais le lecteur cultivé sera gêné par les libertés prises avec la réalité.
C’est ainsi p.5 qu’il est fait mention d’Étampes et d’un bourg de Charronnes qui n’existe pas. Jusque-là, rien de grave, c’est licence d’imagination. Mais lorsque l’auteur situe p.10 le bourg en bord de Seine, rien ne va plus : Étampes est sur la Juine, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Paris et de son fleuve.
Page 7, il est indiqué aussi « le secret de la confession » de la part d’un… pasteur protestant, or les calvinistes récusent la confession obligatoire et personnelle, au rebours des catholiques.
Page 15, le vocabulaire employé est celui d’aujourd’hui (« féminisme », « construction sociale », « intégration sociopolitique »), complètement anachronique ; il fait tache pour évoquer le temps de Louis XIV.
Les fortifications à Paris de Louis XIII, dont l’auteur fait un rempart infranchissable, commencent à être rasées dès 1660, Louyse peut donc entrer à sa guise sans passer par « une porte dérobée » p.30.
Qu’à la rigueur une « mégère » cite Bossuet p.32 car ses sermons étaient publics, mais pas « les vers d’Hugo » p.129 : il n’est né qu’en 1802 !
De même p.25 « l’huile d’olive » dans la soupe de pois cassés est une vision XXe siècle de la cuisine, le lard était plus réaliste (nettement moins cher et moins étrange au goût d’alors) au nord des pays à huile.
Il y a sans doute erreur p.78 sur les « cinquante-cinq pieds » de la taille d’un bonhomme ! Un pied-du-roi mesure 32,484 de nos centimètres révolutionnaires en 1668, ce qui ferait un gaillard de pas moins de 1786 mètres de haut ! Cinq pieds et cinq pouces seraient plus réalistes, environ 1m75.
Une relecture s’impose pour la prochaine édition.
Claude Rodhain, L’ombre du Roi-Soleil, 2013, Editions La route de la soie, 267 pages, €18,00
Un autre ouvrage de Claude Rodhain déjà chroniqué sur ce blog
Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com
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Fort heureusement, il y a aussi des critiques dithyrambiques sur L’OMBRE du ROI-SOLEIL. À preuve, la chronique du journaliste Yves Alexandre Julien, publiée dans la revue « SOUFFLE INEDIT », magazine Arts et culture, qui a su tirer la quintescence du roman en des termes particulièrement élogieux. (pour en savoir plus, cliquez sur le lien : « https://souffleinedit.com/roman/lombre-du-roi-soleil-de-claude-rodhain/) ou encore Martine Paradis qui, sur les réseaux sociaux, lui a « collé », sans barguigner, 5 étoiles.
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Je ne vois pas où vous avez trouvé le mot « désastre », il ne figure pas dans la note. Il suffit de faire « rechercher » sur le texte.
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Merci cher monsieur Argout de votre réponse. Admettez néanmoins que vous avez eu la main un peu lourde en parlant de « désastre ». Bien cordialement néanmoins et sans rancune.
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Bonjour,
Désolé pour le retard, les commentaires sont modérés a priori pour ceux qui n’ont jamais commenté. Ils le sont pour tous quand je ne puis assurer leur suivi. La responsabilité de l’éditeur fait que je bloque quand je ne suis pas là.
J’ai chroniqué votre roman non avec l’œil d’un historien mais avec celui d’un « honnête homme », choqué des anachronismes.
Une édition ultérieure gagnerait à ce que ceux-ci soient corrigés pour ne pas altérer l’intérêt romanesque du récit.
Qui est réel, j’en conseille la lecture – « malgré » les agacements à la lecture.
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Meric monsieur Argout d’avoir épluché si soigneusement « L’OMBRE du ROI-SOLEIL ». Il ne vous a pas échappé, et c’est heureux, qu’il s’agit d’une fiction– qui autorise les décalages les plus déjantés– et non pas d’un mannuel d’histoire rédigé par un mémorialiste, dont vous pourriez, à juste titre, dénoncer les errements ou les anachronismes. Merci d’avoir pris le temps de lire ce roman et de nous avoir fait voyager à travers votre excellent résumé. Bien cordialement. CR
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Merci cher monsieur Argoul d’avoir scruté avec tant de rigueur et d’obectivité mon dernier roman « L’OMBRE du ROI-SOLEIL ». Vous l’avez compris, la plume d’un auteur de fiction n’est pas celle d’un historien. Elle permet des fantaisies qui seraient vilipendées si elles venaient d’un mémorialiste. Plus humblement, l’erreur est excusable et personne n’est à l’abri d’une coquille (v.coliques frénétiques au lieu et place de coliques néphrétiques…) Merci encore de votre aimable contribution.
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