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Bhaktapur

La ville est médiévale d’aspect, toute en briques – mais avec le tout-à-l’égout financés par les dons allemands. Les maisons sont de brique rose, ornées de fenêtres en dentelle de bois de teck. Dans une ruelle, un paon célèbre fait la roue sur la fenêtre aveugle, tel un Manneken-Pis local. Dans de minuscules boutiques trônent les commerçants, entourés à ras bord de marchandises diverses, hétéroclites. Des gosses courent partout, joyeux ; ils jouent en liberté.

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Des pots et des plats de terre sèchent sur les pavés de brique. Ils seront cuits d’une façon particulière, à même le sol, couverts de paille, à laquelle on met le feu !

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L’hébergement prévu ce soir est une guest-house qui ouvre sur la place même. Elle est traditionnelle, très couleur locale. Elle comprend trois étages, le dernier, sous les toits, ouvre directement sur la place par de jolies fenêtres ajourées. Deux lits et deux matelas par terre, sur des nattes, attendent notre sommeil. Nous buvons en attendant une bière à trois dans le bistro original bâti en plein milieu de la place comme une pagode à trois toits. La terrasse du sommet est célèbre parmi les touristes car elle donne un vaste point de vue sur le temple et sur la vie du coin. Une balade dans la ville vient compléter l’ambiance. Des enfants nous interpellent en anglais, « hello ! » qu’ils apprennent à l’école. Nous réalisons des photos entourés de sourires et de cris joyeux.

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La nuit tombe vite et, avec elle, le froid. Nous dînons dans le restaurant qui fait face à la guest-house sur le côté de la rue qui monte. Il est tenu par le même patron. Ce soir, le repas est Newar : des paillettes de pâte de riz avec de l’ail tibétain, des fragments de gingembre, des morceaux de viande grillée au goût de pétrole. Arrivent ensuite riz, légumes, épices. Enfin yaourt. Nous goûtons au tchang, la bière de riz locale, au goût intermédiaire entre le lait aigre et le cidre.

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Christine nous amuse par des histoires sur son boulot au Museum d’histoire naturelle. Les vipères s’y échappent parfois, ce qui fait siffler les téléphones posés sur les bureaux lorsqu’on avance la main pour appeler. Quant au dissecteur, il est souvent dans les affres faute de trouver un endroit pour la nuit où poser son gorille mort. Au matin, les habitants du quartier dont les fenêtres donnent sur le parc, peuvent avoir la surprise de voir deux hommes porter un brancard sur lequel gît un gros cadavre à forme humaine, recouvert d’une vague toile d’où s’échappent deux bras très poilus et un crâne en forme d’obus.

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Nous effectuons une dernière promenade digestive, de nuit, dans une ville presque déserte. La vie s’éteint avec le crépuscule. Quelques commerçants restent ouverts sous leur lampe électrique, quelques jeunes discutent, l’air important, des chiens sont couchés en rond. Par les interstices des volets de bois des rez-de-chaussée, on peut apercevoir quelquefois des familles couchées à dix dans la même pièce sous les couvertures, à peine éclairés par une lampe à pétrole que le dernier n’a pas encore éteinte. Une musique nous attire : c’est un temple de Krishna, à l’étage d’un bâtiment de briques et de bois. Les murs sont peints en bleu vif – la couleur du dieu – des néons éclairent crûment des chromos naïfs accrochés aux murs ainsi que la vitrine aux dieux où brûlent de fumeuses lampes à beurre. Les hommes présents nous invitent à écouter les trois musiciens qui officient, sur une natte que l’on déroule pour nous. Cymbales, triangle et harmonium se composent pour la mièvrerie. Nous laissons quelques roupies pour le temple avant le roupillon.

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La nuit, en fait, est bruyante. Dès le lever du jour, des fidèles font sonner les cloches des temples alentour. À peine réveillés par un appel on se rendort à peine, et paf ! un gros « ding » ou un grand « dong » nous font sursauter à nouveau. Le bon café du petit-déjeuner compense un peu.

Nous allons ensuite visiter le palais royal, bâtisse aux 55 fenêtres avec bain royal, et nous avons le droit de regarder le temple royal (il est interdit d’y entrer). Ce temple est réservé aux hindous et gardé par de sévères militaires en armes.

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Nous déambulons dans la ville jusqu’à la place où se fête aujourd’hui le Nouvel An newar, près de la rivière. Des cochons petits et gros fouinent partout. Ici vivent les basses castes. Tara nous emmène dans un musée rempli de tankas, de quelques statues de Vishnou anciennes, et de chromos XIXe relatant l’histoire du beau Krishna tout bleu. Ce musée-singe est une imitation sans ordre ni sans vie, créé par décret parce que cela « se fait », à l’imitation des recueils de curiosités des bourgeois anglais du siècle précédent.

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Nous déjeunons au même restaurant qu’hier, mais sur la terrasse. Le riz à la sauce aux lentilles accompagne le curry de légumes, avant le yaourt et le thé. Puis nous disons adieu au Nyatapola Coffee Shop et au Nyatapola Guest House, avec son petit Manghal d’une dizaine d’années, le fils de l’hôtelier toujours souriant mais qui ne parle pas anglais. Le soleil brille vif sur la ville et sur les gamins qui surgissent de partout. Nous n’avons pas l’habitude d’une telle foule de petits, en Occident et ce m’est chaque jour un étonnement. Mais « c’est l’Asie »…

Christine ne peut s’empêcher d’acheter encore, de dépenser ses roupies en bracelets, pendentifs, bols à offrande aux neuf métaux qui rendent un son cristallin, cymbalettes de méditation – tout une panoplie soixante-huitarde dont elle décorera son studio comme aux beaux jours de la mode hippie. Elle ne va pas jusqu’à acheter des coupes tibétaines faites de crânes humains bordés de métal, mais c’est tout juste. Les étals en regorgent. Ici, la mort n’a pas d’importance car la sagesse accumulée dans les existences successives permet de renaître mieux, ou d’atteindre le point où l’on peut sortir du cycle sans fin des renaissances. Durant ces débauches, je reste sur la place à chercher des photos. Passe une belle jeune fille du Népal, les cheveux tirés en arrière dégageant l’arrondi de son visage, le regard droit et le sourire volontaire. Elle me regarde la prendre, et je vois dans ses yeux que mon objectif lui évoque un autre instrument.

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Exit Bhaktapur. Nous prenons la grand-route pour Banepa, par Sanga. Le minibus ne fait que traverser Banepa. Nous sommes samedi et c’est une ville de marché encombrée. Les bus locaux sont archipleins.

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Nous montons à Nala, qui voit peu de touristes ; nous nous en rendons compte parce que les gamins du cru nous suivent partout avec curiosité. Deux temples s’y dressent, l’un un peu en dehors de la ville, très fréquenté, avec un bassin central qui recueille l’eau de pluie. L’autre s’appelle Korumanahé et se situe en pleine ville. J’ai l’impression de visiter toujours la même chose : des toits superposés, des statuettes en bois, des dentelles de bois autour des statues de pierre rougies de vermillon. Et la vie alentour, que je préfère aux pierres mortes : des chiens, des chèvres, des poules, des gosses. Surtout des gosses, souples, vivants, dorés, déguenillés, statues animées à la peau tiède et lisse et aux grands yeux vifs. Un troisième temple sur notre route : c’est Pagabati, restauré de couleurs fortes. Il est dédié à Kali et peint de grandes fresques jaune citron, bleu vif et vert pomme. Il est à l’époque « en cours de restauration ».

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