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Raguse 2

Les hôtels particuliers ont des balcons soutenus par des visages grotesques, grimace de carnaval, cinq au balcon. De quoi inciter à se révolter contre une religion catholique à l’époque, de plus en plus austère, pessimiste, intolérante et inquisitoriale. Le fameux restaurant au Michelin 2023 Ciccio Sultano s’ouvre dans cette rue. Trois plats pour 155 € et le menu dégustation à 198 € ; le plat « signature » seul est à 38 €.

Une vieille dame nous appelle du haut d’un escalier pour vendre ses productions au crochet, napperons et bavoirs en dentelle. Mais ce genre graphique ne se porte plus depuis deux générations. Nous n’achetons rien, elle est déçue, mais nous permet d’admirer le panorama de la ville depuis chez elle.

Le palais Cosentini, du 18ème, offre sa façade orangée, ses encadrements de fenêtres blancs et ses balcons ouvragés de beau style dans une rue étroite. Un papa passe avec son bébé contre lui tandis que maman conduit la poussette devant eux.

Un mariage se termine dans la petite église du Purgatoire. Une Coccinelle pourpre attend les mariés à la fin. Celle-ci contient les seins de Saint Agathe aux coupelles. Saint-Roch, Sainte-Lucie, portent la palme du martyre et une coupelle contient ses yeux arrachés. Un plâtre montre les corps nus émergeant du purgatoire et appelés au ciel.

Montée, escalier, marches à descendre, c’est assez fatiguant aux talons et aux genoux, mais il y a souvent des bancs pour s’asseoir et écouter l’intarissable guide.

Il se sent toujours obligé de meubler le silence. Certes, il se goinfre d’art et d’histoire, se vautre dans la culture, la peinture, la littérature, la musique ; certes, il se sent accéder à une élite, loin de la petite bourgeoisie de province dont il est probablement originaire, comme la plupart d’entre nous – mais il ne sait pas faire silence. Lorsqu’il ne trouve plus rien à dire dans le bus, il passe de la musique extraite de son téléphone et soigneusement sélectionnée à propos de la Sicile et du circuit. Ou alors il nous lit une page de Pirandello où nous raconte la vie de Verga, le Giovanni sicilien du vérisme décédé en 1922. Il se rempare derrière ses références, par crainte de ne pas apparaître à la hauteur.

Nous rejoignons le quartier de Saint-Jean en bus mais nous devons encore marcher 500 m dans des rues en damier qui se coupent à angles droits (que le guide appelle évidemment « plan hippodamien », en référence à l’architecte urbaniste Hippodamos de Milet, au Ve siècle avant) pour rejoindre l’hôtel Di Stefano, un nouveau quatre étoiles.

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Raguse 1

En prenant la direction sud-est, nous parvenons dans le Val de Noto, dans les monts Hybléens.

Raguse est une ville spectaculaire, bâtie de part et d’autres d’une gorge. Rebâtie plutôt, après un tremblement de terre, celui de 1693. Le quartier Saint-Georges est en bas, le quartier Saint-Jean est en haut, à l’emplacement de la ville déjà détruite. Querelle des anciens et des modernes.

Nous visitons le quartier Saint-Georges. Un orage s’amasse et gronde mais il ne pleut que quelques gouttes. Heureusement, car tout le monde a oublié son parapluie. Dans l’église Sant’Agata des Capucins, une peinture d’un élève du Caravage de style réaliste ; un ange adolescent plonge vers le sol en laissant entrevoir sa poitrine par son décolleté. Un autre tableau montre saint Pierre « recollant » les seins coupés d’Agathe.

En l’église san Giacomo, un autel tarabiscoté et chantourné orné de mosaïques et de dorures, pour encadrer un Christ supplicié nu.

A San Giuseppe, la façade baroque est en pierre drapée et l’intérieur est une bonbonnière 18ème. Bien trop décoré, kitsch et étouffant. Le baroque est caractérisé par le goût de la mise en scène, l’utilisation de la volute en architecture, les façades incurvées, la complexité des formes, les jeux d’ombres et de lumière, le goût du trompe-l’œil, la fusion des arts et des genres – en bref un métissage à l’opposé du clair et sobre classique, trop rationnel.

Le Duomo de Saint Georges est vaste mais plus sobre ; il comprend des chapiteaux très sculptés mais les visages des anges sont ratés. N’y avait-il pas assez de beaux modèles vivants ? Est-ce l’inaptitude de l’artiste a représenter la figure humaine ? Un Christ en bois réaliste, dans le style doloriste, griffé d’épines, les genoux écorchés, le torse émacié et les larmes humaines présentées telles quelles au public de dévotes. Devant le Duomo, le palazzo du film Divorce à l’italienne avec Mastroianni, film de Pietro Germi sorti en 1961.

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