Speos d’Horemheb

Après un mille de navigation, le bateau à moteur rejoint les felouques, amarrées près de « la surprise » promise par Dji.

paysage du nil

C’est le site éclairé d’un temple creusé dans la roche, un spéos, celui du couronnement d’Horemheb. Autour s’étendent les carrières de grès qu’il était facile de charger directement sur les radeaux du Nil. Nous dînons face au spectacle de lumière, le site étant éclairé de puissants projecteurs orange visibles pour les bateaux de tourisme qui passent au centre du fleuve. Une tourte aux restes de viande d’hier compose le principal, à la pâte-purée étouffe-chrétien (ce que nous sommes, justement).

papyrus speos horemheb

Après le dîner, nous descendons des felouques sur les passerelles branlantes qui sont de simples planches. Nous longeons dans la nuit les falaises éclairées, d’où étaient extraites les pierres. Une ombre, des yeux brillants : un chacal détale sous les lampes. La falaise est parfois creusée en grotte où trois personnages sont assis, figés dans la pierre. Sur le Nil, les bateaux-usines continuent de brasser l’eau à grands bruits d’hélices, illuminés comme des HLM. Les vagues qu’ils provoquent viennent balancer les felouques et entamer un peu plus les rives. Pierre Loti notait déjà, en 1907, la « kyrielle de ces bateaux à trois étages, pour touristes, qui font tant de vacarme en sillonnant le fleuve, et sont bondés en grande partie de laiderons, de snobs ou d’imbéciles. » Comme nous souhaitons n’être rien de tout cela, nous avons volontairement choisi une autre voie d’exploration des bords du Nil. Loti nous en rendrait-il justice ?

felouques bord du nil

La nuit est calme, plus chaude que les précédentes. Les gros navires ont envoyé dès le matin des vagues qui font grincer la felouque. L’intérieur du bateau aux deux couples a même été mouillé ! C’est le soleil qui nous éveille, de son doigt caressant. Sa bienfaisante chaleur est le sourire du matin. Selon les Égyptiens d’il y a 5000 ans, c’est la création tout entière qui se répète à chaque lever de soleil et, ce matin, je suis prêt à les croire. Le dieu créateur rend au monde la fraîcheur juvénile de son commencement. Une toilette sommaire – forcément sommaire aurait dit la vieille alcoolo – dans l’eau du Nil (chlorée pour l’occasion) et le petit-déjeuner nous attend sur le bateau-terrasse en bord de rive. Feta, omelette, galette.

speos horemheb bord du nil

Nous partons visiter le speos d’Horemheb. Comme cet ex-général, qui a pris le pouvoir après la mort de Toutankhamon, n’était pas de sang pharaonique, les murs revisitent la mythologie afin de lui donner une lignée digne de l’Égypte. Isis donne ainsi le sein à Horemheb, dessiné en enfant debout, en présence d’Amon. Imparable. Au-dessus, le vautour protecteur plane. Cet oiseau de proie symbolise paradoxalement la protection parce que la femelle protège très bien ses petits. Horemheb signifie « Horus est en fête ». Les scènes gravées en mouvement sont très vivantes – le réalisme était le style d’Akhenaton.

speos horemheb interieur

Ce réalisme ne durera d’ailleurs pas après Horemheb ; la tradition figée reprendra ses droits pour l’éternité ou presque, tant le conservatisme est la tendance naturelle de tout humain et l’objectif de l’art de la représentation égyptienne. Il s’agissait de conserver pour garder vivant dans l’éternité – une sorte de philosophie écolo avant la lettre. Champollion, de passage ici, a dessiné ces bas-reliefs pour ses archives et c’est heureux pour nous, car certains aujourd’hui sont détruits. La fresque des prisonniers révèle de jolis mouvements des corps. Amon donne la vie à Horemheb en dirigeant vers sa bouche la clé de vie, cette croix ansée qui représente sans doute une vertèbre de bovin. La moelle, croyait-on, produit le sperme, symbole de vie. Une autre interprétation veut que ce signe dessine un miroir de cuivre qui piège la lumière céleste comme la vie retient la lumière divine.


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