Arnaldur Indridason, Ce que savait la nuit

A l’approche de la soixantaine, l’auteur quitte l’action pour l’empathie. Exit l’inspecteur Erlendur, introduction de l’ex-policier Konrad. Veuf et tout juste à la retraite, Konrad est obsédé par une vieille affaire d’il y a trente ans, jamais résolue malgré son enquête, la disparition de Sigurvin, entrepreneur.

Deux événements précipitent le retour : la découverte du cadavre congelé de Sigurvin sur le glacier Landjökull et la sollicitation du principal suspect Hjaltalin (prononcez yaltaline) dans l’affaire Sigurvin de parler à Konrad avant sa mort imminente pour cause de cancer. Konrad, qui n’a rien à faire sauf amuser ses petits-fils jumeaux de 12 ans le dimanche, se reprend au jeu du flic et du voyou.

Il va interroger et requestionner un à un tous les protagonistes survivants de cette intrigue interminable et complexe, occasion d’entrer dans les intérieurs et d’aborder les vies à la manière de Simenon. Il va arpenter Reykjavik, capitale de l’Islande, et mesurer combien la modernité a défiguré et abîmé la ville depuis son enfance.

Né le jour avant l’indépendance de l’île, il s’amuse d’avoir été brièvement sujet du roi du Danemark. La crise financière de 2008, qui aboutit à la faillite des banques du pays et à l’effondrement de l’immobilier, est terminée mais a laissé des traces jusque dans les familles. Certains se sont reconvertis en guides à touristes (d’où la découverte par un groupe de vieux Allemands du cadavre sur la glace), d’autres en propriétaires de casse automobile (les pièces détachées sont dix fois moins chères que les neuves). Le réchauffement climatique fait reculer le glacier de manière accélérée et le cadavre est réapparu bien plus tôt que prévu par ceux qui l’ont abandonné dessus.

Ce sont toutes ces transformations qui redonnent du grain à moudre à l’enquête et permettent de brasser à nouveaux les témoignages. Et de leur rattacher un autre décès, celui de Villi, jeune homme bourré renversé par une jeep au sortir d’un bar un soir de tempête de neige, quelques années auparavant. Sa sœur veut savoir si c’est un accident ou un meurtre, le chauffard ayant pris la fuite. Konrad se trouve donc doublement lié : par Marta son ex-chef qui lui demande d’aller parler à Hjaltalin et la sœur de Villi qui lui demande se savoir pour son frère.

Les chapitres sont courts, apportent toujours un indice, autant de marches vers l’étape finale où tout se résout. J’aime à me ressouvenir des rues de Reykjavik, du paysage désolé des landes, du climat venteux qui passe brusquement du grand soleil à la pluie glacée, de l’alcool dans les bars et des maisons en tôles, sans volets ni rideaux.

Les failles du glacier sont celles de l’Islande et sa glace, qui roule et rejette inexorablement, le temps qui n’oublie jamais.

Arnaldur Indridason, Ce que savait la nuit, 2017, Points policier 2020, 341 pages, €7.80 e-book Kindle €14.99 livre audio CD €22.90

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