Louisa May Alcott, Les quatre filles du Docteur March

J’ai lu sur ma liseuse le livre gratuit Les quatre filles du Docteur March. Il y a la responsable, 15 ans, la fille–garçon décidée de 14 ans, la coquette de 12 ou 13 ans et la timide de 11 ans. Ces filles sont toutes très préoccupées de bonnes actions et d’être moralement conformes au christianisme de la guerre de Sécession véhiculé par leur mère. Cela fait très Club des cinq.

Les quatre filles sont pauvres mais unies en famille. Leur voisin Laurie est un jeune orphelin riche solitaire qui s’ennuie. Qui est le plus à plaindre ? Les premiers ne seront-ils pas les derniers selon la Bible, ce manuel d’éducation des jeunes filles au XIXe siècle victorien ?

Le père des quatre filles est un médecin américain parti soigner les blessés nordistes à la guerre de Sécession et elles se retrouvent seules avec leur mère, à cet âge de transition qu’est la prime adolescence. Contrairement aux pétasses égoïstes d’aujourd’hui et leur Beauty Contest, ces filles sages du siècle d’avant font un concours de bonté. Il s’agit d’aimer son prochain, pas de le défier. Pour ce faire, il faut absolument corriger ses défauts au lieu d’être antisocial, de réprimer sa colère et de pardonner « chrétiennement ».

L’autre message du roman est qu’à 15 ans, les enfants deviennent des femmes en puissance et la société attend d’elles qu’elles se comportent selon les normes strictes de leur sexe et de leur rang.

Le roman cite les petits mendiants irlandais en loques sous les fenêtres de la pension où Amy, la fille de 12 ans punie d’avoir enfreint les règles d’apporter en classe des sucres d’orge, doit les jeter deux à deux, sur ordre du maître qui l’aime bien mais est inflexible avec la discipline. Elle a été dénoncée par une pimbêche qui veut se venger. Le danger des filles est nettement pointé : l’orgueil, la vanité, ne penser qu’à soi. Le garçon, Laurie, en est exempt, donc un exemple.

C’est gentillet, un brin niais, plein de bons sentiments. Les filles adorent lorsqu’elles sont encore enfants. Reste, pour les adultes d’aujourd’hui, un document social sur la mentalité américaine au milieu du XIXe siècle, confrontée à sa guerre civile.

Guerre qui ressurgit aujourd’hui antre le Texan Trump et ses conservateurs ultras, et la Nouvelle-Angleterre de Biden et ses démocrates écartelés entre le gauchisme woke exacerbé et la social-démocratie traditionnelle.

Louisa May Alcott, Les quatre filles du Docteur March (Little Women), 1868, « édition complète et originale » en français, Independently published 2022, 201 pages, €10,99, e-book Kindle €0,00 gratuit (domaine public)

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3 réflexions sur “Louisa May Alcott, Les quatre filles du Docteur March

  1. NB

    Le travail, l’effort, la réussite (la pauvreté est un péché au XIXe siècle) sont les valeurs prônées par le puritanisme ; de même que l’égalité hommes-femmes, car, en pays puritain, la femme n’est pas objet d’adoration mariale, mais une partenaire et un esprit libre. Monde à part que les USA, trop vaste, et trop complexe. Pour ce qui est du conformisme de la gauche française, d’accord avec votre analyse. Tiens, tiens, la tête tranchée de Marie-Antoinette pourait symboliser le coupage de têtes par les gauchistes, les Talibans, etc. Bien vu, Argoul !

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  2. Tocqueville écrivait que la religion était le ciment de la démocratie américaine. Peut-être moins la croyance que les mœurs induites par sa morale… héritée du puritanisme anglais. Cette volonté affirmée de « faire comme tout le monde » donne peut-être une société solide (mais aveugle), et la nouvelle idéologie du Woke en semble une dérive suicidaire. D’où la résistance trumpiste de ceux qui préfèrent conserver et « réagissent » aux nouvelles injonctions morales. Nous n’en sommes pas loin en France avec le vote RN face à la bordélisation pro-minorités du NFP et la farce provocatrice de la cérémonie « d’ouverture » des JO où le sport était beaucoup moins présent que l’étalage complaisant de la sous-culture « de gauche » (« forcément de gauche » aurait dit la Duras, jamais en faute de conformisme). Les quatre petites femmes du Dr March sont aussi conventionnelles que « le socialisme » véhiculé par Boucheron, pour qui l’histoire française n’existe pas avant la Révolution. Couper les têtes semble le fondement de cette politique où qui n’est pas d’accord avec vous est traité comme les Talibans traitent les mécréants. Chez les March, qui n’est pas conforme est ostracisé par les autres, mais c’est, à un moindre degré, du même tonneau.

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  3. NB

    Merci, Argoul, pour ce choix original et ô combien sympathique de littérature de jeunesse, et que vous présentez, finement et utilement, comme un document sociologique. Avant ce roman, La Case de l’oncle Tom (1852) avait aussi baigné dans les bons sentiments, à juste titre d’ailleurs. Peu après, Tom Sawyer (1876) et Huckleburry Finn (1884), résolument transgressifs, ont largué les amarres vers la liberté. Les filles March ne les ont pas croisés. Grand écart anticonformiste de la littérature américaine, pour représenter l’esprit de ce très grand pays.

    Merci Argoul de donner matière à réflexion.

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