
Il y a presque deux mille ans, en 54 de n.e. (comme on dit désormais en woke), Néron prend le pouvoir. Malgré lui – il n’est que le fils d’Agrippine, femme ambitieuse qui a épousé le faible empereur Claude. Celui-ci a eu un fils, plus jeune que Néron, Britannicus, que le demi-frère devenu demi-dieu fera assassiner. Cette BD historique retrace l’histoire des Romains, fertile en opportunisme, corruption, trahison, débauche et meurtres.
Le tome 1 voit l’empoisonnement de l’empereur Claude par des champignons dont il était avide. Son épouse gauloise Agrippine a comploté avec son médecin grec Xénophon pour le faire empoisonner par Locuste. Il commençait en effet à regretter d’avantager son fils adoptif Néron, 17 ans, en défaveur de son fils biologique Britannicus, pas encore 14 ans. Agrippine le lasse et il voudrait épouser à la place son amante Lollia Paulina – mère de Lucius Murena (personnage fictif), adolescent ami de Néron. Claude rédige l’acte de répudiation qu’il présentera le lendemain au Sénat. C’est le moment pour Agrippine d’agir. Elle le fait sans faiblesse. Le jeune Britannicus suivra son père rapidement dans l’au-delà.
L’album est cru et réaliste, la nudité des esclaves, celle du jeune Britannicus dans son lit, ou de l’impératrice faisant l’amour, est montrée telle qu’elle est. La violence des tueries entre gladiateurs n’est pas éludée, tandis que les banquets sont plutôt édulcorés, omettant clairement les esclaves éphèbes. L’album se situe dans le courant néo-réaliste des séries comme Romeou Vikings, où la réalité historique est documentée, la fiction ne servant que de support à raconter l’histoire. Un bel album, séquencé selon des procédés de cinéma, prélude à une solide série.

Néron, mal aimé par sa vraie mère et confronté au constant spectacle de la cruauté et de la trahison, lui qui était sensible et plutôt poète, va finir mal – comme on sait. Superstitions, trahisons, terreur et violence étaient au menu il y a deux mille ans. Ils reviennent sous Trump, qui se croit désormais béni de Dieu parce qu’une balle l’a seulement frôlé. Dans l’une des premières planches de l’album, le dieu Hermès apparaît à Néron, nu et dans sa gloire, pour lui dire : « Le monde est une scène prête à t’entendre, cela ne tient qu’à toi. Mesure ton ambition à celle des divinités. Ne recule pas devant les possibilités, la crainte, la pusillanimité des hommes. Toi aussi, tu seras un dieu. Si tu le désires vraiment. » Trump, comme lui, n’a plus de limites.
Le sénateur ancien Médecin du Monde Claude Malhuret, dans une philippique célèbre contre Trump, est devenu une star aux États-Unis, devant le silence incompréhensible des Démocrates et de la presse américaine. Il évoque au Sénat le « dictateur doublé d’un traître » Trump, « Washington devenue la cour de Néron, empereur incendiaire », flanqué de son « bouffon sous kétamine » (et ketchup !) Musk. Son discours redonne de l’honneur à notre République, réaffirme les Lumières et dit clairement aux dictateurs d’aller se faire foutre. Ce qui est très réjouissant.
A nous désormais de prendre en main notre ambition de rester libre. La (re)lecture de Murena peut y contribuer, suscitant notamment le débat parmi les jeunes.
BD Dufaux et Delaby, Murena 1 La pourpre et l’or, 1997, Dargaud, 48 planches, €13,95, e-book Kindle €6,99
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