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Ann Rule, Jusqu’à ton dernier souffle

Sheila s’est mariée en 1982 à Allen Van Houte, avec lequel elle a eu deux filles. L’homme s’est déjà marié deux fois. Treize ans plus tard, elle est assassinée sur la commandite de son mari, qui la poursuivit d’une haine sans faille. Non qu’il aimait les enfants qu’elle lui a pris lors de leur divorce en 1987, mais il ne supportait pas qu’on lui résiste ou qu’on lui dise non. C’est donc l’histoire vraie d’un féminicide à la fin des années 90 que nous conte l’auteur, journaliste spécialisée dans les enquêtes de justice qui passionnent l’Amérique.

Allen est un pervers narcissique. Pas un psychopathe, au sens clinique du terme, mais quelqu’un dont l’enfance a été si massacrée qu’il n’a plus aucune empathie pour les autres. Il ne sait pas qui est son père, ce pourquoi il se choisira un nouveau nom, ce qui était très facile en Amérique. Il a choisi celui du personnage de Shogun, le roman populaire sur un samouraï blanc au Japon ; au XVIIIe siècle : Blackthorne. C’est sous ce nom qu’il a lancé une nouvelle société d’appareils médicaux, après avoir fait faillite à Hawaï à pillé le stock pour se relancer. Devenu millionnaire, tout lui semble possible, y compris son emprise sur son ex-femme et sur les deux filles, Stevie et Daryl qu’il a eues avec elle. Préférant les garçons, il leur a donné des prénoms de garçons. Cela ne l’empêche pas d’abuser sexuellement l’aînée avant qu’elle n’ait 7 ans. Ce fait n’a pas été condamné, ni clairement dénoncé, car, dans les années 1980 à 2000, la parole des enfants était sujette à caution et tout ce qui touchait la sexualité minimisé.

Allen croit que, puisqu’il a résisté aux mauvais traitements de sa mère et qu’il a finalement réussi une entreprise au Texas, tout lui est dû. C’est le syndrome du millionnaire arrivé, dont Trump est le dernier représentant. Les lois et le droit, il s’en fout. Seul compte son égoïsme sacré.

Il se remarie avec Maureen, avec laquelle il a deux petits garçons. Il aurait dû être content d’avoir divorcé et de vivre son bonheur dans cette nouvelle vie. Au lieu de cela, il ne cesse de harceler Sheila, son ancienne compagne, juste pour la tourmenter et la punir de l’avoir quitté pour mauvais traitements. Il va l’accuser de ses propres turpitudes, c’est-à-dire de fouetter ses filles sur les jambes, de leur donner des gifles, leur cogner la tête contre le mur. Cela n’empêche pas Sheila de cumuler courageusement deux emplois pour élever ses filles. Car leur père biologique refuse absolument de leur verser une pension alimentaire.

Mais la haine va plus loin. Il va commanditer « une bonne raclée » à sa femme, « et tant pis si elle meurt », déclare-t-il. Pour cela, il a demandé à un compagnon de golf qui, lui-même, va demander à un ami, qui contacte son cousin, un jeune assez benêt pour exécuter l’ordre sans réfléchir. Sheila, qui est partie vivre en Floride avec son nouveau mari Jamie et leurs quadruplés de deux ans, est tuée à son domicile en plein jour, devant les petits. Leur sœur aînée Stevie les retrouve tout nu et tout couverts de sang, pleurant auprès de leur mère morte.

Le procès va durer un certain temps, Allen s’entourant d’une brochette d’avocats très chers. Mais les procureurs de l’État comme les procureurs du FBI, puisque le crime s’est passé dans un autre État, vont s’acharner à dénoncer les manipulations d’Allen, ses mensonges et son implication dans le crime.

Allen Blackthorne sera finalement condamné deux fois à la perpétuité, ce qui n’a pas grand sens pour nous, mais qui en a un aux États-Unis, au cas où un vice de procédure annulerait la première condamnation. Il sera tué en prison par un gang à 59 ans, en 2014 (ce qui n’est pas dans le livre).

Ce fait divers a passionné l’Amérique et la journaliste Ann Rule en a fait un livre, selon son habitude et son talent. Ce n’est pas un thriller puisque l’on connaît la fin, mais, sauf quelques passages un peu longs sur les premiers temps d’Allen puis sur les détails du procès. Car tout est minutieusement détaillé dans ce livre de journaliste, de façon maniaque pourrait-on dire, car les Américains sont très pointilleux sur le droit. Soucieux de leur liberté, ils veulent d’infinies précisions quant à la pertinence de l’application d’une loi à leur encontre. Ce juridisme n’est pas toujours facile à rendre agréable à la lecture, mais ce récit dans l’ensemble se lit très bien.

Ann Rule, Jusqu’à ton dernier souffle (Every Breath you Take), 2001, Michel Lafon Poche 2022 ou occasion Livre de poche 2005, 441 pages, €7,60, e-book Kindle €7,99

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Ann Rule, Si tu m’aimais vraiment

Ce thriller commence comme un roman policier. La nuit du 19 mars 1985, Linda, sixième épouse de David Brown, est assassinée de deux balles dans son lit. Son mari est absent, parti « faire un tour en voiture » et sa fille Cinnamon, 14 ans, est sortie dans le jardin ; elle ne se sentait pas très bien. Sa belle-sœur de 17 ans, Patti, s’occupe du bébé de Linda et David, Krystal. C’est le mari qui appelle la police mais, chose curieuse, il n’est pas entré dans la chambre de sa femme ; il ne sait pas si elle est morte.

Ecrit comme un rapport de police, le livre est en quatre parties : le crime, l’enquête, l’arrestation, le procès. Ce ton objectif et neutre, axé sur « les faits » précis, minutieux, maniaques, bien dans la mentalité américaine, ne fait pas du livre un roman mais plutôt un compte-rendu de chercheur ou de journaliste d’investigation.

Mais c’est que tout est vrai… Ann Rule, décédée en 2015 à 83 ans, outre ses cinq enfants a été inspecteur dans les forces de l’ordre de Seattle et a collaboré avec le FBI dans l’analyse des tueurs en série – dont le fameux Ted Bundy qu’elle a rencontré sur la Crisis Clinic Hotline de Seattle, sur lequel elle a fait un livre. Le personnage principal du livre chroniqué ici, David Arnold Brown, a réellement existé. Il est décédé en prison en 2014 à 61 ans.

Il a persuadé sa fille de tuer sa belle-mère, et la sœur de celle-ci de montrer comment faire à l’adolescente, lui se contentant du beau rôle de conseiller. Perturbé par une mère autoritaire et abusé sexuellement durant son enfance (a-t-il dit), ce pervers narcissique s’est déniaisé à 15 ans avant d’épouser successivement toutes les adolescentes qui lui passaient sous la main, la dernière en date étant Patti. Sœur de son épouse Linda, toutes deux issues d’une famille pauvre à la mère alcoolique, il a pu aisément les contrôler. Il a fait venir dans sa maison Patti dès l’âge de 11 ans et a aussitôt abusé sexuellement d’elle. Elle était en adoration devant lui et a fait tout ce qu’il a voulu. A 18 ans, elle aura une fille de lui, Heather, qu’il refusera d’assumer bien que marié secrètement avec Patti à Las Vegas après la mort de Linda.

David Brown a surtout touché plus de 830 000 $ des assurances sur la vie qu’il avait pris sur la tête de son épouse au cas où elle décèderait. Outre le sexe, compulsif, pas moins de trois rapports par jour, l’argent est le mobile. David Brown s’est fait tout seul contre son milieu dégénéré ; il a connu le succès avec son entreprise de récupération des données informatiques sur des supports endommagés, fondée au bon moment. Mais il lui fallait de l’emprise pour se faire reconnaître, et il n’hésitait pas à manipuler quiconque pouvait lui servir, les très jeunes filles qui le voyaient comme un protecteur (jusqu’à ce qu’elles deviennent mères et qu’il les jette), et les gros bras en prison, qu’il payait pour tenter d’assassiner les enquêteurs.

Cinnamon a tiré, mais le pistolet lui a été mis dans la main pas Patti sur l’incitation et les conseils de David. Tous trois sont solidairement meurtriers. Mais il faudra des années d’investigations obstinées par Jay Newell, enquêteur, et Jeof Robinson, substitut du procureur, pour que la vérité sorte entière et que David Arnold Brown soit rattrapé par la justice et enfermé pour la vie.

Pour ceux que les arcanes retors de l’âme humaine intéressent, ce livre assez long et détaillé qui se lit comme un roman policier en dépit de son style de procureur, fournit ample matière à réflexion.

Ann Rule, Si tu m’aimais vraiment (If You Really Loved me), 2000, Livre de poche 2001, 509 pages, €0.89 occasion

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