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Neige panique à Paris

Les enfants de dix ans ne se souviennent pas avoir jamais vu de neige dans la capitale où ils habitent. C’est que la dernière fois remonte à 2010 et ils étaient trop jeunes. Il n’y avait pas alors de cadenas serrés sur les grilles du Pont Neuf ; ils sont aujourd’hui tout enneigés.


On se demande si les journalistes ont un QI au-dessus d’un enfant de dix ans car, pour eux, « ils n’ont jamais vu ça ». C’est la panique ! La recette d’un scoop est d’ailleurs de faire de tout événement une première fois. Comme ça, vous pouvez réinventer la totalité comme si cela ne s’était jamais produit dans toute l’histoire humaine.


La neige est entrée dans Paris le mardi 6 février en matinée et est tombée toute la soirée et toute la nuit. Au matin, une dizaine de centimètres jonchent les rues. Le square du Vert-Galant (Henri IV pour les nuls) est non seulement sous les eaux mais ce qui dépasse est sous la neige.

Cela fond peu à peu dans la journée, mais les trottoirs restent maculés au lieu d’être immaculés et les rues sont boueuses des voitures qui s’obstinent à passer.
Mais cela donne une belle épaisseur aux vélos inutilisables pour cause de dérapage, les soulignant d’un trait de chantilly. Peut-être la nuit va-t-elle geler tout ça et augmenter un peu plus le tempérament conservateur, ennemi de tout ce qui change, du Français parisien ?


Mais comme les enfants de dix ans n’ont jamais vu ça, le jardin du Luxembourg est fermé. Messieurs les sénateurs (ou plutôt leurs sbires fonctionnaires) usent et abusent du « principe de précaution » pour surtout ne pas induire en tentation. Vous pensez, les boules de neige pourraient tuer ! (Le conditionnel est un temps que l’on n’apprend plus à l’Education nationale, on le confond allègrement avec le présent du présentement).


Les allées du parc restent donc solitaires et glacées avec un inquiétant air de goulag soviétique, et les mômes s’éclatent dans les rues. Ils ont les boules, mais dans les mains. Certains les sucent, les boules, mais ce n’est pas ce que vous croyez. J’ai même vu un papa muni d’une pince à boules : imaginez deux louches réunies comme dans une paire de ciseaux. Il attrape la neige fraîche et en fait une sphère bien tassée qu’il donne à son gamin ravi.


La chute de neige  après la grippe, la crue et les inondations, les agriculteurs, les employés de Carrefour, les Corses, les fonctionnaires qui vont être réduits et les étudiants qui vont être sélectionnés : sur les radios, sur les télés, c’est la panique !


A croire que rien n’est jamais arrivé et que tout le monde découvre la vie. Ah, les beaux écolos que ces urbains qui déclenchent le « plan grand froid » lorsqu’il fait 0° ! Ah, les beaux techniciens de cette SNCF qui s’obstine depuis 30 ans à effectuer un mois et plus de travaux d’été sur le RER C et qui est incapable de faire rouler des trains à cause des « infiltrations » (comme si les métros ne roulaient pas quand même, sous la Seine et le long !), ou de la neige, ou des feuilles mortes, ou de la température (chaque saison a son lot de faux prétextes).


Paris enseveli sous la neige devient plus sympathique. Moins de voitures et moins de gens sur les trottoirs, nombre de commerces fermés, des gosses joyeux ce mercredi, des ados excités, un air de Noël des contes de fée. La vie est calme comme un mois d’août et la nature s’impose, pour une fois, en décorant les arbres et les statues. Même les cafés ont un air d’auberges de montagne avec leurs stalactites qui pendent de leurs vélums repliés.

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