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Jean Tirole, prix Nobel d’économie 2014

La Banque de Suède vient d’attribuer son prix en l’honneur d’Alfred Nobel au Français Jean Tirole, 61 ans. Il avait déjà obtenu la médaille d’or du CNRS en 2007.

Jean Tirole est un économiste polytechnicien, donc intelligent ; il a travaillé aux États-Unis et en France, donc ouvert ; il s’intéresse aux sciences annexes à sa discipline, donc créatif. Dans un entretien accordé en 2007 à la revue ‘La Recherche’ (n°414, décembre), il décrit l’économie comme un réseau de relations humaines. Contrairement aux naïfs ou aux sectaires qui considèrent le commerce entre les hommes comme « vil », avec un reste de mépris Ancien Régime pour ceux qui doivent gagner leur vie, Jean Tirole utilise la théorie des jeux et la théorie de l’information – qui modélisent les relations – pour faire avancer l’étude.

JEAN TIROLE

Le point commun entre les industries de réseau, le marché du travail, le système bancaire, les bulles spéculatives, la prise en compte de l’environnement – tous sujets pour lui d’examen – est dans la méthode. Certes, la mathématisation du monde ne vaut pas décision ; certes, le modèle du choix « rationnel » des acteurs n’est qu’approximation ; mais l’abstraction mathématique est un outil utile pour poser logiquement des problèmes concrets et tenter de relier chaque dérive individuelle à une situation-type. La modélisation fait appel au droit, à la science politique, à la sociologie, à la psychologie : « on connaît par exemple la manière dont une personne arbitre entre un plaisir pour aujourd’hui et un coût pour demain. Manger gras ou sucré, fumer, rouler trop vite, dépenser plutôt qu’épargner (…) sont marqués par l’absence de cohérence temporelle (…) que les psychologues décrivent précisément. » Et les neurosciences pourront peut-être permettre des avancées, l’imagerie cérébrale observant les régions du cerveau activées lors d’un choix.

La macroéconomie peut être considéré globalement comme une résultante de comportements microéconomiques (même si le tout est toujours plus que la somme des parties – ce que semble laisser de côté un peu trop volontiers l’auteur). Pour lui, l’accès d’une entreprise au crédit s’analyse par la théorie de l’information : celle-ci est asymétrique entre le chef d’entreprise et la banque. De même, le taux d’épargne ou la politique publique du crédit ne serait que la résultante des milliers de choix individuels. La maximisation du profit n’est également qu’un ‘idéal’ que le « phénomène d’agence » permet de relativiser. Quand la direction délègue à un agent, celui-ci va acquérir une autonomie relative et ses décisions ne seront pas entièrement celles qu’auraient désirées la direction ou l’actionnaire. Cette perte d’information est appelée « coût d’agence ».

Mais la maximisation de son intérêt par un individu ne se limite en rien au profit. Une étude réalisée par l’auteur et Roland Bénabou montre trois motivations à la générosité : une conviction, une récompense, l’image de soi. « Nous avons modélisé ces trois composantes et conçu une théorie qui nous a permis de formuler des prédictions et de les tester expérimentalement. » Par exemple, on est plus généreux quand on se sait observé, en particulier par ceux à qui l’on souhaite plaire. Les incitations monétaires à la générosité sont donc plus efficaces pour des actes privés (qui ne sont pas observés par autrui) que pour des actes publics puisque l’intérêt qu’on en retire reste caché.

C’est par cette méthode d’expérimentation que l’économie se rapproche de la science (sans égaler la physique !) : partir d’un problème concret, en modéliser les mécanismes observés, déduire des hypothèses, les tester… « Les économistes s’intéressent aujourd’hui à tous les aspects de la vie de l’homme en société. » Ils sont tournés vers la prise de décision publique, en calculant les coûts et avantages d’une proposition. Par exemple, l’une des idées agitées par Jean Tirole est de moduler les cotisations chômage d’une entreprise en fonction de la durée réelle du chômage de la personne licenciée. Aux décideurs politiques de faire avancer la conception, voire de proposer de la tester. Intéressante approche qui évite les postures médiatiques.

CV de Jean Tirole
Jean Tirole prix Nobel
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Bibliographie
Les Echos
La finance d’entreprise
Le principe licencieur-payeur dans L’Express

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