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Poul Anderson, La reine de l’air et des ténèbres

Six nouvelles de science-fiction des années 1970 – les meilleures. Alors que la société post-68 se libérait des carcans et autres tabous, l’imagination prenait son essor. Non sans interrogations profondes sur les relations humaines, les autres et l’avenir.

La reine de l’air est la première nouvelle, la plus aboutie, presque un roman à elle seule. Les humains ont essaimé sur des planètes lointaines où ils se retrouvent isolés par les années-lumière. Comment refaire monde hors de toute histoire et de toutes références ? Sur la planète Roland, les humains ont reconstitué la colonisation des pays neufs en occupant les côtes et en laissant l’arrière-pays aux pionniers fermiers méfiants, isolés et superstitieux car ils ont quitté toute instruction dès l’âge de 12 ans pour travailler la terre.

Des êtres supérieurs et mystérieux occuperaient les confins, des gens les ont vus ou croient les avoir aperçus mais sans savoir les décrire, nombre ne sont pas revenus. Mais ce qui préoccupe les scientifiques des côtes est le nombre d’enlèvement d’enfants petits dans les camps et les fermes. Ils disparaissent tout simplement. La police ne fait rien, accusant facilement les parents de défaut de surveillance. Jusqu’à ce que la biologiste Barbro ait son petit garçon de 3 ans enlevé en plein camp gardé par des barrières sensibles et sillonné de mastiffs féroces. Il n’a pu être enlevé que par les airs, silencieusement, par un être qui avait le pouvoir d’illusionner les gardiens.

Désespérée, elle engage le seul détective privé de la planète, qui se prend au jeu, Personne ne croit à ces êtres invisibles ou fantômes, mais lui émet quelques hypothèses. Il va s’enfoncer dans le bled dans un camping car armé et immunisé contre les ondes mentales car il pense que… Barbro l’accompagne, avide de retrouver son bébé. Un garçon de 15 ans, nu, enlevé lui aussi jadis, les espionne pour le compte de la reine. Il est joyeux, svelte, amant récent d’une fille de son âge, gambade dans les herbes et sous la lune – mais il obéit. Il se croit libre mais il reste esclave. Il est tenu par les illusions que le peuple premier de la planète lui inculque pour le garder captif. Le couple qui veut retrouver l’enfant va lui faire prendre conscience de cet envoûtement, pour lequel on ne peut que songer aux paradis artificiels de l’époque psychédélique. L’illusion de liberté laisse sous emprise…

La seconde nouvelle interroge le « chez nous » d’humains qui ont colonisé une planète mais ne s’intégreront jamais aux premiers habitants. Trop d’écarts physiques et culturels les séparent. La direction prend la douloureuse mais sage décision de faire quitter la planète à tous les humain, afin de ne plus perturber les indigènes. On ne peut que penser à l’immigration de populations très différentes dans les pays d’Occident qui, pour certains, ne s’intégreront jamais et sombreront à moyenne échéance dans des problèmes psychiatriques dont les faits divers nous montrent chaque jour les ravages.

L’ennemi inconnu a attaqué une planète remplie d’humains. Mais il s’agit d’une illusion, les analyses scientifiques montrent que les morts l’étaient avant la soi-disant bombe nucléaire. Faire peur pour dissuader – les extraterrestres sont aussi intelligents et rusés dans la fausse information que le tyran Poutine.

Le faune est un jeune garçon « grand et mince, vêtu d’une tunique de cuir écailleux , un couteau à la ceinture, un fusil et un sac à dos sur les épaules » p.131. « Jeune garçon », chez l’auteur, signifie 16 ans ; il affectionne cet âge où l’enfant devient adulte, le garçon un mâle. Sur ces planètes lointaines, retour à l’existence préhistorique : tous les sens sont sollicités, le corps est entraîné et l’esprit bien ouvert. Tout est possible à 16 ans. Aussi, lorsque l’homme mûr, citadin pataud et encombré de préjugés, se perd dans la jungle, le faune va le sauver. Il braque le gros animal carnassier qui le menace mais… ne tire pas ; Il laisse son « cynopard »  familier l’affronter et le chasser n(une sorte de chien-léopard imaginaire). C’est que le faune a conscience du Tout de la nature. L’être humain ne doit plus être un prédateur mais s’insérer dans la chaîne. Le garçon aurait tiré s’il n’avait pas eu d’autre solution mais, en écolo précoce, il a laissé sa chance à la vie du prédateur qui est un mal utile. « J’ai un devoir envers toute cette planète, envers toute la vie qu’elle porte. – Même la vie dangereuse ? – La nature a besoin de bêtes de proie » p.138. Nietzschéen, n’est-ce pas ? Le garçon de 16 ans a tout du futur sur-homme.

Dans l’ombre est une réflexion sur la liberté et sur le désir régressif de retourner au calme.

Décalage horaire libère les prisonniers d’un dictateur galactique à la Poutine qui envahit les planètes comme autant de provinces russes ; il veut les dominer, sans égard pour ce qu’elles veulent. Sa plus belle prisonnière feint de jouer le jeu et finit par délivrer son peuple en jouant du décalage horaire.

Toutes les nouvelles ne sont pas du même niveau, certaines noyées dans un jargon pseudo-scientifique (l’auteur, né en 1926, a fait des études de physique), mais s’ouvrent toujours sur une perspective philosophique. Il s’agit à chaque fois de savoir comment réagir au mieux à l’inconnu qui survient.

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2024 03 01 Poul Anderson, La reine de l’air et des ténèbres (nouvelles), 1973, J’ai ku 1981, 223 pages, occasion €1,57, e-book Kindle €2,95

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