Julie Andrieux, Ma p’tite cuisine

Julie, dont j’apprécie beaucoup les Carnets de cuisine sur France 3, est attentive aux savoir-faire des terroirs, des chefs comme des amateurs, des cuisiniers comme des producteurs. Mais elle a commis en 2005 un livre de petite cuisine, réédité durant le confinement. Ce livre de 104 recettes montre l’inverse de son programme, usant et abusant des conserves, du surgelé, du tout-prêt, au prétexte de « pratique ». L’année 2005, il y a une demi-génération, était probablement moins encline au naturel dans la cuisine et plus à l’émancipation des cuisinières.

Julie Andrieux s’adresse aux femmes pressées (par quoi ?) qui, au lieu de l’assumer avec un menu restaurant ou surgelés, tente de faire croire qu’elle aime cuisiner aux copines, à la belle-mère, au mari et aux gosses.

D’où ces huit chapitres de thèmes dans le vent :

  • La mode mamma italienne ou le gressin est de la pita anglaise grillée au four (quand on lit les cochonneries additives autorisées par la chimie anglo-saxonne, on ne peut que reculer), et où les pâtes sont surtout en salade (parce qu’on ne sait pas maîtriser la cuisson).
  • La mode copine à base de tatin (du style foutez tout dans un plat, recouvrez de pâte et vlan ! au four à 180), de riz (cœur du bien-être oriental), de poulet et de poisson (surtout pas de viande rouge, trop mâle pour les chlorotiques urbaines).
  • La mode fusion qui n’évite pas la confusion malgré l’affirmation, mais montre sa banalité : quinoa en galette aux champignons, poulet en salade aux herbes et (audace exotique !) à la citronnelle, crevettes au fromage « comme en Malaisie » (avec du cheddar insipide fabriqué en Hollande ?).
  • La mode utile pour frimer, à base de tarte feuilletée facile à faire, de charlottes aisées à composer, de vichyssoise de fruits ou de légumes (coupez tout et mélangez !), de boulettes de n’importe quoi où recycler tous les restes. C’est le chapitre le moins décevant peut-être car répondant parfaitement à son objet qui est de faire vite et pratique.
  • La mode « amoureux » à base de tout fait, tout rapide, pop-corn, brouet, guacamole, ceviche, tartare, carpaccio, tagliatelles.
  • La mode « pour les Jules » avec mac-cheese, Welsh rarebit, coleslaw, chatchouka, conard laqué et chicanos – rien que des mots étrangers pour des préparations étrangères. Il s’agit de junk food world pour mâles internationaux branchés.
  • La mode « salon » propose des salades, du taboulé ou des « rolls ».
  • La mode sucrée évidemment, pour l’avidité des zappettes qui n’ont le temps de rien, pas même de réfléchir, avec pas moins de 21 desserts faciles, pratiques, pas chers, qui font de l’effet – à base de petit-suisse, de « cheese », de riz, de glaces toutes faites, de tarte et de chocolat.

J’ai quand même retenu quelques idées, testées dans ma cuisine : la tarte à la roquette et pignons (pour laquelle il faut diviser par deux la roquette, 400 g c’est beaucoup trop !), les brocolis en salade aux graines (banal mais goûteux), la tarte aux figues à l’anchoïade (entre salé et sucré, originale), les artichauts au Cantal (pas besoin de l’empâter en tatin malgré la recette), les blancs de poulet au citron et amandes sauce soja (la sauce fait tout), le saumon sauté aux dés d’ananas, gingembre et menthe (beau contraste), la charlotte personnalisée asperges (en conserve) et chèvre frais (joli, diététique et bon), la salade de roquette aux pêches (en boite…) et parmesan (intéressante), les tagliatelles petits pois et saumon (du genre mêle-tout, mais ça marche), les mini cakes aux figues sèches et chorizo (contraste détonnant), et la bombe glacée express à base de produits tout fait Picard surgelés.

Cela ne fait guère que 11 recettes sur 104, même si l’on peut à la rigueur en trouver quelques autres qui donnent envie d’essayer. Le calzone pâteux à la poêle bourré de sauce tomate, quel intérêt ? Le crumble de légumes, même intitulés « primavera », quelle banalité ! Les salades de pâtes, qu’est-il besoin de recettes ? Le « lassi zen » à l’Actimel Danone plus citron vert, quelle imagination ! Mais le clou est quand même tagliatelles al ragú, dont le nom cache du « bœuf bourguignon en barquette Charal », du bon bœuf aux hormones importé du Brésil ou peut-être du cheval roumain ? Est-ce vraiment de la cuisine ou du bricolage de femme pressée pour rien, qui se débarrasse de la corvée en affichant de faux talents gastronomiques ?

Très décevant.

De plus, l’objet–livre est mal édité. Un petit manuel pratique pour filles dans le vent ne devrait pas peser 600 g en format peu pratique, ni être rédigé en caractères de machine à écrire, et encore moins être lourdement illustré de photos de bouffe industrielle dans leur emballage !

Un livre que je vous conseille d’éviter, si vous êtes un brin gastronome. Je ne comprends pas qu’il puisse être réédité, sinon pour « profiter » de l’engouement cocon des confinés et surfer sur la marque Julie Andrieux, à la mode télé.

Julie Andrieux, Ma p’tite cuisine, 2005, réédité Marabout 2021, 255 pages, €12.90 e-book Kindle €8.99

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