
A Cransac en Aveyron, ville ouvrière de charbon après l’avoir été de cures thermales – mais ville imaginaire de Colette, située en réalité dans le bas-Limousin – Alice et Michel se ressourcent des ennuis financiers du spectacle dans la maison d’enfance de Michel. Il fait gris, il pleut, le couple qui se connaît bien depuis dix ans est en huis-clos avec Maria la cuisinière, ex-nourrice de Michel. Tous s’observent. Maria note que Monsieur est soucieux de ce qu’il a laissé avant de venir, qu’Alice est bien gentille mais en retrait. Et puis…
Michel surprend Alice en train de dissimuler dans un buvard violet de correspondance une lettre sur papier avion. Il s’en empare et lit qu’il s’agit de celle d’un amant de l’an dernier, le sieur Ambrogio, associé de Michel dans la location de salles de spectacle. Il l’a souvent au téléphone mais ne s’est jamais aperçu de rien. Oh, la fièvre n’a pas duré, explique Alice, juste un égarement en fin de maladie, alors que Michel l’avait laissée seule, suivi de quatre lettres enflammées – auxquelles elle n’a pas répondu – et que Michel arrachera de sa main. Pourquoi n’a-t-elle pas détruit ces lettres inutiles ? On ne sait, par oubli sentimental peut-être, ce qui blesse Michel, plus en son affection qu’en sa virilité.
Car ils s’aiment, ce qu’Alice ne cesse de rappeler ; elle est toujours avec lui, le connaît, le soutient. Pourquoi rumine-t-il exprès cet ancien faux-pas qu’il vaudrait mieux pardonner ? Toute vérité, comme le croit Alice qui préfère porter le fer dans la plaie, est-elle bonne à connaître ?
Le jaloux ne peut passer à autre chose, il est pris dans sa névrose obsessionnelle. Le bonheur ne lui est plus possible. Vulnérable, il se braque. Que va-t-il faire ? Chasser Alice ? La faire le quitter ? Aller casser la gueule à Ambrogio ? Ruiner ses affaires ? Il est dans les rets de sa pusillanimité, de sa foncière impuissance.
Égoïsme, orgueil, jalousie rendent tout dialogue impossible dans le couple, selon Colette. Tout amour est une impasse. Pour oublier, Michel sort le matin vers la rivière. La beauté de la nature lui sera-t-elle consolatrice ? Ou finira-t-il comme Chéri ?
Impossible pureté ou transparence des rapports humains. Chacun porte en permanence un masque et joue truqué. Seuls les forts, les plus égoïstes, survivent et la femme, selon Colette, est plus forte en ce sens que l’homme.
Un film de Claude Santelli en a été tiré en 1990.

Colette, Duo, 1934, Livre de poche 1995, 124 pages, occasion €2,09, e-book Kindle €4,99
DVD Duo, Claude Santelli, 1990, avec Pierre Arditi, Evelyne Bouix, Denise Gence, Matthias Habich, Jean-Jacques Moreau, Panoceanic films 2016, 1h39, €11,80
Colette, Œuvres, tome 3, Gallimard Pléiade 1991, 1984 pages, €78,00
Colette déjà chroniquée sur ce blog
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