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Horton Plains et train des montagnes

Il y a 27 km et 1h30 de route en lacets serrés, très étroites, où deux véhicules sont obligés de trouver un terrain d’entente pour se croiser. Le chauffeur est parfois obligé de négocier les virages en deux fois tant l’épingle à cheveux est courbée.

Nous effectuons un bref tour en bus de la ville créée de toutes pièces par sir James Baker, comme le parc national des Horton Plains, dans un climat anglais. Il a appelé la ville Nouvelle Angleterre, signification de Nuwara Eliya en cinghalais. La poste est d’architecture victorienne, The Grand Hotel a la façade crème rehaussée de faux colombages bruns, le club des gentlemen est clos et gardé au milieu d’un jardin, le golf à la pelouse tondue ras est bien verte, il comprend 18 trous. Comment reconstituer la patrie à l’autre bout du monde… La résidence où la reine descendit est, depuis, l’indépendance la propriété du Premier ministre.

horton plains panneau ne pas sri lanka

Nous montons à 2090 m d’altitude, il fait un temps alpin en début de matinée, à peine plus chaud ensuite. Il pleut par intermittence, une bruine qui pénètre en raison du vent qui souffle en rafales. L’entrée du parc est payante, s’effectue à pied, et non sans être passé par la fouille des sacs à dos par des gardes soucieux d’éviter tout feu, tout déchet non organique et tout matériel de fouissage. Des panneaux comminatoires enjoignent de NE PAS, en slogans punisseurs style NPA (Nouveau parti anticapitaliste). « Do not »… suit une liste impressionnante et un peu niaise pour nous Européens, mais destinée à impressionner le local, peu au fait du souci de l’environnement. Ne pas : fumer, jeter des ordures, faire du bruit, déraciner les plantes, consommer de l’alcool, marcher hors des sentiers balisés, transporter des sacs plastiques… Les sacs plastiques probablement pour ne pas qu’ils soient jetés, mais que vient faire l’alcool là-dedans ? Est-ce par ce que cela incite à la déraison ? Ou par rigorisme islamique malgré les trois autres religions majoritaires dans le pays ?

horton plains pluie sri lanka

Nous suivons un sentier aménagé qui décrit flore et faune. Il va en direction de la « petite fin du monde », falaise au-dessus de la plaine où l’on ne voit… rien – pour cause de nuages bas.

horton plains fin du monde sri lanka

Nous nous dirigeons alors perpendiculairement vers la « fin du monde » en titre, précipice de 870 m dont on ne voit pas plus le fond – pour la même cause. Par beau temps, on verrait même la mer, dit-on.

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Enfin nos pas nous dirigent vers la cascade Baker à 2060 m d’altitude. Elle s’échevèle sur le granit noir en 20 m de haut dans un bruit de train à pleine vitesse. Les sous-bois sont humides, le chemin boueux, les pierres glissantes.

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Les plantes sont adaptées à ce climat d’altitude dont certains lieux rappellent l’Écosse : ajoncs, rhododendrons, fougères, fleurs et herbe grasse. Mais des fougères géantes évoquent Jurassik Park, tandis que ce claquement sec de bambou qui titille nos oreilles indique les grenouilles tapies sous les herbes. Des corbeaux noirs passent, le bec luisant acéré, tandis que s’enfuit un coq de Lafayette sauvage, plus élancé que les nôtres. Ce coq serait l’emblème du pays et fréquente aussi bien les broussailles arides de la côte que les forêts pluviales. Il ne mange pas de tout comme les nôtres, mais est surtout végétarien, comme s’il se calquait sur le bouddhisme…

horton plains cascade sri lanka

Le froid comme l’horaire obligatoire du train obligent les mordus de photos à réfréner leurs instincts et à se presser normalement. Nous rencontrons en sens entrant des groupes de jeunes et d’écoliers en sortie scolaire. Nous sommes samedi et ils ont l’habit des plaines : chemise ouverte, short et tongs. Seuls les écoliers sont en uniforme avec les chaussures noires, mais ont eu l’autorisation (exceptionnelle) d’enfiler un sweatshirt non conforme, qui jure sur la chemise blanche et le short bleu roi. Comme C. ne peut s’empêcher d’en photographier une bande, un collégien sort de sa poche un téléphone mobile et fait semblant de le prendre en photo lui aussi : « give me a pen », riposte C. sans se démonter. Le gamin a ri, démonté.

gare ohiya sri lanka

Le bus nous attend à l’orée du parc et nous propulse par les petites routes à lacets en 45 mn à la gare ferroviaire d’Ohiya, à 1774 m. Mais oui, nous allons prendre le train, occasion de voir d’en haut les plantations de thé et le paysage de moyenne montagne que nous n’avons pu voir des falaises de fin du monde. La voie ferrée fut construite de 1855 à 1860. Nous sommes en avance sur le train qui arrive en retard. En l’attendant, nous allons prendre un thé en face, en traversant les voies, occasion de découvrir qu’il n’existe pas seulement des billets mais aussi des pièces de 10 roupies. Il existe même des pièces de valeur plus faible, mais l’inflation est telle qu’elles ne permettent pas d’acheter quoi que ce soit, juste de faire l’appoint. Nous avons le temps de finir le pique-nique commencé dans le bus et j’exerce ma compassion bouddhiste pour les êtres en nourrissant une chienne de pilons de poulet usagés dont les autres ne veulent plus.

fillette gare ohiya sri lanka

Une petite fille en robe bleue est toute étonnée de voir des étrangers si nombreux. La chienne m’a suivi, croyant au père Noël. Le train montant dans l’autre sens, sur la voie unique, est tiré par une locomotive diesel conduite par un mécanicien blanc. La voie a été construite par les Anglais pour transporter le thé des plantations d’altitude aux ports de Galle et Colombo.

chef de gare ohiya sri lanka

Notre train arrive enfin, c’est une micheline bleue récente de marque indienne ou plus probablement chinoise. Rien à voir avec les trains indiens, ici tout est propre à l’intérieur, en troisième classe comme en seconde. Il est plein, non seulement de touristes, mais surtout des locaux qui vont visiter la famille ou les temples pour le week-end. Le ticket n’est pas cher, 50 roupies pour cinq stations en seconde classe. Nous restons debout les trois-quarts du trajet, occasion d’observer des couples, des familles entières portant de gros paquets enveloppés de papier cadeau, une fille seule en jean portant deux gros sacs et un ordinateur. Sont assis en face de la porte où je me trouve debout une jeune fille qui ne cesse de me faire des sourires à chaque fois que nos regards se croisent, et son frère de 15 ans qui remplit bien sa chemise mais détourne le regard par pudeur. Il a découvert sa gorge pour montrer son médaillon de Shiva peint sur cuivre.

train du the sri lanka

Direction Bandarawela, cinq stations plus loin, à 1080 m seulement. Il y fait plus chaud. Nous avons l’opportunité de contempler un beau paysage de collines plantées de thé, de légumes « anglais » (carottes, poireaux, pommes de terre, haricots verts et fraises), appelés ainsi par opposition aux légumes locaux. Il semble que dès que nous sommes à l’abri, le soleil brille ; il suffit de commencer à randonner pour que la pluie revienne. Grand soleil donc à notre arrivée à Bandarawela, une chaleur moite en décalage avec les Horton Plains. Nous sommes mille mètres plus bas et le climat à thé chaud succède au climat à whisky.

Nous avons le temps de courir à la boutique des thés, le Mlesna Tea Center, négociant au cœur de la ville, non loin de la gare, qui offre une grande variété de crus et de qualités comme d’emballages cadeaux. Beaucoup entassent les boites et paquets de thé, sans savoir manifestement distinguer ce qui est fort ou léger, parfumé ou à boire avec du lait, pour connaisseurs ou pour petit-déjeuner. Ils ont tout à apprendre sur les subtilités du thé, altitude, cépage, cru, feuilles ou bourgeons, verts ou fermentés. Prennent-ils le temps pour cela ?

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