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Tahiti à l’été 1940

jean louis cremieux brilhac la france libre 1

[Note d’Argoul]

Il y a 75 ans, la France s’effondrait en quelques semaines face aux panzers et aux stukas nazis. Nation dépeuplée, population fatiguée, élites démissionnaires, impéritie de vieillards au commandement, tout a été dit de cette fatigue collective sidérée par la vitalité allemande. Le maréchal mettait ses étoiles et ses feuilles de chênes en toute sénile honnêteté au service de la honte et du déshonneur, se croyant plus matois que le peintre raté végétarien de la fureur revancharde germanique.

Ils étaient bien rares, ceux qui choisirent de résister… De dire non à la défaite sans combat, à l’occupation humiliante, à la neutralisation volontaire de la Flotte et de l’Empire. Que s’est-il passé à l’autre bout du monde ? Dans ces « confettis de l’empire » que sont les îles pacifiques ?

1940 Papeete Tahiti

L’historien de la France Libre, Jean-Louis Crémieux-Brilhac (mort le 8 avril de cette année), lui-même évadé des stalags et qui rejoint De Gaulle en septembre 1941, l’expose dans le premier tome de son histoire, désormais en Folio.

« Tahiti, isolé à 18 000 km de la métropole, n’est informé qu’avec retard et confusément des événements mondiaux. L’île offrira cette singularité de mener à bien une révolution pacifique sans intervention extérieure. Le gouverneur, comme beaucoup d’autres administrateurs coloniaux, a d’abord affirmé sa résolution combative ; puis il a, pendant deux mois, louvoyé et tenté en sous-main de combiner le loyalisme au Maréchal avec une sorte de neutralisation de l’île qui eût permis à celle-ci de continuer à commercer avec la Nouvelle-Zélande en dépit de la rupture des relations diplomatiques avec Londres, ce à quoi Vichy s’oppose. Brusquement, le 21 août, il a promulgué et rendu applicable à l’Océanie les premières ordonnances d’exclusion prises en France et laissé constituer un « Comité des Français d’Océanie » qui réclame l’épuration des indésirables et l’expulsion des métèques. Le voile se déchire.

1940 timbre oceanie

« Une poignée de jeunes cadres d’origine métropolitaine – médecins, administrateurs et officiers, dont le médecin-administrateur des îles Sous-le-Vent Émile de Curton – ont dès le début condamné l’armistice. Ils animeront la résistance. Ils se découvrent d’accord avec les membres civils des Délégations (l’assemblée du territoire), avec le maire franc-maçon de Papeete, avec quelques communistes locaux qui fournissent une trentaine de gros bras, mais aussi avec les chefs tahitiens des districts, pour qui l’image qu’ils se font de la France ne doit pas être ternie par une capitulation. Le 27 août, un « Comité de Gaulle » est créé et les Délégations votent une motion qui condamne la politique ambiguë du gouverneur et lui demande de choisir le camp allié. Il répond : Pouvez-vous me prouver que vous avez la population avec vous ? » On improvise un référendum le dimanche 1er septembre à Tahiti et dans l’île de Moorea ; il donne 5564 suffrages pour le ralliement au général de Gaulle, 18 contre. Le vote est surtout protestant, les catholiques et leur hiérarchie ainsi que les notables nantis se sont largement abstenus. Le gouverneur est sommé une dernière fois, le 2 septembre, de choisir ; il se retire, abandonnant le pouvoir à un gouvernement provisoire local de quatre membres.

1940 port de Tahiti

« Celui-ci annonce le ralliement ; les autres Établissements français d’Océanie suivent ; le gouvernement provisoire de Tahiti resserre les liens avec la Nouvelle-Zélande, expédie au Canada le gouverneur, les fonctionnaires et les officiers de marine non ralliés et nomme un gouverneur provisoire ; ce sera, après un bref intermède, le médecin-administrateur Émile de Curton, bientôt confirmé dans ses fonctions par de Gaulle. Les volontaires tahitiens seront deux ans plus tard à Bir Hakeim dans les rangs du bataillon du Pacifique » pp.135-136.

Argoul

Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France Libre tome 1, 1996, Folio 2014, 818 pages, €10.90

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Bogota en Colombie

La fin du séjour équatorien est proche, les valises prêtes, nous partons pour l’aéroport, direction Bogota en Colombie. Un guide est prévu pour nous faire visiter la ville et le musée de l’or. Ce monsieur ne cessera de nous vanter le calme de la Colombie. « En Europe, vous dites beaucoup de mal de ce pays et vous nous faites du tort, le touriste ne vient plus. » C’est peut-être vrai ?

Ce fut une merveilleuse escale en Colombie, courte mais intense. En direction d’Aruba avant l’Europe, Bogota apparaissait à 2680 m d’altitude au milieu d’un plateau immense et fertile, entouré de hautes montagnes le Montserrate (3200 m) et le Guadalupe (3320 m). Elle est peuplée de 7 millions d’habitants. Le centre-ville et la Candelaria disposent d’attraits touristiques.

La Candelaria est le quartier historique situé en plein centre et préservé de la destruction. Ce sont de belles maisons à balcons, rénovées par des artistes et des monuments coloniaux historiques convertis en musées. Sur les flancs du Monserrate, le quartier est, grâce à ses rues étroites, un oasis de tranquillité.

La Plazza Bolivar est connue de tous. C’est depuis les premiers temps de la conquête la place où l’on célébrait des messes, où l’on organisait de somptueuses fêtes, des corridas, des marchés, où l’on tenait procès, où l’on fouettait et pendait les criminels. L’avenidad Jiménez est le lieu de marchandage des émeraudes. Tout est légal, surveillé par la police, les uns viennent proposer des pierres brutes (d’un vert…) et les autres viennent acheter. Tout ce commerce se fait en pleine rue.

Ah ! oui, il existe une cinquantaine de musées dans la ville, dont le Museo del Oro ! Un musée « coffre-fort » qui regroupe plus de 36 000 vestiges, des milliers d’objets en or. On y voit briller des bijoux, des masques, des statuettes, de la vaisselle, des poteries, des textiles présentés et classés suivant les différentes cultures indigènes. Fabuleux !

Le guide de cette journée colombienne n’avait de cesse de vanter la Colombie paisible, pas de voyous, pas de tueurs, que des gens calmes et souriants. Chacun peut avoir son idée. Il déplorait quand même la mauvaise réputation faite à la Colombie qui nuisait au tourisme. « Voyez-vous-même, il n’y a aucun danger. » Honni soit qui mal y pense, disent bien en français les Anglais.

Le voyage avait été agréable. B. et moi étions ravies de notre découverte. En nous repassons les images, nous rions encore des petites mésaventures équatoriennes. Nous étions six francophones dans un groupe de Vlams (Flamands). Tout de suite, ils nous ont mis à l’index. Nous ne parlions pas flamand et eux pas le français (c’est ce qu’ils ont prétendu au guide). Qu’à cela ne tienne, nous en avions vu d’autres. Toujours la vieille histoire entre Wallons et Flamands qui ressort, même à l’autre bout du monde et envers des gens qui ne sont même pas Belges !

Le soir de notre arrivée à Quito, soirée musique. L’altitude, la fatigue du voyage nous mènent rapidement au  lit. Le lendemain, personne au petit déjeuner. B. se demande s’ils ne sont pas partis sans nous ? Moi : « nous verrons bien. » Le guide (Belge habitant l’Équateur) arrive. Ses traits sont tirés ! Les autres – les Flamands – sont encore au lit. Nous commencerons la visite sans eux et reviendrons plus tard les prendre à l’hôtel. A l’heure dite, ils sont là. On dirait des zombies. Ils ont du drôlement picoler hier soir. Sur le trajet en bus, il faut sans cesse s’arrêter pour qu’ils vomissent dans le fossé. C’est la course dans le bus ! Pas de tir groupé mais une débandade. Le soir, à l’hôtel, personne que les six francophones au repas. Pour les autres ? Alka-Selzer…

En résumé, un voyage de découvertes, très enrichissant, des paysages à couper le souffle, quelques petits problèmes d’altitude en Équateur, mais c’était si dépaysant et si merveilleux !

Hiata de Tahiti

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