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Martha Grimes, Ce que savait le chat

Des chats et des pompes, voilà les accessoires du roman. Une jeune femme trop bien habillée est retrouvée tuée derrière un pub où vivent deux chats, dont l’un n’est pas le bon. Celui qui a vu le meurtrier a disparu. Le superintendant Jury, commissaire en français, est chargé de l’enquête par Scotland Yard, on ne sait trop pourquoi. Peut-être parce que deux riches excentriques donnaient une fête ce soir-là à deux pas et qu’il convient de marcher sur des œufs ?

Jury va au pub, à la terrasse arrière duquel a eu lieu du crime, une fois la nuit tombée. Il apprend d’une Dora de 7 ans, toute dépenaillée comme chez Dickens, que le chat noir qui donne son nom au pub (d’où le titre anglais du roman) a été substitué. Morris n’est plus là et un autre a pris sa place. Comme il est détective, et de la police, il doit le retrouver bien vite. Mais il n’existe pas qu’un chat de Chesham, même noir. L’enquête va le mener vers Harry, escroc méphistophélique accusé d’un meurtre de femme que Jury n’a jamais pu prouver, et de la séquestration de deux enfants dans sa propre maison, qu’un chien a retrouvés sans que Harry puisse être impliqué. Harry est riche et adore déguster le vieux vin français dans un pub spécialisé. C’est une niche à Jury qui explique le va-et-vient des chats noirs. Le chien Mungo, qui parle chat comme vous et moi, opère les intermèdes qui, avouons-le, ont peu à voir avec l’enquête pour meurtre mais donnent une satire désopilante des comportements humains.

Il y aura deux autres meurtres, toujours sur le même genre de personne, des jeunes femmes trop bien habillées qui se révéleront être toutes des escortes, et toujours tuées de deux balles dans la poitrine, la première pour faire mal, la seconde au cœur. Mais pas toujours avec la même arme. Attention, escorte n’est pas pute, bien qu’on puisse penser le contraire. Le client, en général chic et riche, paye, mais pour avoir de la compagnie dans une soirée, pas toujours pour finir au lit. Encore que ce ne soit pas exclu. C’est le métier qui veut ça. Du bon argent vite gagné pour aider une vieille marraine ou épargner pour la retraite. Sans parler des robes habillées, des bijoux, des chaussures, cadeaux des clients.

Les filles tuées ont toujours une profession officielle dans la société, comme bibliothécaire ou secrétaire. Elles sont alors insignifiantes, habillée gris, gagne-petit, passe-partout. Ce n’est que le week-end qu’elles se métamorphosent. Tous les cadavres portent des chaussures invraisemblables, des créations de grands chausseurs pour femme, Jimmy Choo, Louboutin, Manolo Blahnik. L’épouse handicapée d’un inspecteur en a même toute une collection de luxe que la fortune de sa famille lui a permis d’acquérir, sans jamais pouvoir les porter. Elle s’est fait renverser par une voiture sur un passage piéton, croyant bêtement que les automobilistes étaient obligés par le Code de s’arrêter. Certes, c’est la loi, mais un piéton ne fait pas le poids. Mieux vaut penser que la loi du plus fort reste meilleure que la loi votée pour éviter ce genre d’ennui.

Les meurtres semblent ceux d’un tueur en série, mais pourquoi être allé à Chesham alors que les autres ont eu lieu à Londres ? Mystère – s’il n’y avait le chat enlevé. Harry, ni vu ni connu, serait-il impliqué ? Jury ne rêve que de lui mettre le grappin dessus, mais le sire est habile. Et son chien Mungo fait des siennes. Quel est le lien commun entre toutes ces filles, si ce n’est leur profession bis ? Se connaissaient-elles ? Avaient-elles les mêmes clients ?

Le lecteur retrouvera avec plaisir le commissaire Jury, son sergent Wiggings, son supérieur Racer, Phyllis la légiste et Carol-Anne la voisine, l’ami Melrose Plant, ex-lord Ardry, et ses animaux dans le parc du château, le cheval Chagriné, le bouc Chaviré, le chien Chahut. Ce dernier, un berger de montagne trouvé par Jury déshydraté et affamé sur un pas de porte, soigné par un vétérinaire, a été laissé par Jury comme par hasard sur la propriété de Melrose, pour qu’il soit adopté. Bien qu’il ait déjà un nom sur son collier Joey, l’ex-lord Ardry a tenu à le rebaptiser pour qu’il commence lui aussi par ch…

Martha Grimes, Ce que savait le chat (The Black Cat) – Une enquête de Richard Jury, 2010, Pocket 2012, 478 pages, €9,00

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Martha Grimes, L’inconnue de la crique

Melrose Plant, alias lord Ardry,  décide de fuir son agaçante tante Agatha en Cornouailles. Il avise un manoir sis sur la falaise battue par les vagues et lui trouve un air sinistre de vieux film anglais. Il la loue donc pour trois mois de vacances. Las, tante Agatha va le retrouver et il n’aura de cesse que d la fuir en s’inventant mille choses intéressantes à faire. Comme s’intéresser à l’histoire du manoir par exemple.

Elle est triste, quatre ans auparavant, deux enfants sont morts sur les marches menant au bas de la falaise. Les parents étaient sortis, la cuisinière gouvernante au lit, tout semblait calme… et puis un cri. On a retrouvé Noah et Essmé, 5 et 8 ans, main dans la main, étendus en pyjama près du canot amarré. Ils n’étaient pas tombés, ils ne semblaient pas avoir été poussés, mais ils se sont noyés. Les parents se sont sentis coupables de n’avoir pas été là, la mère de n’avoir pas cru les récits des enfants sur la dame et le monsieur qui leurs parlaient près des bois. Ils se sont séparés, ils sont partis à Londres. Seul reste le grand-père, le vieux Moe qui est le roi du poulet et a lancé une chaine de restaurants rapides mais de qualité aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Lui s’est retiré dans une maison de retraite qui fait maison de santé pour incurables, choisis par lui et financés par lui. Il n’aime rien tant que débouler en fauteuil roulant droit sur la personne qui le nargue et de piler net,  bien qu’il puisse marcher sans fauteuil. Mais cela fait plus véridique.

C’est dans cette atmosphère que Plant découvre le village pittoresque et touristique de Cornouailles. Un garçon à tout faire est omniprésent : barman, serveur de restaurant, cuisinier, chauffeur de taxi, pâtissier. Johnny n’a que 17 ans (mais oui, on peut conduire dès 16 ans au Royaume-Uni) mais a les traits droits et la beauté pâle des personnages romantiques. Il est très attaché à sa tante Chris… qui soudain disparaît sans prévenir, ses meringues refroidissant encore dans le four.

Le même jour, un cadavre est retrouvé dans la crique de Lamorna, tout près de là, le fragment d’une cassette vidéo dans la main.

Tout alors peut commencer, le décor est planté. Le commandant Macalvie passait par là, le sergent Wiggins est appelé en renfort depuis Londres, le commissaire Jury reviendra à temps d’une mission en Irlande du nord. Les personnages familiers réunis, l’enquête rebondit de l’un à l’autre et s’étoffe de digressions plaisantes sur les mœurs anglaises.

Humour et cruauté peuvent résumer le roman. Le whisky côtoie le thé et le Martini dans les gorges profondes, le jeune Johnny entreprend vite et bien tout ce qu’il faut, y compris les tours de magie qui le fascinent (et vont le sauver), le cadavre se révèle une actrice du porno un temps lady, la tante retrouvée et reperdue, un cadavre de plus qui n’est peut-être pas le bon, le sida sans gaieté en prime. En bref, de quoi déconcerter et ne retrouver le fil qu’à la fin. Mais que de moments délicieux entre temps, décrits avec cette douce ironie qui est la patte de l’auteur.

Martha Grimes, L’inconnue de la crique (The Lamorna Wink), 1999, Pocket 2005, 448 pages, €7.90

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