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Monastère de Kirants

Le bus nous mène à l’orée d’un parc national où nous randonnerons jusqu’au monastère perdu de Kirants.

Toute la randonnée, de 19 km aller-retour, se déroulera dans un chemin boueux dans la gorge Samson. Nous rentrerons mollets crottés, muscles fatigués d’avoir eu à rétablir l’équilibre en permanence sur la terre glissante. La matière est café au lait, semi-liquide et toute chaussure même crantée ne peut que déraper si elle ne se pose pas solidement. De pénibles ornières sont tracées dix fois par jour par les camions du village qui continuent à exploiter sans vergogne le parc national, coupant le bois, cultivant des parcelles. Un camion Zil et un gros Oural nous dépassent en ahanant.

Toute la journée nous accompagne le chien Simba, bien que son maître, notre guide local du jour, lui ait ordonné au début de retourner. Le gros chien baisse la tête, s’écarte doucement, va se cacher dans les buissons, puis reprend sa marche derrière nous une fois la troupe repartie et son maître qui l’oublie. Il réussit ainsi à s’imposer contre un jeune chien admis au début, mais qui a rebroussé chemin dès qu’il a vu un molosse à l’attache aboyer sur le chemin. Jalousies canines.

Humidité, odeurs de plantes, boue omniprésente. Évidemment planté sur un sommet, le monastère se mérite. Son nom de Kirants signifie « briques » car il est bâti non de pierres, difficiles à monter jusqu’ici, mais de briques avec la terre cuite sur place. Des mosaïques colorées subsistent sur le clocher octogonal de l’église mais, pour le reste, c’est une grande coquille vide. Dans les salles désertes, quand on est seul, les étroites fenêtres ruinées laissent entrevoir le vert de la végétation délirante à l’extérieur. C’est comme un parfum d’aventure qui rappelle quelque jungle.

Le camping du soir, prévu sous la tente, a été remplacé par une nuit chez l’habitant à Dilidjan pour cause de boue et d’humidité permanente. Les filles sont ravies : elles vont pouvoir faire sécher leurs affaires.

Nous accueille impromptu une grande maison encore en travaux. Elle est sur les hauteurs et à l’écart du centre, au rebours de la veille. L’hôtesse est un peu hystérique parce que ses draps ressemblent à des serviettes de toilette et que certains s’y trompent en allant à la salle de bain… Ses chiottes fuient et elle doit en condamner une.

La famille se débrouille toute seule pour construire et aménager leur petit hôtel et le bricolage se voit : la plomberie est en dépit du bon sens et l’électricité placée au petit bonheur. Le bouton pour allumer la pièce centrale de l’étage se trouve derrière la porte d’accès et pas à main immédiate. Le porte-savon de la douche se trouve à deux mètres de la pomme, c’est pratique ! Le robinet mal fixé ne permet pas d’obtenir de l’eau chaude sans dévisser la plomberie entière, qui tombe… Tous les matériaux de construction et sanitaire viennent de Turquie via la Géorgie, mais le bricolage est du soviétique tout pur ! Cela dit, nous sommes contents de prendre une douche, même si nous devons attendre notre tour car il n’y en a que deux pour quinze.

Le dîner comprend du pourpier cuit et de l’épeautre aux filaments de poulet, le tout faisant bouillie. Je n’aime pas trop ces plats de bébé qui tiennent au corps sans guère de saveur, mais les autres apprécient. Tendance d’époque aux saveurs neutres industrielles ? Retour à l’enfance des bouillies ? Je préfère quant à moi les légumes grillés au four avec leur très léger goût de brûlé : aubergine, tomate, poivron. J’en fais une ventrée.

Nous dormons assez bien malgré les matelas défoncés comme dans les collèges. A croire que des générations d’ados s’y sont vautrées. Nul ne pouvait bouger que tout le monde l’entende, tactique de pensionnat pour savoir qui se branle. Nous sommes encore, volontairement ou non, dans le contrôle social de type soviétique. L’hôtellerie arménienne des gîtes a du chemin à parcourir pour accueillir les touristes comme partout ailleurs.

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Dilidjan

Nous allons jusqu’à la ville de Dilidjan qui conserve le charme typique des villes du nord du pays. Nous y aurons des chambres chez l’habitant, le groupe étant séparé en deux maisons faute de place. Ma chambre est grande mais ne comprend aucun rideau contre la lumière du matin. Je serai réveillé avec le jour (et avec le bruit des camions qui passent sur la rue dès potron-minet !).

Le dîner – somptueux ! – a lieu dans l’autre maison, assez loin sur la même rue.

La façade ne paye pas de mine, la maison est construite en élévation au-dessus de la route, mais l’intérieur est richement kitsch. Ce contraste est typique des pays de l’est que j’ai explorés : surtout ne pas faire d’envieux, laisser l’extérieur banal comme ceux des autres, réserver tout son confort pour l’intérieur. Affecter la « grossièreté prolétarienne » (devise stalinienne) mais bien vivre entre soi : c’est cela même le socialisme « réel ». Nos bobos de Sarlat et autres villes restaurées « à l’ancienne » et qui votent socialistes, ont la même réaction. Ici, les lustres sont extravagants, j’en ai entrepris une collection photo édifiante.

Après les multiples entrées, déclinées elles-mêmes en plusieurs versions (macédoine, charcuteries, langues d’aubergine roulées, tomate-concombre, fromages, olives), le plat chaud est constitué par des « dolmas d’été ». Ce sont des légumes farcis, aubergine, tomate et poivron vert, fourrés de viande aux herbes et de riz. Pourquoi d’été ? Parce que ce sont des légumes de saison, tiens ! En hiver ce sont des pommes de terre et des oignons qui sont farcis.

Nuit courte, réveil à 7 h avec le jour et la circulation, malgré le grand lit matrimonial pour moi tout seul. Le lit est assez long mais l’énorme oreiller de 1 m sur 1 m me fait toucher les pieds au bord opposé. Les meubles sont lourds mais fonctionnels. L’armoire est fermée à clé et les tiroirs remplis d’affaires. Seul le lustre kitsch avoue par son extravagance un désir de consommer. Une bibliothèque dans le couloir comprend des livres reliés carton, tous en arménien. J’en reste illettré. Je reconnais au moins une encyclopédie en une douzaine de volumes. Les enfants d’ici ont trois mois de vacances en été mais un programme très chargé le reste du temps. Ils doivent apprendre trois alphabets (arménien, cyrillique et latin) et au moins trois langues (arménien, russe, et anglais, allemand ou français). C’est obligatoire à l’école.

Ciel couvert. Comme nous avons du temps avant l’heure du petit-déjeuner à l’autre maison, je fais le tour du balcon qui entoure le premier étage sur deux côtés. Une Chevrolet trône dans la cour, sur l’arrière sèche le linge et un escalier de bois monte au second étage réservé aux hôtes. J’ai vue d’un côté sur des immeubles staliniens à balcons ornés de linge et parabole télé, de l’autre sur la statue pompier couleur zinc d’un héros quelconque torturé en pose patriotique. Sous elle est un stade où des joueurs assez grands s’entraînent dès avant 8 h.

Nous verrons une heure plus tard des préados s’acheminer, un sac de sport à la main, peut-être pour aller s’y entraîner.

Au petit-déjeuner nous sont servies trois sortes de fromage de vache et brebis : façon feta, fromage frais et style crémeux Jockey. Deux confitures originales ornent les morceaux de pain, le cornouiller et l’abricot très cuit, comme une pâte de fruit. Des œufs frits changent du menu sucré que je n’aime pas le matin. Il y a surtout du vrai pain, pas uniquement ce papier mâché qu’on appelle lavash en Arménie et pita ailleurs. Ce lavash est une pâte levée cuite quelques minutes sur la tôle comme une crêpe. Les femmes en préparent pour trois ou quatre jours, voire la semaine en une fois, car il nécessite préparation et grand feu – autant que cela soit rentable.

Nous allons visiter le « quartier ethnographique, animé par de petits ateliers d’artisans », en fait une seule rue reconstituée de vieilles maisons traditionnelles dans lesquelles des boutiques de luxe pour touristes se sont installées. Les artisans n’ont pas leur atelier sur place, seul le travail du bois est pratiqué, d’ailleurs fermé ce matin.

Vous y trouvez de tout, des tapis au motif de l’arbre de vie avec toujours une croix quelque part pour se distinguer des tapis arabes, des sculptures sur bois banales, des pots décorés marqué en anglais globish ‘Armenia’, des assiettes émaillées aux motifs de la Nativité, de l’entrée à Jérusalem ou autres événements notables, des poupées de laine, des santons de crèche…

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