Jusqu’au 22 juin, le Sénat organise à l’Orangerie du jardin du Luxembourg une exposition gratuite de 120 photographies d’époque, prises par les journalistes de l’Excelsior durant la guerre 1914-1918. Ces photos sont numérisées par la Parisienne de photographie, dans le cadre d’une délégation de service public.
Dans la grande salle aérée et lumineuse où dorment les orangers des sénateurs durant l’hiver, les photos noir et blanc, tirées en grand format et légendées de façon précise, donnent une image de la grande guerre.
Une image seulement, très consensuelle avec populo ébahi, victoires alliées des avions abattus et zeppelins capturés…
… ramadan des mobilisés arabes de l’armée française…
…et décoration des Sénégalais. Il y a même une photo de travailleurs chinois.
On dirait le monde contre l’Allemagne – déjà – bien avant le nazisme. Du traité félon « de Versailles », aucun mot, les badernes moustachues qui paradent pour la victoire sont responsables mais, selon l’habitude socialiste, pas coupables. Un avion abattu rue d’Assas à Paris est (quand même) allié. Il n’y a pas eu que des victoires, mais il faut chercher.
Les soldats russes (pas encore soviétiques) débarquent à Marseille, accompagnées de leur mascotte, un gamin d’une douzaine d’années…
Pétain nous est même présenté arpentant les avenues de Metz à cheval. Le « père la victoire » a pourtant bien mal fini…
Pas de cadavre, sauf un Allemand (bien fait pour lui semble montrer « la presse » patriotarde). Les Français ne sont montrés que lisant le journal, bâtissant la cagna, tirant au canon de 75 ou de 120, se faisant soigner. Ils ne meurent jamais ? Jamais en photo en tout cas, malgré les « 1.4 millions de morts militaires » comme l’indique une notice.
Et ils attendent les Américains, dont les premiers débarquent en 1917 à Saint-Nazaire.
Les civils subissent – comme d’habitude – mais c’est amplifié par la propagande : les « gothas » bombardent Paris, flanquant une bagnole au trou.
On protège les monuments, même les enfants inventent de nouveaux jeux avec masque.
Une exposition à voir, mais vite vue. Elle vaut pour la qualité des photos, jamais ressorties des archives depuis un siècle. Mais elle est limitée, patriotarde, vue du « bon » côté (qui a gagné). Il ne s’agit en rien d’une illustration de « la » guerre de 14-18, mais de quelques moments qu’on dirait choisis par des bisounours, tellement l’image qu’on en retire est pâle, édulcorée, de synthèse.
Quand il fait trop chaud au jardin du Luxembourg, un détour par l’Orangerie permet d’ajouter un peu de culture à la nature ambiante. Un peu seulement, bien insuffisante et très politique, orientée consensus socialiste pour 2014, mais le livre de Jean-Noël Jeanneney, Jours de guerre (1914-1918) – Les trésors des archives photographiques du journal Excelsior, permet peut-être d’aller au-delà de cette mièvre apparence.
Et l’expo va même jusqu’au 28 janvier 1921, où les cendres du « soldat inconnu » sont transférées sous l’Arc de triomphe.
D’autres document d’archives numérisés sur le site du Sénat : 1914-1918 : la Grande Guerre vue du Sénat, procès-verbaux et rapports des commissions
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