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Chow Ching Lee, Concerto du fleuve Jaune

Ce récit est la suite du Palanquin des larmes, publié en 1973 sous l’impulsion du journaliste Georges Walther, et déjà chroniqué sur ce blog. Chow Ching Lee est née dans la Chine féodale, mariée à 13 ans, mère à 14 ans, chassée de son piédestal bourgeois par la Révolution maoïste, réfugiée à Hong Kong puis exilée à Paris après avoir appris toute jeune le piano. Concerto du fleuve Jaune commence alors qu’elle a fait venir en Europe ses deux enfants, son fils Paul (Po) qui réussit bien à Cambridge, et sa fille Juliette (Lin) qui habite avec elle et son nouveau mari M. Tsing.

Mais l’ingénieur M. Tsing est jaloux, routinier et violent. La vie n’est qu’engueulades et orages. Chow Ching Lee, peu solide malgré sa volonté de s’en sortir et sa foi bouddhiste aux limites de la superstition, reste engluée dans les rets des hommes. Un certain Alain est amoureux d’elle, après son beau-frère Fong ; elle ne peut se dépêtrer ni de l’un ni de l’autre car elle ne sait pas dire non. Elle s’en rend compte avec sincérité sur la fin, lorsque sa fille est bouleversée. « C’est moi qui, à cause de ma vie sentimentale désordonnée, ai fait tout ce mal. Soudain, je me sens honteuse, indigne ». C’est un peu tard…

Pour être indépendante, Chow ouvre une boutique de vente d’articles chinois et d’antiquités dans la Quartier latin. Cela prospère, elle terminera en femme d’affaires avec sa fille à la vente et son fils à la comptabilité. Mais elle veut remercier son pays (et d’en être sortie à temps) en reprenant le piano, qu’elle a appris avec la grande Marguerite Long. Pour cela monter à Paris, au Théâtre des Champs-Élysées, le Concerto pour piano et orchestre dit « du fleuve Jaune », « une très intéressante rencontre de la musique chinoise avec les instruments occidentaux », dit-elle. Cela lui permettra « d’honorer sa famille » qui a souffert à cause d’elle, « la capitaliste » – bien que n’y étant pour rien, ayant été mariée forcée avec un héritier de Shanghai. Le concert a eu lieu en décembre 1973 et ce fut un succès, moins peut-être en raison du talent pianistique de Chow Ching Lee qui avait eu du mal à le travailler, que du symbole politique qu’il représentait, l’année où la Chine Pop était reconnue par les États-Unis après être entrée à l’ONU.

C’est un destin de femme, née au Moyen Âge et entrée dans la modernité grâce à son obstination. Elle est féministe de fait, non de papier. Elle voit la Chine telle qu’elle est, avec ses grandeurs et ses petitesses, au-delà de la propagande et des fantasmes. Ce pourquoi il faut relire Chow Ching Lee.

Chow Ching Lee, Concerto du Fleuve jaune, 1979, Robert Laffont 2001, 278 pages, occasion €5,13, existe aussi en poche J’ai lu, non référencé occasion

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