Elizabeth Peters, Le secret d’Amon-Râ

A la fin du XIXe siècle, un couple de riches archéologues anglais, Emerson et Peabody, flanqué de leur fils de 10 ans Walter dit « Ramsès », se prépare à une nouvelle campagne de fouilles dans le sud de l’Égypte. Tous deux sont férus d’antiquités égyptiennes, moins pour les objets et l’argent que pour la connaissance historique de cette période millénaire qui fascine toujours. Le Soudan révolté des partisans du Mahdi vient tout juste d’être pacifié par l’armée anglaise venue du Caire, mais il est difficile et dangereux d’aller trop au sud. C’est donc bien au-dessus de Khartoum, près de la cité de Merowe (qu’il ne faut pas confondre avec Méroé), que le couple va s’efforcer de lire un site de pyramides en ruines, en plein désert.

Il a été question de placer le gamin dans un collège anglais mais le père a refusé tout net, ne voulant pas que son rejeton soit timide avec les filles, voire inverti par les mœurs et la discipline. La mère a décidé de le placer dans une académie pour jeunes gens du Caire, mais l’institution a refusé. Ramsès accompagne donc ses parents malgré les péripéties et le danger. C’est un « smart kid », un gamin débrouillard qui parle plusieurs langues et apprend les dialectes du Soudan avec aisance auprès des chameliers. Il est féru lui aussi d’égyptologie et en connaît un rayon, assez pour diriger son propre groupe de fouilles. À 10 ans, ce n’est pas rien. Si ses parents ne le traitent pas comme un adulte qu’il ne saurait être, ils le laissent assez libre pour qu’il explore et s’éduque tout seul à leur exemple.

Avant de partir pour l’Égypte, un jeune aristocrate force les portes du manoir et vient s’écrouler au pied d’Amelia Peabody au salon. S’agit de Reggie, jeune vicomte Blacktower, dont l’oncle et la tante Forthwright se sont perdus au Soudan il y a une dizaine d’années. Le grand-père a reçu une carte manuscrite de l’endroit où ils pourraient se trouver et Reggie supplie le couple d’archéologues de les accompagner. Il cherchera tout seul mais connaît mal le pays et voudrait profiter de leur expérience du pays. Mais ceux-ci refusent, ils ne croient pas à la carte sommaire, ni que les explorateurs puissent être encore vivants. Le plus curieux est que des coups de feu éclatent juste après le départ de Reggie à la porte même de la propriété, et qu’une large tache de sang s’y étale sans néanmoins qu’aucun cadavre ne puisse être retrouvé.

Une fois au nord Soudan, le campement est établi avec une main-d’œuvre locale et les fouilles commencent. Et c’est à nouveau Reggie qui vient un beau jour s’écrouler d’un chameau au pied de Peabody en bis repetita placent… le jeune homme veut se lancer tout seul dans le désert mais il court à sa perte et les Emerson l’aident à trouver des chameaux, un guide et des porteurs pour qu’il parte quelques jours en expédition voir s’il peut trouver les premiers relais indiqués sur la carte sommaire.

C’est le début d’une aventure pour tous car Reggie ne revient évidemment pas et Emerson, Peabody et Ramsès doivent se lancer sur ses traces par solidarité anglaise, sinon humaine. Ils trouvent les premiers piliers mentionnés par la carte manuscrite mais leurs porteurs sont de plus en plus effrayés de se lancer ainsi dans le désert alors que des sauvages errent dans les étendues pour faire prisonniers ceux qu’ils trouvent, selon ce qui se dit, et que l’eau risque de manquer. Les chameaux meurent d’ailleurs un à un, peut-être de chaleur ou de fatigue, peut-être pas. Peabody soigne leurs blessures avec des onguents empruntés à l’armée britannique mais ils décèdent successivement. Un matin, tous les porteurs ont disparu avec les provisions, les outres d’eau et les derniers chameaux survivants tandis que leur chef Kemit, un bel homme du désert, a été assommé. Il faut donc continuer à pied trouver le prochain puits, vaguement indiqué sur la carte à deux ou trois jours de marche.

Mais la déshydratation et la fatigue ont bientôt raison des voyageurs. Seul Kemit, jeune homme sec et musclé de 18 ans, est encore valide. Il se propose d’aller en courant joindre le point d’eau le plus proche et ramener du secours. Ce qu’il fait, in extremis. Le couple et leur gamin sont sauvés, hissés sur des chameaux et conduits jusque dans une oasis secrète, cernée de hautes falaises, inconnue du reste du monde. En cet endroit resté tel qu’il était il y a des millénaires, survit une population d’Égyptiens de l’Antiquité en autarcie quasi complète. C’est un bonheur pour les  archéologues que de vivre dans leur période favorite. Ramsès se met d’ailleurs immédiatement au goût du jour en ne portant plus qu’un pagne et des sandales comme tous les mâles du lieu. Sa mère avait déjà noté son empressement d’ôter souvent ses vêtements au maximum, tout comme son père Emerson, grand et musclé baroudeur. L’autrice donne très souvent des signes de l’amour que se portent Emerson et Peabody, par des remarques à la fois pudiques et sensuelles comme l’époque victorienne pouvait en provoquer – c’est un plaisir supplémentaire de lecture qui pimente les dialogues.

Seul inconvénient : nul ne peut quitter l’oasis sous peine de mort. Dès lors, il faut soit rester parmi les indigènes et vivre comme eux, ainsi que l’ont fait le couple Forthwright que Reggie recherche, soit tenter une sortie avec plus de chances d’y rester que de réussir. L’oncle est mort et l’on peut visiter son tombeau à l’égyptienne dans la cité, son épouse a disparu et l’on apprend assez vite qu’elle a donné naissance à une fille qui doit avoir dans les 13 ans. Mais les Emerson ne veulent pas s’enterrer dans le désert, même au milieu des merveilles égyptiennes qu’ils ont passé leur vie à étudier. Ce ne serait pas bien pour Ramsès.

Ils se retrouvent donc pris dans une lutte de pouvoir entre les deux fils du roi qui vient de décéder, le prince Tarek qui n’est autre que Kemit et son demi-frère le prince Nastasen à peu près du même âge. C’est le dieu Amon qui doit désigner le successeur du roi lors d’une cérémonie grandiose au temple. Nul doute que le grand prêtre décidera au nom du Dieu, comme tous les clergés du monde qui manipulent le sacré à leur propre profit. Emerson, Peabody et Ramsès vont vivre des aventures palpitantes en essayant d’explorer au maximum la cité, d’apprendre le plus de mots de la langue locale et des coutumes antiques, tout en se préoccupant de pouvoir fuir dès que l’occasion s’en présentera.

Chacun sera soumis à rude épreuve, près d’être sacrifié ou emprisonné jusqu’à mourir de soif dans les souterrains emplis de poussière et d’araignées, avant d’émerger à la lumière grâce au chat sacré dont Ramsès s’est enamouré, et de pouvoir partir avec une nouvelle compagne pour le jeune garçon qui n’est autre que la fille de 13 ans considérée en ce lieu comme une déesse aux cheveux d’or.

C’est une suite d’aventures palpitantes dans un décor à la Henry Rider Haggard (Les ruines du roi Salomon) que Steven Spielberg mènera à la gloire avec ses films d’Indiana Jones. Décédée en 2013 à 85 ans, Elizabeth Peters, née Barbara Michael épouse Mertz, a suivi des études d’égyptologie à Chicago jusqu’au doctorat en 1952, avant de se lancer dans le roman policier thriller en 1975 avec la série Amélia Peabody qui compte jusqu’à 19 volumes dont Le secret d’Amon Râ est le sixième. Aventures palpitantes, couple uni d’érudits amoureux, gamin étonnant et courageux, le tout raconté dans un style enthousiaste – voilà un cocktail pétillant qui passionne les adultes épris de merveilleux et d’action tout comme des adolescents. J’en ai été captivé.

Elizabeth Peters, Le secret d’Amon-Râ (The Last Camel Died at Noon), 1991, Livre de poche 1998, 447 pages, €7.45

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