Articles tagués : bras d'honneur

Le sport favori de l’homme d’Howard Hawks

Une comédie bienséante aux gags éculés mais répétitifs. Le beau mâle américain moyen Roger Willoughby (Rock Hudson) est suivi et harcelé par une femelle américaine dans le vent et tête-à-claques Abigail Page (Paula Prentiss). Elle lui pique sa place réservée de parking, lui fait coller une contredanse, l’inscrit de force à un concours de pêche, le plâtre pour lui donner un prétexte à ne pas participer, pénètre sans autorisation dans sa cabane puis dans son lit, le fait rompre avec sa fiancée, mettre à la porte de son boulot et rater le premier prix au concours !

Certes, Willoughby est bien lourdaud et trop indifférent aux femmes ; certes, il a bâti sa réputation de vendeur hors pair d’articles de pêche sans avoir lui-même pêché. Il a d’ailleurs horreur du poisson et ne sait pas même nager ! Mais de là à foutre en l’air toute son existence par caprice, avant de tomber amoureuse, il y a un gouffre. D’où les quiproquos, les situations cocasses, les maladresses comiques. La fille est une vraie peste et l’amour n’excuse pas tout. Les convenances du temps prenaient trop d’égards vis-à-vis de ces femelles en chaleur qui se croyaient tout permis au prétexte qu’elles étaient femmes, donc objets obligés de galanterie et de prévenances.

Abigail se révèle plus vraie à la fin qu’au début, en tout cas plus authentique dans l’expression de ses sentiments spontanés que la Tex Connors (Charlene Holt) qui joue la fiancée de Roger, bien roulée mais coincée et snob. Aidée de son amie et acolyte Isolde ‘Easy’ Mueller (Maria Perschy), ce qui permet d’inoubliables quiproquos de faux bras cassé figé en bras d’honneur, d’intérieur intime de cabane avec fermetures éclair coincées et soupçons de flirts avancés, Abigail va se retirer sous sa tente pour y cuver son amour déçu avant d’être rejointe par le beau Roger, mis au parfum par le faux Indien Aigle Braillard contre dus dollars, et finalement amoureux de s’être tiré de tant de maladresses et d’avoir fait toutes ces expériences poissonnières au lac Wakapooge. De quoi écrire un nouveau manuel pratique d’initiation.

Dirigeant le marketing de la société de lodges autour du lac, Abigail Page convainc le chef de Willoughby de le faire participer au concours de pêche à qui aura la plus grosse, ce qui émoustillera les clients dont le major Phipps (Roscoe Karns) à qui Roger vient de vendre une belle canne et des appâts tout en lui conseillant « la truite entre 10 h et midi, dans une eau à 18°, avec une sauterelle ou un bourdon comme appâts » – renseignements qu’il tient d’un pêcheur de ses amis qui vient de lui téléphoner.

Le personnage du chef de magasin William Cadwalader (John McGiver) est un borné à perruque, mené par sa femme qui exige qu’il en porte une mais qui n’est pas attachée et se déplace, ce qui lui donne un air constamment ridicule. Il est content de son vendeur vedette, qui a même écrit un manuel de pêche, mais le vire dès que celui-ci avoue avoir eu de la chance et même s’être fait aider « par un être vivant » (en l’occurrence un ours brun), ce qui est contraire au règlement. Le personnage de l’ours (non crédité) comme celui du faux Indien Aigle Braillard (Norman Alden) en rajoutent dans le comique yankee. L’ours chevauche une mobylette après un choc frontal avec Roger qui était dessus, et concourt à attraper le plus gros poisson du concours ; l’Indien montre sa leçon américaine bien apprise en vendant de tout avec un marketing du tonnerre et en quêtant les dollars pour le moindre service.

Au final, ce sont les clients même de Willoughby qui vont le réhabiliter aux yeux de son chef bouché en lui suggérant que, si un amateur comme lui qui n’a jamais pêché (qu’on lui jette donc la première pierre !), c’est que le matériel du magasin est bon – et que donc « n’importe qui » parmi les Américains moyens pourra le faire et épater ses copains. Roger Willoughby, en amateur éclairé et novice confirmé, est donc un argument marketing capital pour le magasin. Les concurrents pourraient bien en profiter s’il est licencié. Il mérite au contraire une augmentation.

J’avoue avoir peu ri de cette enfilade de blagues et de situations. La fille provocatrice et qui n’écoute jamais les autres parler me porte sur les nerfs ; l’athlétique non pêcheur me laisse dubitatif. Mais c’est une tranche de vie saignante des USA, de ses mœurs et de ses indigènes, pris dans leur jus post-Kennedy. Un monde révolu, prédateur, optimiste, macho, où les femmes cherchaient à se faire remarquer pour se faire enfin une place alors que les poissons servaient de prétexte au sport favori de l’homme – vous l’aurez compris : la pêche. Mais pas celle aux femmes, ce que ces dernières semblaient regretter fort…

DVD Le sport favori de l’homme (Man’s Favorite Sport ?), Howard Hawks, 1963, avec Rock Hudson, Paula Prentiss, Maria Perschy, Charlene Holt, John McGiver, Elephant Films 2020 (restauré HD avec livret), 1h56, €16,90 Blu-ray €19,90

Catégories : Cinéma | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,