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Wind River de Taylor Sheridan

Le mythe du Pionnier viril se battant pour sa survie dans la nature sauvage est magnifié par ce film à la gloire des Etats-Unis. Le spectateur y retrouve de l’action forte dans un décor de montagnes somptueux et l’excitation de la traque contre les gros machos bourrés qui considèrent les femelles du cru comme de la viande à baiser. C’est du lourd.

Cory (Jeremy Renner) est un chasseur officiel de la réserve indienne de Wind River dans le Wyoming. Il pilote un énorme pick-up au moteur V8 apte à rouler dans les congères et une motoneige rugissante qui avale les gallons de carburants. Il est équipé d’une tenue antifroid doublée d’un camouflage neige et porte, outre un téléphone satellite dans son giron, une paire de jumelles, un couteau Bowie et un fusil court à lunette capable de descendre un loup ou un puma des montagnes à plusieurs centaines de mètres. Un méchant aussi, à l’occasion.

Car, lors d’une traque de lionne qui a tué deux bœufs au grand dam des fermiers, Cory découvre un cadavre en anorak bleu ciel. Il est celui d’une jeune femme pieds nus (Kelsey Chow) qui a couru dix kilomètres dans la neige « comme une guerrière » avant de s’effondrer, les poumons gelés. Car il fait volontiers moins trente dans ces étendues glacées la nuit. Cory connait la fille : elle est celle de son ami indien Martin (Gil Birmingham) ; elle venait d’être majeure et rejoignait son copain, employé de sécurité de la plateforme pétrolière du coin (Jon Bernthal). Les Indiens sont parqués dans cette réserve inhospitalière depuis un siècle, mais la prédation économique ne s’arrête pas pour autant : fermiers, éleveurs, chasseurs de fourrure, exploitants de pétrole viennent comme des vautours sur la nature, ne laissant que l’os aux indigènes. Ceux-ci, sans futur, dépriment et les jeunes sombrent dans la drogue ou la prostitution – même si l’université ou l’armée leur permettraient de s’en sortir.

Cory lui-même, marié à une Indienne de la réserve, sait que celle-ci cherche un poste pour s’en sortir et qu’elle ne peut le trouver que loin de la réserve ; elle emmènera leur fils pas encore adolescent. Cory a vu aussi sa fille aînée violée et morte à 16 ans, les poumons gelés, quelques années auparavant parce qu’il n’était pas là et que des copains de sa fille entraînant des inconnus étaient venus « faire la fête » (ce qui veut dire, chez les Yankees, se saouler, se shooter et baiser tout ce qui bouge). Il est donc effondré lorsqu’il trouve le cadavre.

La chef de la police indienne du territoire (Graham Greene) informe le FBI qui, faute d’agent disponible sur un territoire aussi étendu, n’envoie qu’une jeune femme (Elisabeth Olsen) encore en formation à las Vegas ! Elle n’est ni équipée ni au fait des mœurs indiennes et demande à Cory de l’aider. L’enquête s’annonce sauvage, les mœurs du lieu étant celles de la Frontière : tirer d’abord et parler ensuite. La vengeance sera elle aussi biblique, style Ancien Testament : œil pour œil et dent pour dent, bien loin du « christianisme » trop volontiers affiché pourtant à la face du monde.

La bêtise des mâles yankee, rustres et ignorants, s’étale sans vergogne tandis que les subtilités de la tradition, expérimentées par le pisteur de la réserve et transmises à son jeune garçon (Teo Briones), sont réhabilitées. Ainsi que les femmes indiennes, dont « beaucoup disparaissent » nous apprend un texte de fin de film. Le racisme des machos blancs américains est un fait bien connu, mais le racisme héréditaire contre les Indiens est moins médiatisé que celui contre les Noirs. L’époque récente exige un rééquilibre.

Nous avons donc de bons sentiments écologistes, féministes, antiracistes et des personnages torturés par l’introspection dans un décor de nature sauvage en proie aux prédations industrielles. Le déroulé d’action impeccable ne vous lâche pas jusqu’au bout, même si les armes prennent trop souvent le raccourci sur les mots : pas le temps ni les neurones pour convaincre, il ne faut que s’imposer par la force (comme en Irak). Evidemment le Bien triomphera du Mal, comme d’habitude en cette mentalité biblique où tout est vu en noir et blanc, et la Technique sera célébrée comme il se doit en plein territoire sauvage.

Un polar puissant, “interdit en salle aux moins de 12 ans” (mais l’hypocrisie veut qu’ils aient accès au DVD).

DVD Wind River, Taylor Sheridan, 2017, avec Elizabeth Olsen, Jeremy Renner, Kelsey Asbille, Jon Bernthal, Julia Jones, Metropolitan Video 2018, 1h45, standard €9.45 blu-ray €14.99

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