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Théâtre de Syracuse

Le théâtre, agrandi au IIIe siècle avant par Hieron II pour totaliser 138 m de diamètre au sommet, est creusé dans la colline face à la mer. Il est en plein soleil mais les spectacles avaient lieu à la saison froide et les spectateurs n’avaient pas besoin de velum, comme dans les théâtres romains. Les Perses d’Eschyle y auraient été représentés en 372 avant et il a été fréquenté par Platon, Pindare et Euripide. Sur ses 61 gradins pouvaient tenir 15 000 spectateurs. La représentation durait une journée entière. La cité a connu son maximum démographique sous Denys l’Ancien entre 405 et 367 avant, avec environ 300 000 habitants !

Des tombes paléochrétiennes sont creusées dans la banquette du sommet. Alors que j’avance, un bruit grandit. C’est le jaillissement en cascade d’une résurgence de l’aqueduc qui permettait aux spectateurs de boire.

Dans le parc archéologique, le grand autel d’Hiéron II mesure 198 m de long. Il a permis en 228 avant le sacrifice public de 450 bœufs pour répartir la fumée pour les dieux et la viande aux quelques 150 000 habitants de la ville au quatrième siècle avant.

Un amphithéâtre romain, assez petit par rapport aux autres monuments mais tout de suite après celui de Rome ou Vérone, permettait des spectacles d’évergètes, ces riches qui invitaient les citoyens à voter pour eux. Il date du IIIe siècle après. L’arène où l’on mettait à mort les condamnés et où l’on combattait était destinée à réjouir le bon peuple.

Le guide nous dit que le métier de gladiateur n’était que très rarement mortel, sauf sur ordre exprès de l’empereur. Les gladiateurs étaient d’anciens soldats qui se donnaient en spectacle, chacun se spécialisant dans une arme et un mode de combat. Il étaient chers à former et la lutte s’arrêtait au premier sang, en général sur les bras, les épaules ou les pectoraux. Un flux spectaculaire inondait la poitrine et tombait sur le sol, faisant frissonner les mâles comme les femelles, toujours avides d’émotion. C’était une réminiscence du sacrifice fait aux soldats tués au combat, un hommage aux guerriers. Les études archéologique remettent en question Quo vadis et la vulgate romantique du XIXe siècle. le guide nous conseille de lire la thèse de Georges Ville sur le métier de gladiateurs.

Dans une conclusion reconstruite après le décès prématuré de l’auteur, sont décrits les trois sentiments d’époque envers les spectacles de l’arène : « Le premier sentiment n’interdit pas la violence, la guerre, les supplices de criminels ; il interdit seulement qu’on s’en réjouisse ou qu’on y assiste. Le second sentiment, le plus répandu, ne fait pas du tout s’évanouir au spectacle du sang versé et n’empêche pas de se délecter sadiquement ou suicidairement de ce spectacle, mais il fait éprouver une sourde inquiétude pour l’avenir. Inquiétude qui s’accommode fort bien, du moins sur le moment, de la délectation que procure à la grande majorité des individus le spectacle des supplices. Car est un troisième sentiment, sans lequel toute cette histoire serait incompréhensible, à savoir le plaisir que procure très généralement la souffrance d’autrui. » Le métier de gladiateur est impur comme celui de pute. « Ainsi font les Romains envers leurs gladiateurs, on les admire on va les voir amphithéâtre sans scrupules, mais il est de mauvais ton de fréquenter le milieu des gladiateurs et des lanistes. (Histoire Auguste, Hadrien XVIII Commode II 9). Le gladiateur va de pair avec l’ivrogne et le débauché, dit Sénèque le Père. D’un pilier de mauvais lieu on disait il courait lupanaria et ludos (Apulée Apol. XCVIII). »

Nous revenons à l’hôtel vers 17h45 pour un dîner à 19h30 de pâtes sauce tomate au fenouil (les Siciliens en mettent partout) et d’une boulette de « farci maigre » comme ils disent, qui ressemble au jambon du petit-déjeuner recyclé au fromage. Il s’agit d’une variante d’arancini, ces boulettes de riz mou à risotto que l’on farcit de divers ingrédients avant de les enrober de chapelure et de les faire frire en poêle à l’huile d’olive. Une purée de pommes de terre l’accompagne, puis un sorbet citron. Nous prenons deux bouteilles de vin pour neuf, de l’eau, et chacun en a pour six euros.

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Latomies du Paradis à Syracuse

Ces carrières s’appellent les Latomies et sont dites du paradis.

Ce sont de gigantesques excavations de pierres calcaires à ciel ouvert, exploitées pour vendre et pour bâtir Syracuse. Mais les blocs de pierre étaient aussi exportés dans toute l’Italie. Deux siècles d’esclavage ont excavé un grand territoire.

L’oreille de Denys, selon l’expression du Caravage en 1608, est une faille en forme d’oreille de satyre de 65 m de haut dans la roche. On dit que l’anfractuosité au sommet aurait permis à Denys l’Ancien, le tyran de Syracuse, d’écouter les propos des prisonniers carthaginois faits après la bataille d’Himère et qui travaillaient comme ouvriers. Il graciait alors ou suppliciait tel ou tel selon son bon plaisir. On en dit, des choses…

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Île d’Ortigia à Syracuse 2

Devant le Duomo, le palais est du XVe rénové au XVIIIe siècle. La cathédrale est l’ancien temple d’Athéna aux colonnes reprises et leurs intervalles murés au VIIe siècle e notre ère. En 1754, Andrea Palma a ajouté une grande façade baroque pleine de mouvement. La nef centrale est l’ancien naos percé de huit grandes arcades de chaque côté. Les colonnes du périptère furent comblées pour faire les murs extérieurs. En 1518, un plafond de bois fut ajouté sur la nef. Nous sommes dimanche et un office interminable se déroule à l’intérieur, bien après midi juste. Nous ne pouvons nous y attarder. Des ados attendent à l’extérieur, assis sur les marches, consultant leurs smartphones ;

A un carrefour près du Lungomare, la source dite d’Aréthuse. Cette nymphe d’Artémis, pour Ovide (Métamorphoses, 4, 494), est aimée par Alphée, le dieu-fleuve. La voyant se baigner nue, il s’éprit de son corps juvénile et la poursuivit, métamorphosé en chasseur. Diane changea Aréthuse en une source souterraine qui jaillit à Ortygie. De l’eau douce y coule encore. La présence d’une source d’eau douce jaillissant au niveau de la mer est un phénomène géologique.

Nous déjeunons libre à cinq à la Trattoria Kalliope avec l’infirmière Mirande et son mari Eloi, et le couple de prof. Ils parlent de leurs voyages, ils en font un grand par an et deux petits depuis des années. Qui dit encore que les profs ne sont pas assez payés ? Je prends une tranche d’espadon sauce au fenouil et menthe, olives noires et câpres. C’est très bon. L’espadon est mariné au citron et à l’huile d’olive avant d’être frit sous le grill, puis arrosé de sa sauce. On le prépare parfois avec une compotée de tomate, poivron et piment, avec toujours des câpres et des olives noires. Deux petites chattes à qui je donne les peaux de poisson me sont très amicales.

Nous avons rendez-vous à 15 heures pour reprendre le bus, direction Neapolis, le quartier neuf antique où sont les carrières.

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Île d’Ortigia à Syracuse 1

Notre hôtel est bâti au-dessus des latomies, ces carrières antiques, dans un parc isolé de la rue. Il est très calme, au luxe aristocratique 19e mais avec l’air conditionné en plus et une piscine. Mirande et son mari ont été nager une demi-heure hier soir.

Je lis Les Désarçonnés de Pascal Quignard, trouvé à l’hôtel de Raguse et échangé contre un mauvais Ludlum. Pour lui, tous ceux qui ont fait une chute grave, de cheval pour la plupart, sont nés à nouveau, comme neufs. Ils voient la vie autrement. Le style est aride et pourtant assez prenant. Il y a des fulgurances, des chocs d’événements, d’images et de mots.

Le bus nous emmène sur l’île d’Ortigia, une presqu’île devenue île par le percement d’un canal pour relier les deux petits ports antiques. Cette île est la ville grecque originaire, bâtie en 734 avant par les Corinthiens.

Piazza Pancali, dans l’axe du port, le temple d’Apollon du VIe siècle est devenu église byzantine puis mosquée musulmane et basilique normande ; il n’en reste que des vestiges. Des gens déguisés reviennent de quelque part, peut-être des acteurs de film ; c’est assez cocasse.

Le corso Matteotti, du nom d’un résistant au fascisme, conduit à la piazza Archimède, du nom d’un célèbre inventeur grec qui mourut ici en 212. Perdu dans ses calculs, il n’avait pas répondu à un centurion romain qui, impatient et direct, lui a passé son épée au travers du corps. Place Archimède, la fontaine représente Artémis portant l’arc, entourée d’une famille de tritons, un couple et trois enfants, un garçon, une fille et un bébé ; tous ruissellent fraîchement sous le soleil du climat réchauffé d’octobre. Autour de la place, des palais de banque, celle d’Italie, celle de Sicile.

Au musée Bellomo, galerie régionale, le nom de peintre le plus représenté sur les étiquettes est Ignoto. Il semble l’auteur de la majeure partie des œuvres de la Renaissance. Mais « ignoto » veut tout simplement dire inconnu en italien. le guide nous compte avec humour cette anecdote de touristes ignorant.

Une Annonciation d’Antonio da Messina, peinte en 1474 a été abîmée par le tremblement de terre mais reste terriblement vivante. Deux colombes fusent vers la Vierge depuis la fenêtre, laissant derrière elles un trait de feu. Comme si le message venait directement du ciel et non pas de l’archange Gabriel qui se tient face à elle. La plus avancée des colombes est blanche, celle qui la suit de près est noire. Est-ce le symbole de la vie qui va naître, puis de la mort programmée de Jésus ?

Un gisant de chevalier en marbre sur des drapés exquis trône dans un couloir, celui de Giovanni Cabastida de Barcelone, 1472. Une scène de peste réalisée en céroplastie du XVIIe siècle baroque.

Nous visitons à pied la ville. Place de la cathédrale, un petit garçon blond coiffé en casque fait tomber sa boule de glace au chocolat par terre ; il en est tout marri. Son père le prend dans ses bras pour lui en acheter une autre.

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Musée archéologique Paolo Orsi de Syracuse

Nous marchons sur les trottoirs de marbre des rues en damier pour trouver le musée archéologique, sis dans la villa Landolina.

De nombreuses salles sont consacrées à l’histoire de la ville et de la région, de l’époque néolithique jusqu’aux Grecs. Il y a pléthore de vitrines de tessons, quelques panneaux explicatifs pour agrémenter. Le site de Castelluccio, la culture de Thapsos avec ses grandes jarres funéraires, la culture de Pantalica fin de l’âge du bronze, la tombe du bronze de Madonna del Piano, les spirales de pectoraux de San Cataldo, puis la colonisation des cités grecques dès le VIIIe siècle avant. Syracuse est la ville grecque la plus importante de l’île, plus qu’Athènes elle-même à son apogée.

La céramique polychrome de Megara Hyblaea, importée puis produite localement, montre des chevaux, des frises de bouquetins, des oiseaux. Quelques statues de kouros du VIe siècle ionien, de très jeunes hommes pubertaires, et d’athlètes adultes, une déesse allaitant du VIe, peut-être une Mère sicule à laquelle on vouait un culte. Une stèle funéraire d’un jeune garçon nu près d’une figure féminine drapée, de la première moitié du IVe est émouvante.

Sont exposés encore des statuettes féminines en terre cuite de style Tanagra provenant de la cité grecque et sicule de Terravecchia (VIe et Ve siècle avant), des vases peints, des armes en bronze du VIIIe siècle de la cache d’Adrano, un petit éphèbe en bronze du Ve, une Méduse de Naxos en terre cuite de la première moitié du Ve. Des vases ossuaires après crémation sont ornés de scènes de guerriers ou de banquets. Une maquette du temple d’Apollon, bâti vers 560 avant, avec ses 6 et 17 colonnes monolithes est reconstituée.

Un dépôt votif aux nymphes a été découvert en 1934 à l’embouchure de la rivière Palma in Contrada Tumazzo. Il contenait des statuettes votives en bois, bien conservées par le milieu anaérobie, des figurines et des poteries de terre cuite. Les trois figures femelles en bois, dressées rigides, sont vêtues d’un péplum dorique et coiffées d’un polos. Elles sont datés de la fin du VIIe ou de la première partie du VIe siècle avant.

Nous ne verrons pas la Vénus Landolina, anadyomène, dont Maupassant a célébré au printemps 1885 les charmes avec un érotisme torride :« la fameuse femelle de marbre », comme il dit, « on la rêve couchée en la voyant debout ». La salle était fermée pour restauration.

Notre hôtel est la Villa Politi, via Maria Politi Laudien, naturellement quatre étoiles. Churchill y aurait séjourné et très bien dormi, selon le ragot colporté par le guide. Le dîner est à 19h30 dans l’hôtel et le menu est un risotto au fenouil, un filet de bar pané aux pommes de terre avec épinards acidulés, et une salade de fruits. Le vin nous est offert car notre horaire a été changé de même que la salle, réservée par un congrès médical.

J’apprends que Jim a passé son bac en 1967. Il est à la retraite depuis bien longtemps, d’autant qu’il avait le droit de partir à l’époque à 60 ans. Quant à Mirande, cela fait plus de dix ans qu’elle est à la retraite, avec deux enfants. Ce couple passe de belles années à voyager et à se gaver de loisirs, en n’ayant travaillé que 37 ans. Cela paraît privilégié aujourd’hui mais c’était la norme à l’époque – pas si lointaine – où les baby-boomers n’étaient pas arrivés encore en masse à l’âge de se retirer.

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Syracuse

Fondée en 734 avant par les Corinthiens, le nom de la ville vient des marais, syraca. La cité a été gouvernée par des tyrans, dont celui de Gela qui mata la révolte des Sicules en 485 avant. Allié au tyran d’Agrigente, le tyran Théron a vaincu à Himère en 480 une grande expédition carthaginoise. Son frère Hiéron, nouveau tyran a vaincu à son tour les Étrusques en 474. Eschyle fut l’un des poètes de sa cour. Son frère, le tyran Thrasybule est chassé pour ses excès au bout d’un an. Passée sous régime démocratique, Syracuse a vaincu aussi les Athéniens d’Alcibiade avec l’aide de Sparte en 415. Suit la tyrannie militaire avec Denys l’ancien de 405 à 387 avant, puis Denys le jeune chassé pour ses vices par deux fois, Agatocle de 319 à 289, Hiéron II le modéré de 265 à 215. Hiéronymos qui lui succède favorise le parti punique et Rome l’attaque en 212. « Euréka ! » – Archimède y périt.

C’est à Syracuse que le christianisme a en premier abordé l’Europe de l’Ouest. Saint Paul, en route pour Rome, y fit escale.

Nous passons devant l’église moderne des Larmes de la Vierge, construite dans les années 1960 sur un site archéologique, sorte de fusée de verre et de béton que le guide n’aime pas du tout. Elle recèle une petite image de Marie pleurant à plusieurs reprises.

Sainte-Lucie al Sepolcro des Capucins, construite au XIIe sur l’emplacement supposé du martyre de la Vierge en 304, remaniée au XVIIe, recèle l’Enterrement de Sainte-Lucie par le Caravage en 1609, qui trône au-dessus de l’autel. Réfugié en Sicile après sa fuite de Malte, il a représenté son ami Mellotti et s’est lui-même représenté à côté. Le guide nous décrit la diagonale montante de la gauche vers la droite, l’atmosphère sombre, sauf le jeune homme au centre à l’écharpe rouge. Un soldat et un évêque sont dans un coin, les fossoyeurs sont bâtis sur le modèle des athlètes antiques.

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