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Première randonnée au Matmora, Lofoten

Nous sommes sensés avoir dîné par nous-mêmes, après avoir déjeuné de nos deniers dans les aéroports. Le change manuel est très rare en Norvège, encore plus aux Lofoten – il n’y a guère que les bureaux de poste qui l’assurent, les banques sont toujours fermées, quel que soit le jour et l’heure où nous les trouvons. Heureusement, la carte bancaire est reine : nous pouvons prélever aux distributeurs et payer directement les commerçants. C’est ainsi qu’en ce premier soir, nous dînons vers 23 h d’une soupe de cabillaud à la pomme de terre et à la crème qu’on appelle volontiers ici « soupe de Bergen ». C’est très bon, agrémenté de filaments de carottes râpées. Le tout pour 75 NOK, soit quasiment 10€ : tout est cher en Norvège. Le change est de 0.13€ pour 1 NOK, soit huit fois moins. À Svolvær, le jour polaire se produit du 25 mai au 17 juillet, et la nuit polaire du 4 décembre au 7 janvier. Entre deux, un crépuscule qui croit ou décroit en fonction des intersaisons.

mer arctique Lofoten

Au matin, le bus nous conduit vers le nord de l’île Vågan (prononcer vauganne), jusqu’à la mer. Depuis ce point, nous rallions le camping en traversant par les crêtes à peu près la moitié de l’île du nord au sud. Ce qui fait sept bonnes heures de marche, sans compter les pauses. Les sentiers norvégiens ne sont pas tracés mais de simples pistes pour animaux ou promeneurs. Les descentes surtout sont redoutables tant le granit se délite en gros blocs qui oblige la cheville à des contorsions et les genoux à freiner en permanence.

matmora lofoten pancarte

Nous grimpons le Matmora à 785 m. Pique-nique près du sommet avec vue sur la côte et la mer qui se dilue dans la brume. Une étonnante plage bleu outremer offre ses dégradés de jaune comme un lagon tahitien. Le granit donne du sable d’un bel effet.

lac Lofoten

Au loin, les montagnes bleues dans l’horizon brumeux rappellent que nous ne sommes pas sous les tropiques. Des lacs d’étain sont enchâssés dans le gris rocheux orné de verdure par plaques. Des restes de neiges éternelles subsistent sur les versants opposés au soleil.

lacs Lofoten matmora

Panoramique sur le grand fjord Hadselfjorden qui sépare les îles Lofoten de l’archipel des Vesteralen.

vers le matmora Lofoten

Petites fleurs alpines et cornouillers de Suède, linnée boréale, alchémille, myrtille, silène. Ça, le guide, il est fort pour le nom des petites fleurs.

fleur alpine Lofoten

Il fait tout un cours au sommet sur le lichen. Comment il s’agit d’une algue-champignon en symbiose, apte aux milieux extrêmes. Le lichen rhinocarpon géographique dessine des cartes jaune-vert sur les rocs de granit. Pendant ce temps, vole au-dessus de nos têtes un aigle pygargue à queue blanche.

lichens Lofoten

Nous descendons l’autre versant par un troupeau de rochers gris massé sur la pente. Les effets de brume, en altitude, sont wagnériens. Pas un cri d’oiseau, malgré le pluvier doré à ras d’un rocher, qui nous regarde. Quelques papillons volettent de ci delà. Il fait assez frais malgré le soleil au-delà des brumes.

brouillard matmora Lofoten

Après cette journée un peu difficile, spaghettis au saumon.

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Vers les Lofoten

Au nord de la Norvège gît un archipel au-delà du cercle polaire : les Lofoten… Ce nom m’évoque le cimetière poétique de Milosz, nom étrange et doux sur lequel se plaint le vent à la voix d’enfant. Oscar Vladislas de Lubicz Milosz (1877-1939), édite ce poème dans ‘Les Sept Solitudes’ (1906) :

Tous les morts sont ivres de pluie vieille et sale
Au cimetière étrange de Lofoten.
L’horloge du dégel tictaque lointaine
Au cœur des cercueils pauvres de Lofoten.

Et grâce aux trous creusés par le noir printemps
Les corbeaux sont gras de froide chair humaine ;
Et grâce au maigre vent à la voix d’enfant
Le sommeil est doux aux morts de Lofoten.

Je ne verrai très probablement jamais
Ni la mer ni les tombes de Lofoten
Et pourtant c’est en moi comme si j’aimais
Ce lointain coin de terre et toute sa peine.

Vous disparus, vous suicidés, vous lointaines
Au cimetière étranger de Lofoten
— Le nom sonne à mon oreille étrange et doux,
Vraiment, dites-moi, dormez-vous, dormez-vous ?

— Tu pourrais me conter des choses plus drôles
Beau claret dont ma coupe d’argent est pleine,
Des histoires plus charmantes ou moins folles ;
Laisse-moi tranquille avec ton Lofoten.

Il fait bon. Dans le foyer doucement traîne
La voix du plus mélancolique des mois.
— Ah ! les morts, y compris ceux de Lofoten —
Les morts, les morts sont au fond moins morts que moi…

Lofoten carte rando TA

J’aime l’ailleurs parce qu’il délivre la délicieuse nourriture de l’oubli. Quitter l’habituel pour la curiosité d’ailleurs. J’avais depuis 25 ans l’envie de revenir en Norvège. Choisir d’aller à 300 km au-delà du cercle polaire était encore plus tentant : les paysages y ressembleraient-ils à ceux d’Islande ? Les Vikings partis à la conquête de l’ouest s’y sont-ils reconnus ?

Atteindre les Lofoten reste une expédition. Outre qu’il faut une journée entière pour se rendre sur les îles et autant pour en revenir, le voyageur a l’impression d’un pays proche alors qu’il est aussi distant que l’Asie. L’administration ferroviaire française planplan en a rajouté une couche en limitant l’accès à l’aéroport de Roissy uniquement à partir de la gare du Nord, avec des rames qui s’arrêtent à toutes les gares. « Pour travaux », dit-on, en oubliant soigneusement que l’aéroport qui se veut « international » fonctionne surtout durant les congés d’été ! Une heure et quart de Châtelet à Roissy, le double de la durée habituelle, qui dit mieux ?

norvege billet 100 couronnes

Nous effectuons Paris-Oslo sur SAS en Boeing 737 en 2h15. Mais il y a deux heures d’attente à Oslo où il faut récupérer nos bagages pour les réenregistrer sur les vols intérieurs. C’est que nous quittons l’espace de Schengen pour l’espace norvégien, qui se veut réservé. Petits blonds tout dorés qui reviennent de Mykonos via Paris. Une famille de trois garçons de 6 à 10 ans attend ses bagages, la mère comme un rêve déjà mûr. Rien n’est beau comme le cheveu blond. Il ruisselle d’or sur le cou et les épaules, donne un éclat particulier aux yeux clairs et aux visages jeunes.

Oslo-Bodø dure encore une heure et demi ; c’est qu’il nous faut atteindre l’autre bout de la Norvège ! Le ø se prononce « eu » mais Bodø sonne un peu comme Bouddha dans les haut-parleurs. Si l’aéroport de la capitale est grand avec de nombreuses boutiques duty-free, celui de Bodø est provincial, vide. En dehors d’une université et d’une base de l’OTAN, il n’y a rien à Bodø, que le port de ferries pour les Lofoten et un automate pour convertir les euros en couronnes. Nous ne l’emprunterons qu’au retour, l’aller aux îles vers Svolvaer s’effectue en avion.

piece viking norvege

Encore près de trente minutes de vol jusqu’au petit aéroport de Svolvaer, sur l’île la plus proche d’Austvagøy, commune de Vågan. C’est un Dash 8 à deux hélices de la compagnie Wideroe qui nous permet de voir l’émiettement de la côte d’en haut. Des montagnes de granit noir, toutes déchiquetées, émergent de la mer de Norvège.

Le nom de Lofoten vient de , « lynx » et de fótr, « pied », la forme de l’île aurait été semblable au pied d’un lynx. Il y aurait environ 25 000 habitants à demeure dans les îles.

Lofoten chalet d ete

De là, ce n’est pas fini : un bus nous emmène jusqu’au camping en dur de Sandsletta où nous pourrons enfin nous poser. L’amusant est qu’à minuit il fait encore jour comme s’il était vingt heures. Les jours ne commencent qu’à peine à diminuer, la « nuit » se réduisant à un crépuscule marqué de quelques heures. Mais en deux semaines, nous verrons la différence : l’éternelle nuit s’avance de plus en plus vite !

norvege Lofoten crepuscule

Le camping héberge un autobus allemand suivi d’une remorque à bagages. Mon étonnement est de compter trois rangées de hublots superposés, probablement trois rangées de couchettes sur la hauteur ! Ce n’est que pour dormir, mais entasser autant de monde en masse… Il y a une psychologie du groupisme, bien au chaud dans la promiscuité, qui est propre aux Allemands.

bus dortoir allemand Lofoten

Le camping recèle aussi plusieurs chalets à quatre couchettes peints en bleu vif, eau et sanitaires en blocs extérieurs ; nous en avons deux pour notre groupe de six.

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