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Kathy Reichs, Passage mortel

Kathy Reichs exerce la fonction d’anthropologue judiciaire et enseigne à l’université au Canada et aux États-Unis. Ses romans policiers sont directement tirés de ses expériences et la série Bones en a été tiré. Elle décrit avec un réalisme vécu Montréal glacial en hiver et son université Mac Gill aux murs gris, comme la Caroline du nord avec son soleil de printemps, ses îles luxuriantes de la côte où un ami, Sam, élève des singes pour les étudier.

Les cadavres et les squelettes s’accumulent sur les tables d’étude. Une religieuse doit être canonisée et il faut s’assurer de retrouver sa tombe et que les restes soient bien les siens. Temperance fouille mais son étude montre qu’elle ne serait pas tout à fait comme son hagiographie le voudrait. Trop obsessionnelle, Temperance va-t-elle remettre en cause le processus au Vatican ? Brutalement, cinq autres morts dans un incendie suspect d’une ferme isolée : comme le feu a détruit la plupart des chairs, l’anthropologue doit déterminer qui est qui avec les squelettes. Il s’agit d’une vieille – tuée par balle -, d’un jeune couple assassiné au couteau et par morsures de gros chiens après avoir été drogués au Rohypnol, et de deux bébés jumeaux dont le cœur a été arraché vivant.

Qui a pu commettre une telle horreur ? Au nom de quoi ?

Comme d’habitude, Temperance s’investit dans sa mission. Perpétuellement agitée, angoissée, paniquée, elle va en somnambule, ne retrouvant un semblant de raison que devant son microscope et son ordinateur. Sa sœur Harry la fantasque a trouvé une nouvelle lubie en développement personnel : elle veut s’ouvrir à une autre vie. La sœur du couvent où la canonisable a été déterrée a une amie dont la fille, étudiante à Mac Gill, a disparu. Temperance enquête, fait la connaissance d’une inquiétante prof de mythologies et de deux assistantes sous emprise, pas mal perturbées.

Lorsqu’elle va se ressourcer en Caroline pour une semaine de vacances au soleil, une fois le boulot de détermination des restes accompli, elle ne peut que découvrir… deux nouveaux cadavres. Elle ne veut pas s’en occuper, c’est le boulot de l’anthropologue du comté, mais justement celui-ci a été requis pour une mission de l’ONU afin de déterrer les charniers de l’ex-Yougoslavie. Elle est donc requise pour se replonger dans le cadavre. Il s’agit de deux jeunes femmes, blanches, droguées au Rohypnol comme ceux de Montréal. Non loin de là, l’enquête révèle qu’une secte gentillette d’écolos se préservant du monde est ouverte.

Il s’avère que toutes les propriétés, celle qui a brûlé près de Montréal, celle de Caroline et même une autre au Texas où l’on a trouvé un lien, appartiennent un un riche Belge qui paye régulièrement les factures mais est introuvable. Temperance et son ami québécois l’enquêteur Ryan vont courir la montre afin d’éviter une prochaine catastrophe. Tous les morts pointent en effet vers une secte apocalyptique qui veut entreprendre un exorcisme satanique en sacrifiant des vies afin d’en sauver d’autres. Du délire paranoïaque sans aucun doute, mais des êtres de chair vulnérables comme les jeunes filles et les bébés. D’autant que Harry la sœur a disparu et pourrait être embringuée là-dedans !

Temperance est elle-même menacée, à demi étranglée dans une ruelle près de son domicile à Montréal parce qu’elle n’avait pas voulu, bravache, se faire raccompagner ; à demi incendiée dans sa cuisine de Charlotte avec un chat grillé balancé avec un parpaing au travers de sa fenêtre. Le sien ? Elle a confié Birdie à la voisine lorsqu’elle a dû aller en Caroline du nord et celui-ci s’est enfui.

Outre le suspense, un peu moins prenant que d’habitude, le lecteur (-trice et autres sexes) aura des cours détaillés sur insectes nécrophages et l’étude des squelettes, la procédure de fouille judiciaire et d’enquête sur les antécédents, l’inventaire des multiples sectes et autres façons d’alpaguer les gogos pour assurer son pouvoir absolu.

L’agaçant est surtout cette addiction forcenée à la Coke de ladite Temperance, cette boisson fétiche yankee de la firme d’Atlanta au 100 g de sucre par litre et à la pléthore d’additifs excitants tels que E150d, E210, E211, E220, E290, E330, E338, E414, E442 – en bref de la saloperie en bouteille ! Ryan préfère la bière, ce qui est plus sain.

Kathy Reichs, Passage mortel (Death du Jour), 1999, Pocket 2002, 475 pages, occasion €1,57

Un autre roman policier de Kathy Reichs déjà chroniqué sur ce blog

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Kathy Reichs, Meurtres en Acadie

Vous ne connaissez peut-être pas Kathy Reichs, anthropologue judiciaire parmi les 98 reconnues aux États-Unis, mais vous connaissez peut-être la série Bones, qui est tirée de ses romans policiers, dont celui chroniqué ici. Kathy Reichs, mère de trois enfants dont un fils, Brendan, avec qui elle écrit des romans pour ados, vit au Canada et partage son travail entre l’Office of the Chief Medical Examiner en Caroline du Nord et le Laboratoire des Sciences Judiciaires et de Médecine Légale de la province de Québec. Elle utilise cette expérience professionnelle pour, comme Patricia Cornwell, introduire le lecteur dans les arcanes spécialisées de la médecine légale. Son personnage de Temperance Brennan analyse les squelettes découverts par la police pour déterminer l’âge, le sexe, les causes de la mort, le milieu dans lequel le corps a séjourné, et ainsi de suite.

Nous sommes en Acadie, cette région de l’est du Canada ouverte sur l’Atlantique, au sud du Saint-Laurent, qui comprend l’île du New Brunswick. Terre française jusqu’à la conquête anglaise, elle a fait l’objet d’une épuration ethnique manu militari de la part des Rosbifs de 1755 à 1763 pour chasser tous les cultivateurs francophones et catholiques qui ne voulaient pas prêter allégeance à la couronne britannique. Familles expulsées, terres confisquées, la brutalité anglaise historique mêlée de ressentiment ethnique, le tout est chanté dans le poème Evangéline de l’Américain Henry Longfellow en 1847. C’est ce poème que se plaisaient à déclamer la narratrice Temperance, devenue anthropologue judiciaire, et sa copine Evangéline, avec qui elle jouait en vacances. Mais Evangéline a brusquement disparu l’année de ses 14 ans et sa jeune sœur Obéline a été placée. Malgré ses lettres et ses coups de téléphone, Temperance, aidée de sa sœur Harry, n’a jamais pu retrouver sa trace. La famille disait que c’était « dangereux ».

Adulte, Temperance s’intéresse aux restes d’un squelette d’adolescente trouvé par un policier dans le coffre de voiture de deux artistes punks qui déclarent l’avoir acheté chez un brocanteur, lequel l’aurait acquis auprès d’un homme des bois qui l’aurait découvert au bord d’un lac en Acadie. Non loin du lieu de vacances des filles jadis. Les os seraient-ils ceux d’Evangéline ?

En plus de ses autres tâches, dont la recherche de jeunes filles disparues, Temperance Brennan va se passionner pour cette quête. D’autant qu’elle semble recouper des enlèvements de fillettes et de prime adolescentes destinées à jouer nues dans des films pornos où elles se font attacher, torturer, violer. Ryan, l’officier de police du Québec chargé des cold cases en ce domaine est le grand amour de Temperance depuis qu’elle s’est séparée de son mari Peter, mais (mode d’époque déboussolée en tout) elle hésite et ne sait pas s’il faut aller plus loin ou non avec lui.

Tous deux et Hippo, un gros flic attaché à sa province où on parle le chiak plus que le joual, feront tout pour retrouver la trace des filles enlevées et réduites à leur image pédosexuelle, allant jusqu’à servir d’objets de fantasmes pervers. Ce ne sera pas simple, plutôt dangereux d’autant que la fantasque sœur Harry s’en mêle, et ne se résoudra pas aussi logiquement qu’on peut le croire. En effet, les disparues ne sont pas toutes mortes, certaines ont consenti plus ou moins à leur sort et s’en sont bien tirées. Evangéline sera retrouvée, après Obéline, et le mystère de sa disparition et de sa situation « dangereuse » à 14 ans sera éclairci. Le Canada avait créé un camp d’isolement pour une maladie rare qui faisait peur, alors que, dès les années 1960, un traitement efficace existait.

Outre l’intrigue, menée au galop avec un art du suspense en fin de chapitre tout à fait réjouissant, le lecteur découvrira ce pan du Canada francophone et ses particularités ultra-provinciales, ainsi que l’univers de la police scientifique. Il découvrira ainsi combien un simple bout d’os peut apprendre sur l’être humain. Un thème original et une histoire efficace.

Kathy Reichs, Meurtres en Acadie (Bones to Ashes), 2007, Pocket thriller 2012, 480 pages, occasion €3,26

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