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Dorison et Lauffray, Long John Silver 1 – Lady Vivian Hastings

Long John Silver est le pirate à jambe de bois sans pitié de L’île au trésor. Il a sauvé le jeune Hawkins et s’est perdu dans les Caraïbes avant de revenir se fondre dans une auberge des bas-fonds du port. L’idée de Dorison et Lauffray est, en hommage à Stevenson, de prolonger ses aventures en les inventant à mesure.

Un certain Lord Byron Hastings a acheté à un prêtre du Saint-Office (l’Inquisition) une ancienne carte maya sur parchemin donnant l’emplacement d’un trésor. Il vend donc la moitié de ses terres, laisse donc son manoir de Bristol et sa femme, et part plusieurs années dans la jungle. Telle Pénélope abandonnée par Ulysse, Lady Vivian se laisse courtiser, de façon plus pressante depuis qu’elle n’a plus le sou, ayant vendu peu à peu mobilier, tableaux et bijoux pour subsister. Son mari ne revient pas, elle songe à le déclarer mort – et à se remarier pour renflouer sa caisse. D’autant qu’elle a un polichinelle dans le tiroir depuis quelques mois.

Or, un jour, Vivian reçoit enfin des nouvelles de son mari par une lettre délivrée par son beau-frère, joint par l’indien sauvage Moktechica. Il a donné mandat plénipotentiaire à son frère, capitaine de marine, de vendre tout, mobilier et manoir, pour réunir 100 000 £. Un mari de l’époque a tous les droits, y compris sur les biens propres de sa femme. Il aurait découvert le trésor fabuleux, à Guayanacapac. Pour elle, le couvent pour « la protéger d’elle-même » et de ses frasques sexuelles, en attendant son retour. Or, elle ne l’entend pas de cette oreille. Elle veut sa part, et si son mari disparaît en cours de route, ce sera tout bénéfice car, puisqu’enceinte d’un autre, il la tuerait.

Malgré les mises en garde du docteur Livesey en raison de son état, elle décide de partir. Mais à ses conditions : elle veut un équipage à elle dévoué, et s’adresse pour cela au docteur afin qu’il la mette en relation avec le fameux ex-pirate Long John Silver qu’il a connu vingt ans auparavant. Livesey résiste, puis cède. Vivian conclut un pacte de sang avec le forban qui lui réclame en échange une partie du trésor. Long John s’abouche avec Samir, un forban de son espèce qui va profiter de ce que le capitaine Hastings soit militaire pour faire de la contrebande avec le Neptune, affrété par lui. Long John Silver va faire entrer incognito quelques hommes à lui dans des tonneaux de tafia. Puis prendre le contrôle du navire en massacrant l’équipage qui lui est fidèle, et y introduire le sien avec ceux qui restent.

Lady Hastings se fait avorter par Livesey que cela répugne, mais ce n’est pas la première fois que la belle a ainsi réparé après avoir fauté. « Son mari n’aime pas les enfants » est l’excuse de la sage-femme. Quant à Long John, il se fait imposer le marin Paris, flanqué de son jeune acolyte qui veut devenir matelot, en souvenir du capitaine Flint et du San Cristobal.

Nous en sommes là dans le tome 1. Il y en aura trois autres. La goélette Neptune part du port de Bristol pour le Brésil et l’Amazone. Le docteur Livesey est à bord, saisi par l’aventure, mais surtout d’en savoir plus sur l’âme noire de Long John Silver – et sur lui-même.

Certes, c’est l’aventure, mais un peu compliquée. Le côté captivant est relégué à plus tard, ce tome de préliminaires s’étendant sur la morale et ses limites élastiques (l’honneur, la fidélité, le mariage, les promesses jurées, la vertu). Le dessin est coloré, parfois délirant, dans les tons sombres, voire gothiques. Les pages sautent souvent du coq à l’âne sans transition, comme au cinoche alors qu’on n’y est pas. C’est assez brouillon. Des cases de « mystères » surgissent, disséminées ici ou là, comme la haine irrationnelle de la servante de Lady Hastings, la malaria qui terrasse le vieux à jambe de bois, ou les allusions de Long John au jeune matelot qui accompagne le marin Paris. Tout cela prépare sans nul doute la suite.

BD dessin de Xavier Dorison et scénario de Mathieu Lauffray, Long John Silver 1 – Lady Vivian Hastings, Dargaud 2007, 59 pages, €16,00, e-book Kindle €8,99

La série comprend quatre tomes.

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Viviane Daguet-Lievens, Tour de l’Ardèche avec mon âne et ma mule

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Robert-Louis Stevenson (l’immortel auteur de L’île au trésor) l’avait fait dans les Cévennes avec un âne. La mamie écolo, flanquée de ses animaux qu’elle appelle ses « enfants », a mis trois semaines pour faire le tour de l’Ardèche à 70 ans, en novembre 2011. Elle récrimine contre les supermarchés, les médias négatifs, les quads, les chasseurs, les communes subventionnées par l’Europe pour entretenir et baliser les chemins de pèlerinage – et qui le font mal. Mais elle adore la nature, les levers de soleil, les matinales concertantes des oiseaux, les bolets et les cèpes trouvés au détour du chemin, les panoramas « à 360° » comme elle le répète maintes fois.

« Que du bonheur ! », « merci la vie », « que la montagne est belle »… Ces remarques positives un peu standard ne cessent d’agrémenter le récit concret et imagé de ce périple aventureux. Se nourrir bio, principalement de quinoa, thé vert au miel et châtaignes, est-ce bien raisonnable pour un périple fatiguant ? Si la vie sédentaire exige de manger moins de viande et plus de fruits, légumes et céréales, les vieux coups de fatigue disséminés au fil des pages ne sont-ils pas le contrexemple de cette écologie native des Indiens des plaines américaines ? Eux qui sont encensés par Viviane pour leur sens de la Terre-mère (Pachamama), ne se gobergent-ils pas de viande rouge dès qu’ils le peuvent pour résister à la fatigue, à la pluie et au froid ? En itinérance comme ailleurs, l’intégrisme est mortifère. Les cultures qui ont crevé, dans l’histoire, sont toujours celles qui ont préféré leurs préjugés à l’adaptation au changement de leur environnement

Mamie écolo ne dédaigne cependant point le téléphone mobile, la veste polaire synthétique, le camping-gaz et les gîtes ruraux tout aménagés avec douche bien chaude. Quelle drôle d’idée aussi, de partir pour trois semaines harnachée comme pour l’Himalaya ? Est-il besoin de tous ces bagages lorsqu’on veut voyager léger « sur le chemin de vie » ?

C’est que les bêtes parlent, vous savez, et que le bonnet d’âne est une mémoire annexe, un sac à dos sur pattes, un compagnon facétieux et sûr de son orientation. Nul n’est jamais seul avec son âne et sa mule, amoureux l’un de l’autre, préoccupation de chaque matin et de chaque soir. D’où le barda : les bêtes en prennent autant que l’humain, les petites crèmes cicatrisantes, les licols, les outils de réglage, les couvertures, la nourriture en-cas.

Il est bien sympathique, ce périple, et attachante, cette façon d’écrire au fil des émotions, tour à tour lyrique et déprimée, un beau soleil et des arbres sains succédant à une grosse faiblesse dans un brouillard à neige. On a le temps, à 70 ans, le temps de vivre au rythme naturel, le temps d’observer et d’aimer. Les enfants le savent d’instinct, ceux de rencontre qui viennent tous caresser les bêtes – moins bêtes qu’on veut le faire croire.

Curieux cependant comme est écrit Huguenots page 144, ou Gore-tex page 155 et 184… « Il fait froid, la rosée a recouvert toute la végétation, j’enfile mon cortex, un bonnet » p.155. De quoi rendre plus avisé pour suivre le chemin ? Il est vrai qu’Alexandra David-Neel, autre dame vénérable et voyageuse, avait appris à se protéger du froid uniquement par l’esprit : il suffit de vouloir. Mais enfin : d’autres fautes subsistent, la relecture n’a pas été vigilante.

Viviane habite l’Ardèche, dans le village médiéval de Burzet où – on l’apprend incidemment – se tient un festival de BD sympathique ! Je ne sais si elle a routé après 68, mais elle a accompli en 2008 un chemin de saint Jacques de Burzet à Compostelle, avec son âne Balthazar, en trois mois. « Mamie Rambo », l’appelait un compagnon de rencontre. Car les rencontres sont aussi l’autre voie du chemin. Le randonneur ne se contente jamais de marcher, il avance aussi dans sa tête – et c’est peut-être le meilleur du message que laisse Viviane Daguet-Lievens en ce livre généreux qui donne envie de la suivre.

Viviane Daguet-Lievens, Tour de l’Ardèche avec mon âne et ma mule, 2013, éditions Baudelaire, 202 pages, €16.15

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