
Au début des années 1960, Marnie, une jeune femme aux cheveux noirs (Nathalie Kay, dite Tippy, Hedren), longues jambes mises en valeur par les hauts talons de rigueur, est employée d’une firme de conseil juridique. L’un des clients, Mark Rutland (Sean Connery) la remarque en passant, mais c’est lorsque Sidney Strutt (Martin Gabel), le patron de la firme, lui dit qu’elle a filé avec la caisse, elle qui travaillait sans erreur et ne rechignait pas aux heures supplémentaires, que Mark s’y intéresse.


Avant de reprendre et de redresser l’affaire de son père, la maison d’édition Rutland, il était zoologue et se passionnait pour le comportement des animaux. Il en a gardé un côté prédateur, avide de comprendre les bêtes de proies avant de les dompter. C’est ce qu’il avoue à Marnie, la voleuse et menteuse, lorsqu’il l’embauche dans sa propre firme comme secrétaire-comptable. Elle a changé d’identité et de coiffure, mais il la reconnaît pour l’avoir remarquée chez Strutt. Il l’observe, la guette, un brin amusé. Sa différence avec les poupées habituelles de son milieu l’intéresse, l’excite. Il la désire, en tombe amoureux. C’est que Marnie n’a peur de rien, et en même temps des orages, de la couleur rouge et que les hommes la touchent. En ce temps de la psychanalyse à l’honneur, c’est une névrose. Hitchcock adore ça. Il a déjà réalisé Psychose, qui a été un grand succès, et remet le couvert.
Avec moins d’allant, moins de budget, le défilement d’images derrières les pare-brises des autos ou la chevauchée à cheval est trop visible, et trop risible aujourd’hui. C’est que la jeune femme n’a qu’un seul amour, violent, celui des chevaux. Elle a acheté avec le produit de ses vols un cheval noir, Forio, qui est comme un mâle de substitution pour elle. Elle le monte souvent et cela lui fait des sensations. Mais Mark Rutland ne lui est pas indifférent avec son côté viril, fort et sûr de lui. Elle accepte de se réfugier dans ses bras lorsqu’un orage éclate, et même de se laisser embrasser.
Mais Marnie reste la proie de ses démons. Elle observe elle aussi les comportements qui l’intéressent. Le comptable ne se souvient jamais de la combinaison du gros coffre dans son bureau, qui contient beaucoup de liquide, et vient à chaque fois ouvrir le tiroir en haut à droite du bureau de sa secrétaire principale pour le lire. Il a une clé, la secrétaire une autre. Marnie le note et, un vendredi soir avant week-end, elle s’isole dans les toilettes en attendant que tout le monde parte, pour aller dérober une forte somme. Elle a pris la clé dans le sac à main de la secrétaire, appelée ailleurs un moment. Suspense, la femme de ménage s’avance pour partir plus tôt et elle est déjà dans le couloir. Mais, par chance, elle est sourde et n’entend pas l’escarpin qui tombe, mal entré dans la poche de cette gourde de Marnie.


Mark, qui l’a sortie au restaurant, aux courses, et l’a présentée à sa famille au manoir, la soupçonne aussitôt, car elle a disparu en même temps que le fric. De plus, un turfiste l’a reconnue sous un autre nom et, bien qu’elle nie, il a insisté. Mark fait donc sa propre enquête, partant du cheval Forio, issu de Virginie, donc loin de cette Californie où Marnie dit être née Margaret. L’absence de cartes d’identité aux États-Unis et la multiplicité des États font qu’il est très facile de se faire délivrer une nouvelle carte de sécurité sociale, qui permet de travailler. Marnie en a plusieurs, cinq en tout, qu’elle utilise quand elle change d’apparence. Mark retrouve Marnie et lui laisse le choix : soit la police, soit le mariage avec lui. Contrainte, Marnie ne peut que s’exécuter.
Comme Lil (Diane Baker), la belle-sœur de Mark dont la première épouse est décédée, est amoureuse de lui et jalouse de Marnie, elle écoute aux portes et surprend les coups de fil, celui de Mark avec un détective privé, celui de Marnie à sa mère à Baltimore. Or la jeune femme avait déclaré que ses parents étaient morts lorsqu’elle avait 10 ans. Que veut-elle cacher ? Lil invite les Strutt pour confronter Marnie, et celle-ci est obligée d’avouer à Mark ses méfaits : ce n’est pas son premier vol, mais le cinquième. Il a remboursé la somme volée chez Rutland, mais Strutt qui l’a reconnue peut vouloir porter plainte, même s’il le dédommage. Il négocie avec lui.


Mark soupçonne un traumatisme psychique violent durant l’enfance de Marnie et, en bon zoologue, lit pour cela des ouvrages de psychiatrie, dont un titre est montré au lecteur sur la criminalité féminine due aux traumatismes psychiques. Lors du voyage de noces, en croisière sans escale, il s’aperçoit de l’ampleur du trouble. Marnie se refuse à lui, elle ne supporte aucune caresse et, lorsqu’il la voit en chemisette de nuit et qu’il la désire, elle le rejette. Il lui arrache le vêtement, ce qui la sidère comme une chouette prise dans les phares. Mais il s’excuse aussitôt et la couvre de son propre peignoir avant de la porter sur son lit. Le lendemain, Marnie s’est jetée dans la piscine du bateau – mais pas dans la mer, ce qui aurait été radical. C’est un appel au secours, le signe qu’elle veut être sauvée. Elle n’aime pas les psys, qui se réfugient dans leur jargon sans tenter l’empathie. Mark, un peu présomptueux mais sûr de sa foce tranquille, décide de l’aider par lui-même (Sean Connery est parfait dans ce rôle de James Bond civil).
Au retour dans le manoir familial de Philadelphie, il fait venir le cheval Forio, seul à même d’apaiser Marnie, murée dans la solitude de son trauma. Une chasse au renard a lieu et Marnie monte Forio, mais la vue du sang la panique et elle s’enfuit ; Forio s’emballe, paniqué par la panique de sa maîtresse qui ne le contrôle plus, pas plus qu’elle ne se contrôle elle-même. Il saute une haie, mais rate le saut d’un mur en pierre, et se blesse grièvement. Marnie, pourtant sans bombe sur la tête, n’a rien. Terrifiée, mais prise d’une étrange volonté, elle veut l’achever et demande pour cela un revolver à la maison proche. Sans tiquer, elle tire. Ce n’est pas son premier crime, soupçonne-t-on. Et de fait, le détective fait part à Mark d’un procès où, à l’âge de 5 ans, Marnie a tué un marin du port de Baltimore (Bruce Dern) à l’aide d’un tisonnier. Il venait, comme tant d’autres, besogner sa mère veuve pour l’aider à vivre.


Une fois de plus, Marnie tente de voler dans le coffre de Rutland, mais sa main reste figée au-dessus de l’argent ; quelque chose d’inconscient l’empêche de le prendre. Mark la surprend et lui dit que, puisque mariée, tout est aussi à elle et qu’elle peut – mais elle ne peut. Scène de psychologie un peu lourdingue, où l’inconscient apparaît comme une machinerie mécanique derrière la conscience, ce qui est un peu plus compliqué que cela. Mais cela déclenche chez Mark la volonté de confronter Marnie à sa mère, pour que les mots se mettent enfin sur les choses – et que le trauma soit rendu conscient.
Sa mère Bernice (Louise Latham) est impotente depuis « l’accident » avec le marin qui lui est tombé lourdement sur la jambe, et garde avec plaisir, contre paiement Jessie (Kimberly Beck), une petite fille blonde dont elle adore brosser les cheveux. Marnie s’est toujours demandé pourquoi sa mère ne voulait pas la toucher comme elle, lui brosser les cheveux comme elle. Elle a été sevrée d’amour et cela l’a rendue frigide en même temps que kleptomane pour compenser son manque affectif. La mère nie tout, mais un gros orage éclate (opportunément) et Marnie s’écroule, hystérique. Mark la prend contre lui et déroule à sa mère les minutes du procès. Bernice avoue : elle a eu Marnie à 15 ans et s’est prostituée après la mort de son mari pour l’élever. Elle sortait chaque soir du lit la petite fille pour y coucher les marins du port. Ce soir d’orage, l’un d’eux est venu au chevet de l’enfant qui pleurait de peur. Sa mère a cru qu’il voulait la violer et l’a frappé d’un tisonnier ; le marin s’est rebiffé et elle a crié au secours. Marnie a alors saisi le tisonnier et a frappé, frappé, frappé… Sa mère a décidé de s’accuser elle-même et a « cru le Seigneur » bienveillant de faire comme si de rien n’était. Sauf que le Seigneur n’est pas psy et que le diable a fait des ravages dans l’inconscient de la gosse.
Happy end, Marnie est enfin délivrée puisque les choses sont dites et avouées, et elle veut rester auprès de Mark, figure de force qui la rassure. Son angoisse obsessionnelle s’est envolée et elle veut bien à la fois être possédée et être aimée, renversement total. Grossièrement freudien, mais tourné avec une montée du suspense efficace qui tient en haleine malgré la longueur.
DVD Pas de printemps pour Marnie (Marnie), Alfred Hitchcock, 1964, avec Sean Connery, Tippi Hedren, Diane Baker, Louise Latham, Martin Gabel, Universal Pictures Home Entertainment 2017, doublé Anglais, Espagnol, Français, Italien, 2h04, €10 .00
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