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La Dépêche de Tahiti

L’observation d’un journal papier instruit souvent sur le pays qui le publie et sur les lecteurs qui le lisent. En ce sens, La Dépêche de Tahiti, seul grand quotidien payant de la Polynésie française (Tahiti infos est un gratuit), nous en apprend un peu sur Tahiti et son public. Le journal n’est ni Le Monde, ni Le Figaro, ni Libération, ni même Le Parisien, dont il se rapproche un peu mais sans en avoir ni la richesse ni les enquêtes. La Dépêche, possédée depuis 2014 par l’homme d’affaires Dominique Auroy, reste très factuelle, très locale, et l’on se demande si elle pourrait conserver des lecteurs si les deux chaînes de TV polynésiennes faisaient vraiment leur travail d’information…

la depeche de tahiti couv

Les 48 pages du journal se présentent en séquences de 8 pages successives. La page de titre ne comprend que les surtitres et des photos couleur. Il n’y a aucun éditorial, l’événement étant le gros titre, par exemple le 11 août la Rentrée des collèges (qui venait d’avoir lieu).

Suivent aussitôt les « Annonces efficaces de La Dépêche », qui ne sont que la recension (payante) des offres d’emploi, d’immobilier, de véhicules, de « bonnes affaires », d’appels d’offre et du carnet. On sent là le cœur de la rentabilité du journal avec les encarts de pub, l’information étant un ornement coûteux en plus, délaissé manifestement par la direction. Le lecteur soupçonne que la population lit peu, s’intéresse peu à l’écrit en manière générale, et que ce qui semble lui plaire est le côté pratique. La Dépêche revendique environ 15 000 lecteurs sur 285 000 habitants (soit 5.3%) contre 7.8 millions sur 65 millions en Métropole (soit 12%).

Huit pages sur le fenua (le Pays) mettent en scène les promesses de la page de titres (un baleineau secouru par la population, ce qu’il faut savoir avant d’acheter un deux-roues à son ado). Nous avons ensuite huit pages sur Tahiti (l’île), la rentrée à Mahina, la rentrée à Faa’a et Papara, les uniformes scolaires dans la presqu’île, des loges pour les artistes à To’ata, le projet de référendum rejeté à Taiarapu-est. Deux pages seulement sur les (autres) îles – qui doivent lire encore moins et n’avoir le journal qu’avec des jours de retard… Enfin huit pages de sports, dont les projets du directeur de l’Union du sport scolaire polynésien, montrent l’horizon ultime qui semble intéresser les lecteurs au café ou ailleurs.

la depeche de tahiti voyageurs

Seules trois pages sont consacrées au reste du monde… C’est montrer combien Tahiti se voit isolé et combien « la presse » reste centrée sur l’île principale. Le monde se décline en une page sur le Pacifique (levier de croissance en Nouvelle-Calédonie, abus d’enfants migrants en Australie, suspension d’un projet nucléaire franco-chinois en Chine), une autre sur la Métropole (affaire Morandini sur la corruption de mineurs, les incendies de Vitrolles, le père Hamel égorgé par un islamiste), une dernière sur le reste (pourtant 90% des actualités !) – et seulement via les anecdotes : arrestation d’un escaladeur de la tour Trump, arrestation d’un suspect terroriste au Canada, épidémie de choléra en Centrafrique… Toutes ces « nouvelles » sont en miroir de ce qui se passe à Tahiti : l’économie maritime, les viols d’enfants, le nucléaire français, le terrorisme. Ce qui se passe en Syrie, la campagne électorale américaine, les gros yeux de Poutine, les prétentions de la Chine, hop ! aux oubliettes.

Les huit dernières pages sont une fois encore pratiques, véritable almanach du Tahitien de l’île : l’agenda des sorties, les arrivées et départ (en photos de famille), les horaires des avions et bateaux, les inévitables horoscopes (occidental et chinois), les mots croisés, fléchés, sudoku, le programme télé du jour, la météo.

Avec l’essor de l’Internet sur téléphone mobile, on se demande si un tel format journalistique a encore de l’avenir. Probablement très peu, surtout si la télévision devient plus professionnelle et réalise de véritables enquêtes plutôt que l’hagiographie des puissants qui semble être de mise sur les deux chaînes.

La mise en scène de l’information sur La Dépêche de Tahiti montre combien le pratico-pratique (comme disent les psy) l’emporte sur tout le reste, combien le payant rafle la mise, laissant de côté toute préoccupation d’informer, d’éduquer et de montrer. Personne ne parle, aucun point de vue n’émerge : nous sommes dans le « on » anonyme du chien écrasé et de la citation des édiles. Aucune enquête, aucune investigation, aucune histoire : nous sommes dans l’éternel présent dont chaque jour chasse l’autre, sans perspectives ni projet.

L’ensemble expose une relative pauvreté de pensée, une inertie politique, une léthargie de la curiosité – tous traits qui me paraissent dommageables à un journal dont le devoir serait (en théorie) d’informer et de faire réfléchir.

Le site officiel de La Dépêche de Tahiti

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Vie tahitienne à la pointe Vénus

Nous sommes à Tahiti où, pas plus qu’ailleurs, il n’y a de sot métier : il n’y a que de sottes gens. On m’a demandé de tenir compagnie à un monsieur victime d’un A.V.C depuis plusieurs années. Homme fortement handicapé, il faut lui préparer ses repas, lui découper viande et poisson, légumes et fruits en petits morceaux, discuter avec lui. Il est rassuré par une présence car il lui arrive parfois de chuter et il ne peut se relever seul. Madame accompagne un voyage en Nouvelle-Zélande, le fils accompagne sa mère et sert de chauffeur au groupe, la fille et le gendre travaillent.

Je suis à la Pointe Vénus à Mahina, les pieds dans l’eau, au milieu des tupa (crabes de terre) qui dévastent le jardin. Le tupa creuse des trous et s’y engouffre en cas d’alerte. Il ne s’éloigne guère de son abri et observe tout déplacement suspect. Il sort la nuit pour manger, il est végétarien. A une certaine époque de l’année, il mue ce qui le rend très vulnérable.

Une amie me racontait que jeune (elle a maintenant plus de 72 ans), une tante lui avait rapporté un maillot de bain des USA. En Polynésie, très peu de gens avaient un maillot de bain à cette époque. Ils se baignaient tout nu. Elle en était très fière et faisait beaucoup de jaloux. Une nuit, elle laissa son maillot sécher dehors. Le lendemain matin, surprise, le crabe avait sévi : un tupa avait  mangé le tissu du maillot. Il était devenu un maillot à trous ! Cruelle déception pour la mode ! Mais ce devait être néanmoins très sexy.

Le site de la pointe Vénus, pointe Nord de Tahiti, est situé dans la commune de Mahina. Sa baie Mataiva a vu s’amarrer l’Endeavour de James Cook le 13 avril 1769. Captain Cook est resté trois mois à Tahiti. En 1868, Cook part explorer le Pacifique. Il doit mesurer le passage de Vénus sur le disque solaire, calculer la distance terre–soleil. Les résultats scientifiques seront nuls, par contre il donnera au monde d’excellentes descriptions de la culture tahitienne. Les révoltés de la Bounty y firent escale le 26 octobre 1788, un mémorial est érigé. Le 5 mars 1797, les missionnaires de la L.M.S y ancrèrent le Duff, le 7 mars, ils furent reçus par le jeune roi Pomare II. A la pointe se dresse le phare blanc dont la construction commença en 1866. C’est le frère Soulié, constructeur de la cathédrale de Rikitea (Gambier) 1841-1848, de la cathédrale de Papeete 1856 qui, avec l’aide des Mangaréviens (Gambier), construisit cette tour carrée de 25 m de haut et huit étages en pierre de corail. Le phare fut inauguré le 23 avril 1868, il fonctionnait par combustion de gaz sous pression. En 1963, on le rehaussa de 7 m. En 1973 il fut relié à l’électricité.

La pointe Vénus, c’est la pointe du vent. Les vagues sont nombreuses, on y pratique le va’a, le surf, la planche à voile, le kayak et le kite-surf. Pas d’odeur de moisi ici, l’air balaye tous les miasmes.

Les enfants de J. nous apportent les repas. J. est un demi-chinois qui parle quatre langues : le hakka, l’anglais, le tahitien et le français. Les programmes de télévision demeurent ses occupations principales. Il se passionne pour les émissions animales, les concerts de musique classique, les infos en anglais, la politique. Heureusement depuis quelques mois les 7 chaînes de télé gratuites sont captées  en Polynésie. Nanti des chaînes payantes de TNS, il est superbement équipé.

Avant de partir pour la Pointe Vénus, j’ai confié nos poussins à V. En arrivant chez J. il y avait aussi des poules, des coqs, des poussins. Quelques jours après mon arrivée, une poule noire qui couvait dans un creux du aito (arbre de fer) est venue présenter ses quatre nouveau-nés. Tout noirs comme elle. Elle vient réclamer plusieurs fois par jour du ma’a (de la bouffe). Elle me suit avec ses quatre petits dans mes déplacements extérieurs.

Elle a pris l’habitude de venir réclamer dès le matin la pitance. Je m’installe sur la terrasse pour savourer  mon café matinal. Elle arrive et se manifeste avec beaucoup de persuasion. Je cède : riz ou pain. Mais elle fait tant de vacarme que les autres volatiles se précipitent pour picorer. Bagarre, poursuite, c’est le drame journalier. J’ai tenté de lui expliquer qu’elle caquetait  trop fort… elle ne m’a pas compris. Tant pis !

Le mois de mars a été bien rempli. Nous sommes en automne ici. On ramasse des feuilles mortes à la pelle. Portez vous bien.

Iaorana

Hiata de Tahiti

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