Articles tagués : rentrée scolaire

Chenalho la chapelle

Sur le chemin en lacets qui mène à la chapelle, quelques centaines de mètres plus haut, est établie dans un virage une aire de presse pour la canne à sucre. Un jeune homme nous explique : « ce n’est pas pour faire du rhum mais de la chicha ». Le rhum est distillé, pas la chicha qui reste seulement fermentée. Il me demande de quel pays nous venons et, lorsque je lui réponds « de France », il s’exclame : « ah ! Francia ? Como padre Miguel ! » Et nous voici, par la grâce du père Michel, élevés au rang de touristes d’honneur : ni des « gringos » venus d’outre rio Grande, ni d’ex-colonisateurs venus d’Espagne.

Au bas de la chapelle s’étend le cimetière. Les tombes sont entre la butte de terre à croix fleurie de plastique à la quasi-maison de béton coloré selon la richesse familiale. Même dans les recoins les plus pauvres de la planète la « Distinction » de Bourdieu s’applique. La chapelle elle-même domine la vallée et veille sur le village. Trois croix s’élancent vers le ciel, concurrencées récemment par les poteaux qui portent l’électricité aux maisons.

Le lieu de culte est sombre et enfumé, bien que de construction assez récente. Des fidèles en prières dès le matin ont allumé des dizaines de bougies et encensent les saints sous vitrines. Les marmonnements montent, monotones, tandis qu’un fidèle intéressé veut absolument me montrer où se trouve ce que je comprends vaguement (son espagnol tire plutôt sur le tzotzil) être la « tirelire aux offrandes ».

Nous redescendons vers le « zocalo », le centre du village, où veille un garde municipal vêtu de sa culotte bouffante, de son panama et de son long bâton. Une jeunesse désoeuvrée ayant passée l’âge de l’école obligatoire nous regarde passer, accoudée au monument de béton armé qui supporte des slogans politiques. L’église est vaste, sombre et quelconque. Des fidèles y discutent. « C’est comme à la mosquée, me dit Guillermo, les gens viennent ici pour se rencontrer et traitent de leurs affaires. »

Neuf heures sonnent – c’est l’heure de la rentrée scolaire pour les plus petits du primaire. Nous les voyons défiler par deux ou trois, chargés de leur gros sac à dos. Ils sont mieux vêtus que les préadolescents, les chemises moins plissées et mieux boutonnées par des mères qui ont encore le droit de les toucher. Les autres imitent déjà leur père et se moquent de cette coquetterie de femme, exagérant à dessein la virilité de leur décolleté et le laisser-aller masculin de leur tenue.

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La Dépêche de Tahiti

L’observation d’un journal papier instruit souvent sur le pays qui le publie et sur les lecteurs qui le lisent. En ce sens, La Dépêche de Tahiti, seul grand quotidien payant de la Polynésie française (Tahiti infos est un gratuit), nous en apprend un peu sur Tahiti et son public. Le journal n’est ni Le Monde, ni Le Figaro, ni Libération, ni même Le Parisien, dont il se rapproche un peu mais sans en avoir ni la richesse ni les enquêtes. La Dépêche, possédée depuis 2014 par l’homme d’affaires Dominique Auroy, reste très factuelle, très locale, et l’on se demande si elle pourrait conserver des lecteurs si les deux chaînes de TV polynésiennes faisaient vraiment leur travail d’information…

la depeche de tahiti couv

Les 48 pages du journal se présentent en séquences de 8 pages successives. La page de titre ne comprend que les surtitres et des photos couleur. Il n’y a aucun éditorial, l’événement étant le gros titre, par exemple le 11 août la Rentrée des collèges (qui venait d’avoir lieu).

Suivent aussitôt les « Annonces efficaces de La Dépêche », qui ne sont que la recension (payante) des offres d’emploi, d’immobilier, de véhicules, de « bonnes affaires », d’appels d’offre et du carnet. On sent là le cœur de la rentabilité du journal avec les encarts de pub, l’information étant un ornement coûteux en plus, délaissé manifestement par la direction. Le lecteur soupçonne que la population lit peu, s’intéresse peu à l’écrit en manière générale, et que ce qui semble lui plaire est le côté pratique. La Dépêche revendique environ 15 000 lecteurs sur 285 000 habitants (soit 5.3%) contre 7.8 millions sur 65 millions en Métropole (soit 12%).

Huit pages sur le fenua (le Pays) mettent en scène les promesses de la page de titres (un baleineau secouru par la population, ce qu’il faut savoir avant d’acheter un deux-roues à son ado). Nous avons ensuite huit pages sur Tahiti (l’île), la rentrée à Mahina, la rentrée à Faa’a et Papara, les uniformes scolaires dans la presqu’île, des loges pour les artistes à To’ata, le projet de référendum rejeté à Taiarapu-est. Deux pages seulement sur les (autres) îles – qui doivent lire encore moins et n’avoir le journal qu’avec des jours de retard… Enfin huit pages de sports, dont les projets du directeur de l’Union du sport scolaire polynésien, montrent l’horizon ultime qui semble intéresser les lecteurs au café ou ailleurs.

la depeche de tahiti voyageurs

Seules trois pages sont consacrées au reste du monde… C’est montrer combien Tahiti se voit isolé et combien « la presse » reste centrée sur l’île principale. Le monde se décline en une page sur le Pacifique (levier de croissance en Nouvelle-Calédonie, abus d’enfants migrants en Australie, suspension d’un projet nucléaire franco-chinois en Chine), une autre sur la Métropole (affaire Morandini sur la corruption de mineurs, les incendies de Vitrolles, le père Hamel égorgé par un islamiste), une dernière sur le reste (pourtant 90% des actualités !) – et seulement via les anecdotes : arrestation d’un escaladeur de la tour Trump, arrestation d’un suspect terroriste au Canada, épidémie de choléra en Centrafrique… Toutes ces « nouvelles » sont en miroir de ce qui se passe à Tahiti : l’économie maritime, les viols d’enfants, le nucléaire français, le terrorisme. Ce qui se passe en Syrie, la campagne électorale américaine, les gros yeux de Poutine, les prétentions de la Chine, hop ! aux oubliettes.

Les huit dernières pages sont une fois encore pratiques, véritable almanach du Tahitien de l’île : l’agenda des sorties, les arrivées et départ (en photos de famille), les horaires des avions et bateaux, les inévitables horoscopes (occidental et chinois), les mots croisés, fléchés, sudoku, le programme télé du jour, la météo.

Avec l’essor de l’Internet sur téléphone mobile, on se demande si un tel format journalistique a encore de l’avenir. Probablement très peu, surtout si la télévision devient plus professionnelle et réalise de véritables enquêtes plutôt que l’hagiographie des puissants qui semble être de mise sur les deux chaînes.

La mise en scène de l’information sur La Dépêche de Tahiti montre combien le pratico-pratique (comme disent les psy) l’emporte sur tout le reste, combien le payant rafle la mise, laissant de côté toute préoccupation d’informer, d’éduquer et de montrer. Personne ne parle, aucun point de vue n’émerge : nous sommes dans le « on » anonyme du chien écrasé et de la citation des édiles. Aucune enquête, aucune investigation, aucune histoire : nous sommes dans l’éternel présent dont chaque jour chasse l’autre, sans perspectives ni projet.

L’ensemble expose une relative pauvreté de pensée, une inertie politique, une léthargie de la curiosité – tous traits qui me paraissent dommageables à un journal dont le devoir serait (en théorie) d’informer et de faire réfléchir.

Le site officiel de La Dépêche de Tahiti

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Départ en France, séjour, retour à Tahiti

En juillet flemmingite suraiguë qui s’est poursuivie jusqu’à maintenant ; là il faut reprendre le taureau par les cornes sinon…

Des nouvelles en bref :

Politique à Tahiti ? Les chaises tournent toujours, je t’aime, moi non plus…

Toujours pas d’eau dans les tuyaux depuis de nombreux mois alors que les pluies sont omniprésentes durant cette saison sèche.

Rentrée scolaire effectuée.

Pas beaucoup de fruits dans les assiettes du petit déj : une mangue de temps à autre, une rescapée que les poules ont eu la très grande amabilité de nous laisser, quelques abius sous jupon, chaussettes, culottes que les poules, encore, tentent de visiter à coups de becs voraces ; amandes, noisettes ou noix des pays tempérés ; les mangues Bernadette (Vi Tahiti) ont elles aussi déserté nos assiettes, quelques pommes étoiles elles aussi habillées pour dissuader les poules.

jeannot

Nos animaux : Jeannot et Browny les lapins que j’ai gardés depuis mon retour d’exil vont bien. Je les ai gâtés avec pommes fruits, carottes, plantains, pissenlits, pain aux graines rassis.

brownie

Grisette, la Dame chatte est très jalouse des lapins.

chatte grisetteElle boude parfois, refuse les croquettes, quémande du filet de thon, oui, rien que cela ! Les ature (poissons du lagon) bien frais ont fait notre délice, en poisson cru, en poisson frit. Grisette a senti les poissons tandis que nous les préparions. Un morceau de poisson, cru évidemment, pour la chatte, elle y jeta un regard de mépris, et un regard courroucé pour nous les cuisinières. « Vous savez pertinemment que le seul poisson cru que je mange c’est du filet de thon rouge, poisson du large, à la rigueur du thon blanc par défaut, mais (« Ôh, Grand Jamais !) du poisson avec des arêtes comme les chats des « pauvres » ! Poisson frit, Grisette ? Des têtes d’ature ? Beurk ! Mais vous savez bien, pas de poisson avec arêtes à moins que les arêtes soient enlevées… Et le cirque continue ! Finalement nous avons cédé aux caprices de Grisette Piifare ! J’ai décortiqué un ature, enlevé toutes les arêtes, et servi les filets sur une soucoupe. Après moult inspection s’assurant que tout était en ordre la piifare a mangé ! Les voisins de me dire : « ah ! c’est un chat popa’a car un chat mao’hi aurait su manger son ature cru ». Et vlan ! encore un compliment pour les popa’a !

D’ailleurs, quelques jours plus tard, Browny n’est plus…

browny avis de deces

Mon jardin faa’apu ? Aussi terne que sa propriétaire ! Il y pousse bien les plantains pour Jeannot Lapin, les pissenlits pour nos salades, les pommes en l’air, la ciboulette pour l’omelette, les pota chinois, le gingembre et le rea mais rien de transcendant. Depuis mon retour d’exil, j’ai semé des tomates et des courges spaghetti.

J’ai fait des échanges avec le voisin aux mains vertes pour encore des pota, des papayers solo, des fuka, concombres amers. Ce monsieur est devenu végétalien, ce régime drastique lui a permis en une petite année de limiter considérablement un diabète très important qui l’aurait mené à coup sûr à la dialyse.

Carrefour se porte bien, mauruuru, bien qu’il y ait beaucoup de promeneurs dans les rayons et peu de charrettes remplies à ras bord – les temps sont durs pour tous et c’est la rentrée scolaire chez bon nombre de familles.

C’est tout pour aujourd’hui. Je dois reposer mon médium droit qui fait des siennes, encore un coup de jeunesse, mais promis je me remets à l’écriture.
Parahi ! Fa’aitoito.

Hiata de Tahiti

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