Les lieux ? L’Écosse, sur la côte ouest donnant sur l’Irlande. L’époque ? Incertaine, dans les brumes de la légende, mais avant le siècle 19 de notre ère tant manquent toutes les inventions techniques de la modernité. Les héros ? Ils sont trois, comme les trois enfants turbulents de l’auteur, deux filles, un garçon, le petit dernier. Leur âge ? L’adolescence, mais la prime, ce qui fait qu’ils peuvent avoir entre 14 et 17 ans. L’histoire ? Une chevauchée d’heroic fantasy qui voit s’affronter les clans celtes, entre ceux qui veulent le pouvoir et ceux qui ne comprennent pas ce qui leur arrive.
Nous sommes à l’âge des chevaux, des charrettes, du tri à l’arc et des épées. Whisky, chardon, cornemuse et fantômes, ces traits d’Écosse, sont recyclés comme le kilt, les châteaux et les fêtes. Le lecteur est transposé dans l’univers d’un conteur en verve d’imagination et d’action, expert en celtitude et en paternité, quelque part entre les potions potaches à la Harry Potter et la menace maléfiques du Seigneur des anneaux. Nous avons des fantômes, des kiltômes et des kiltish, allez vous y retrouver !
L’auteur prend un grand et malin plaisir à faire rebondir les histoires, légères et échevelées, sur une trame de quête adolescente. Un chapitre terminé, le lecteur a hâte de découvrir le suivant. Et il y en a 19. Écrits avec humour et sens du théâtre.
Comme le veut cet univers onirique, les personnages sont tous dignes, beaux et bien armés, aimés de leurs parents et fratrie, même les méchants, ou presque. Ils restent animés de cet esprit d’équipe et de chevalerie que veut la tradition. La nôtre, celle d’Europe, encore plus la tradition celtique dont l’auteur est féru. Il joue lui-même fort bien de la cornemuse et ne répugne pas à porter le kilt, dont il a fait déposer un modèle exclusif pour sa famille. Il dit en effet descendre d’un ancêtre écossais. Nous sommes quelque part dans l’aventure merveilleuse des scouts, filles et garçons mêlés en tout bien tout honneur. Curieusement, ils se vouvoient, ce qui fait suranné – quoique que cela subsiste dans quelques familles d’aujourd’hui. Les catholiques de tradition tiennent par exemple à tenir à distance tout sentiment avant qu’il soit socialement autorisé. C’est le cas de nos jeunes héros, qui devront patienter pour enfiler chaussure à leur pied. Tout se terminera évidemment par le mariage… Mais pas avant de s’être éprouvé, contenu, apprivoisé !
Autant dire que ce roman d’aventure est une suite de leçons de morale pratique et de sentiments guidés par des adultes avisés. Les jurons ne vont jamais plus loin que le « maudit soit le venin femelle des orties » ou « vous êtes un vilain et méritez un gage ». Et nul ne perd la vie dans un combat car la Justice doit passer. L’esprit positif y règne autant que les BA (bonnes actions), l’enthousiasme compte autant que le savoir-faire, et le courage n’est pas la moindre des vertus exigées. C’est un peu forcer la barque mais je me suis laissé dire que les enfants de l’auteur, premiers auditeurs de ces histoires contées à la veillée, ont eu à cœur de prendre pour modèle le héros à chacun dédié : la fille aînée Eimhir, la cadette Eithne, le benjamin Uilleam. Ils n’ont pas encore l’âge requis pour se fondre dans leurs tuniques, mais c’est une question de temps.
Chacun est affublé du prénom qui va à son tempérament. Eimhir, l’aînée indomptable et libre, était la femme du héros irlandais Cuchulain, son prénom signifierait « prompte » en gaélique. Eithne, la seconde, avisée et sage, épouse du dieu suprême Lug, signifierait « la graine ». Le dernier, Uilleam, est Guillaume en notre bon françois et signifie en germanique « protection de la volonté » – un prénom qui oblige un garçon. Ce ne sont pas les prénoms des vrais enfants qui, selon un réseau social, seraient plutôt Caroline, Gwenaëlle et Aymeric. Mais l’imaginaire est roi !
Anachronique et achronique, tumultueux et discipliné, ce long roman de kilt et de claymore est vivace comme la bruyère des landes, vif comme le whisky des îles et vivifiant comme l’écume sur les rocs. Une excellente lecture de vacances pour vos enfants de 7 à 14 ans, qui les captivera autant que la série Harry Potter.
Lisez-le aussi pour votre plaisir (il durera) – et pourquoi pas à haute voix – surtout avec un bon whisky de l’île de Skye (en cas de pluie). Prévoyez une infusion de cynorrhodon pleine de vitamines (et rouge comme le Crimson) pour les enfants ! Cela changera utilement les petits de la télé et des jeux vidéo, l’espace des semaines de vacances et cela confortera l’auteur, qui prépare la suite de ce premier roman.
Stéphane Béguinot, Le clan du Grey Watch – Les aventures des MacClyde, 2010, édition Ex Aequo, 572 pages, €23.75
- Site web de Stéphane Béguinot
- Le site de l’auteur sur l’histoire des cornemuses écossaises
- Le dépôt du tartan Béguinot
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Dans les Highlands d’Ecosse le gaélique a toujours été la langue dominante. Seuls les « grandes » familles parlaient l’anglais et le français. Toutefois son déclin a été net après la défaite de Culloden en 1746 où les écossais ont également été interdits de kilt et de cornemuse puis après la dépopulation durant les clearances (remplacement des hommes parlant le gaélique (contraints à émigrer pour fuir la misère) par des moutons, plus « rentables »). Aujourd’hui le gaélique est surtout parlé dans l’extrême est des Highlands (Skye, Inverness).
J’ai fait le choix de ne pas préciser l’âge de mes héros pour donner la possibilité au plus grand nombre de mes lecteurs (d’âges très divers) de pouvoir s’identifier à eux. Sinon, selon les standards d’aujourd’hui, Eimhir (prononcez AY VIR – en gaélique qui ne comporte que 18 lettres le « mh » se prononce « V ») aurait eu 23 ans et Uilleam 18 ans, alors que pour coller à la réalité de l’époque de mon roman aucun d’eux n’aurait été majeur. Comment faire admettre aux jeunes lecteurs que l’on était alors princesse à 13 ans, mariée à 15 ans et mère à 17 ans ?
Vous avez bien donné mon site où l’on peut m’écrire pour que j’envoie un livre. Hélas trop d’imperfections à tous niveaux et impactant mes lecteurs m’ont fait prendre le choix (courageux) de résilier mon contrat (mon livre peut encore être trouvé ci et là) alors qu’il est si rare de trouver un éditeur. Mes lecteurs me rendent la joie que j’ai eu à écrire pour eux et il me semble normal, en une juste contrepartie, de le leur rendre. Les délais sont longs avant que les comités de lecture des éditeurs se prononcent. Je crois néanmoins en ma bonne étoile. Toujours est-il, en cas « d’échec », que j’aurais recours à l’auto-édition pour republier mon 1er tome et le suivant (de même facture, même plus abouti encore que le 1er selon les critiques de ceux qui en ont eu la primeur pour avoir travailler avec moi).
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Inutile de me torturer aux chatouilles : j’avoue ! Je me suis délecté de cette lecture à rebondissement et aux personnages tous positifs.
Merci des précisions de date et de mœurs, je me pose quand même deux questions : 1/ le gaélique était-il parlé en Écosse au 18ème siècle au détriment de l’anglais qui ne connait guère le « tu » (sauf pour Dieu) ? 2/ sur ces adolescents que vous qualifiez de « jeunes » sur la jaquette : jeunes comme quoi ? Se mariait-on très tôt dans l’Écosse gaélique du 18ème siècle ? A 14 ans par exemple ?
Dommage que vous ayez retiré votre livre de la vente, le roman semble tout de même encore disponible sur Amazon, je me trompe ? Ai-je bien cité votre site d’auteur, celui où l’on peut trouver le livre ?
Si vous voulez vous diffuser vous-même, connaissez-vous les sites d’auto-édition comme lulu.com, par exemple ? (Il en existe d’autres)
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Voilà un avis écrit avec entrain et originalité. Il témoigne d’une lecture qui a plu, mais également d’un travail de recherche et de documentation. Bravo ! L’auteur, que je suis, apprécie à sa juste valeur. J’ai retiré mon roman de la vente (il reste néanmoins disponible via mon site d’auteur) pour me mettre en quête d’un autre éditeur ayant le soucis de ses lecteurs. J’ai sollicité plusieurs éditeurs pour la réédition de ce tome 1 et la parution du tome 2 terminé. Je suis en cours d’écriture du 3ème et dernier tome. Ces aventures, que vous avez parfaitement décrites avec vos mots et vos émotions propres, sont destinées à tous les publics de 12 ans (bons lecteurs) à 99 ans. J’en profite pour apporter deux précisions. L’époque où se déroule l’action (seuls ceux connaissant les danses, les châteaux, les armes, les airs de cornemuse et la tenue vestimentaire écossaise peuvent l’évaluer) se situe dans une fourchette de 1690 à 1725. Quant à l’usage du vouvoiement (que vous avez parfaitement interprété), il a fait l’objet de très nombreuses réflexions avant d’être entériné en tenant compte des usages en cours à l’époque, en Ecosse, pour les familles de chefs de clan parlant le gaélique. – Amicalement – Stéphane Béguinot.
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Vous vous êtes vraiment démené pour écrire ce résumé analyse. Je suis stupéfaite. Je vois bien que vous avez dévoré ce livre avec passion. Merci de la faire partager. Gwenaëlle alias Eithne.
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