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Nordhoff et Hall, Panne sèche

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Auteurs américains célèbres en leur temps des Révoltés de la Bounty, Nordhoff et Hall donnent ici une description pittoresque et réaliste du tempérament des Tahitiens. La famille Tuttle, à l’arrière grand-père américain austère, entreprenant et économe, s’est diluée dans le sang polynésien jouisseur, hédoniste et imprévoyant.

Jonas, le pater familias de la cinquantaine, est respecté lorsqu’il décide – mais il est trop nonchalant pour le faire, la procrastination étant chez lui une seconde nature. Ses quatre fils en fin d’adolescence sont vigoureux et travailleurs mais pas souvent, et pas futés pour un sous sauf le dernier, Ru, 16 ans, qui répare admirablement les moteurs.

Heureusement, car le vieux cotre Zimba, rapiécé de toutes parts, en a fréquemment besoin. Mais les frères préfèrent rogner sur la gazoline pour s’acheter du tabac – c’est rageant quand le moteur tombe en panne sèche à trois minutes d’un banc de thons particulièrement fourni dont la pêche aurait pu rapporter des milliers de francs. Ou bien oublient de prendre le bidon de réserve – qui oblige à rejeter à la mer toute une pêche inespérée loin de Tahiti, faute de moteur et faute de vent pour rentrer avant que les poissons soient pourris…

Tout est à l’avenant, et la blague qui revient régulièrement est celle du docteur, à qui Jonas a emprunté sur promesse – toujours renouvelée – de le rembourser, et qu’un événement de dernière minute empêche toujours de le faire. Même quand une véritable fortune de mer échoit au clan, sous la forme d’une épave remplie de matériaux ramenée par eux à bon port. Ils ne manquent pas de se faire rouler sur le prix, trop impatients de palper les billets pour les dépenser aussitôt, trop stupides (ils l’avouent – mais après) pour prévoir et compter. En deux mois de fiestas, ripailles et autres largesses sans compter, ils se retrouvent sur la paille, plus pauvres qu’avant puisque leur domaine ancestral – hypothéqué – doit être vendu aux enchères.

Les auteurs, par la voix du trop bon docteur, ne mâchent pas leurs mots sur ces cigales inconséquentes : « avec ta tribu vous battez tous les records de gaspillage, de je-m’en-foutisme et d’imprévoyance de toute l’île, toute ! Que diable faites-vous de tout l’argent que vous gagnez, ne serait-ce que de la pêche ? (…) Il disparaît dans la mangeaille et les bringues, les fameuses bringues de chez Tuttle ! » p.50.

tahiti danse

Tant de bêtise est cependant rachetée par les sentiments. La tête toujours ailleurs mais le cœur sur la main, les poches vides mais les muscles tout prêts (jusqu’à Riki, le petit-fils de 8 ans athlétique et à l’œil perçant pour découvrir les bancs de poissons), la famille reste soudée, prête à rire même dans le désespoir. Il suffit de musique, de danse et d’une dame-jeanne de vin.

Tous les Tahitiens ne sont pas aussi futiles et le roman a été écrit dans les années 1930. La vallée de Vaipopo, domaine des Tuttle, est devenue une Zone industrielle. L’éducation et la discipline du travail ont probablement amélioré les habitudes. Mais quand même, il semble en rester quelque-chose… que ce roman plein d’humour et d’humanité décrit avec bonheur.

Pour tous ceux qui veulent pénétrer un peu mieux le tempérament tahitien, avant d’y aller en touriste ou s’y installer un temps pour travailler, rien de tel qu’un détour par la fiction de deux romanciers américains du monde d’hier pour y voir clair !

Charles Nordhoff et James Norman Hall, Panne sèche (No More Gas), 1939, éditions Ura-Tahiti 2012, 287 pages, €22.00

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Dragon, tortues, margouillats et autres roris de Tahiti

Un glaucus atlanticus ou dragon bleu ou Limace bleue s’est fait piéger dans un hoa de l’atoll de Raroia. C’est exceptionnel. Précision : un hoa est un bras de mer allant de l’océan au lagon en passant entre les motu. Il joue un rôle majeur pour le renouvellement de l’eau du lagon dans les atolls sans passe. Le passage des eaux de l’océan peut être épisodique ou permanent. Le hoa ne permet pas le passage de bateaux comme les passes. Ces passages sont en général peu profonds.

Ce nudibranche ne vit pas sous l’eau mais flotte ! Il possède une petite réserve de gaz dans son estomac qui lui permet une parfaite flottaison sur les océans, c’est à l’envers qu’il flotte. Ce magnifique gastéropode est toxique pour ses prédateurs. Son camouflage est de couleur bleu et gris il se confond avec l’océan et floue ainsi oiseaux et poissons qui sont ses prédateurs. Il n’est pas bien grand, à peine 4 cm, possède de nombreux « doigts » qui composent les rangées de ses ceratias. Il se laisse porter par les courants, s’il rencontre un obstacle il se contorsionne pour se retourner et suivre une direction qu’il choisit. Il est friand de physalies. Ses découvreurs l’ont transporté côté océan afin qu’il poursuive son voyage.

Les deux tortues du jardin botanique sont arrivées à Papeari. Elles avaient été offertes à Charles Nordhoff en 1928 par le gouverneur de Pennsylvanie, Monsieur Pinchot. Elles font partie des plus grosses tortues vivantes. Elles pèsent aux alentours de 200kg, mesurent 1m50 et se déplacent à 3km/h. Elles possèdent un très bon odorat, sont herbivores, se nourrissent d’herbe, de feuillages  et de fruits. Elles sont à l’honneur sur un timbre qui vient d’être édité. Te ara tau est âgé de 180 ans et Te ara u’i, elle, a 150 printemps. Le timbre à 75F a été émis par l’OPT le 17 de ce mois d’octobre. Autre bonne nouvelle, le jardin botanique de Papeari devrait bientôt se doter d’un conservatoire du cocotier et d’un autre du tiare Tahiti.

Le margouillat de nos fare, il est représenté par les artistes, tatoueurs, peintres, sculpteurs, sur les tissus, paréos et tableaux, ce petit lézard. Gecko translucide au corps dodu, long d’une vingtaine de centimètres pour les plus grands est un animal nocturne qui vit dans nos foyers. Il se nourrit d’insectes, cafards, papillons nocturnes et de moustiques. Merci gecko ! Il joue le mort et au moment propice, d’un coup de langue avale sa proie. C’est un athlète, sprinteur sur les murs, plafonds. Il possède des pattes « velcro ». C’est l’as du camouflage, il s’héberge sur les cadres, derrière les meubles, visite la cuisine pour se régaler des bananes. Il pousse des petits cris audibles et marque ainsi son territoire, il lui arrive de perdre un bout de queue au cours d’une bagarre avec ses congénères.

En Polynésie, le poisson-globe ou poisson-lune plus connu sous le nom de « fugu » au Japon, appelé huehue (distendu, gonflé) est consommé dans l’archipel des Tuamotu. A consommer avec précaution ! Il faut savoir le préparer… Le tetraodon (tetra en grec quatre et odous, dents) appartient à la famille des Tetraodontitnae. La chair est non toxique mais les viscères (gonades, foie, intestins, peau) contiennent des niveaux de tétrodotoxine suffisamment élevés pour provoquer une mort rapide et violente. Il faut d’abord retirer la peau rugueuse qui servait autrefois à confectionner des semelles des chaussures des Paumotu car elle  résistait bien au récif tranchant ; les Paumotu les assemblaient avec du niau. Quand vous aurez attrapé ce poisson, enlever délicatement les organes empoisonnés, quand il ne reste que la tête et la chair, c’est prêt à consommer. Je vous souhaite bon appétit. Tama maitai !

L’Assemblée de Polynésie l’a décidé hier, la pêche aux rori c’est bien fini ! Adieu les holothuries, vive l’aquaculture ! Les représentants du peuple Mao’hi ont planché (ceux qui étaient présents) sur deux textes relatifs à l’exploitation de nos ressources marines. Une loi de pays qui vise à encourager –avec espèces trébuchantes- le développement de l’aquaculture, principalement celui du paraha peue, de la crevette et du bénitier. Et une délibération vise à protéger le rori surexploité ces dernières années en interdisant sa pêche et sa commercialisation. Le Japon et la Chine, ouste ! C’est le maire et son conseil municipal qui octroierons des autorisations de pêche aux rori si la population en fait une demande ! Et les exportateurs du rori, ben ils demanderont un agrément au Pays !

Ben voyons c’est simple tout cela ! Reportez-vous au JO de la Polynésie, c’est écrit noir sur blanc. Mais il faut d’abord envoyer des experts pour compter les holothuries. Les rori sont les femmes de ménage de nos lagons alors si elles sont expédiées dans les assiettes asiatiques : qui nettoiera les lagons ?

Hiata de Tahiti

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