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Hugo Pratt, Saint-Exupéry – Le dernier vol

Antoine est l’aîné des garçons d’une famille nombreuse élevée par la mère à Saint-Maurice-de-Rémens dans l’Ain. Son père est mort à 41 ans d’une hémorragie cérébrale quand Antoine a 4 ans. Son seul frère meurt lui aussi d’une péricardite quand Antoine a 17 ans. Voilà de quoi troubler une vie.

Poète, rêveur, indiscipliné et casse-cou, Antoine de Saint-Exupéry n’a jamais pu se faire aimer d’une vraie femme, sauf sa mère. Il ne se fiancera ou n’épousera que des envolées, Louise de Vilmorin, Consuelo – qui dilapidera en fanfreluches sa modeste fortune. Peut-être parce que l’homme ne touchait plus terre. Il a volé pour la première fois à 12 ans, sur un vieux coucou Berthaud Wroblewski de 1912, puis a fait son service militaire comme mécanicien d’avions à 21 ans. Le vol est devenu sa vie parce qu’ils permettait de ne plus toucher terre et de s’isoler des malappris comme des ennuis. Il obtient son brevet de pilote à Casablanca, où il découvre le désert. Cette étendue fait le pendant au ciel étoilé et ouvre au monde intérieur. Pique-la-lune – son surnom militaire, aime à planer.

L’Aéropostale lui offre à 26 ans le métier de ses rêves : pilote du courrier. A Dakar, au Maroc, en Amérique du sud, autant d’étapes de ses livres. L’Aventure des airs était la dernière colonie à conquérir pour donner ses ailes à la France.

Hugo Pratt met en image les derniers rêves de vol qu’il imagine au pilote lors de sa dernière mission au service des Alliés. C’est un résumé des traces qu’il a laissées, sœur, femmes, amis – et les liens que tisse le courrier entre les continents.

Son P 38 fut descendu le 31 juillet 1944 au-dessus de la Méditerranée par la chasse allemande. Pour de multiples raisons, Antoine de Saint-Exupéry n’aurait pas dû voler. L’épave de son avion a été découverte au large de Marseille en 2003 et, en 2008, le pilote de Messerschmitt Horst Rippert, frère du chanteur Ivan Rebroff (faux russe parce qu’il était politiquement incorrect d’avoir été incorporé dans l’armée allemande entre 1940 et 45), a déclaré avoir descendu un P 38 ce même jour près de Marseille. Hugo Pratt ne reprend pas ces informations, gardant le flou du mythe.

L’écrivain ne laisse pour fils qu’un Petit Prince et pour viatique des temps futurs que Citadelle, la somme qu’il préparait, restée inachevée. Une forteresse intérieure qui lui permettait de s’ouvrir à tous les autres – ceux qu’il avait choisis.

Hugo Pratt, Saint-Exupéry – Le dernier vol, Casterman 2010, 80 pages, €19.00

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Hugo Pratt, Fanfulla

Un beau cadeau de Noël pour les gamins qui aiment la bande dessinée ; pour les adultes aussi, qui ont aimé Hugo Pratt à la suite de François Mitterrand, fasciné par la franc-maçonnerie. Mort en 1995 à 68 ans, Pratt le franc-maçon est surtout le père de Corto Maltese, aventurier poète au cœur du XXe siècle. L’auteur est aussi complexe que ses personnages, irréductiblement mêlé. Issu de Juifs marranes de Tolède convertis au catholicisme, exilés du temps de la papauté en Avignon comme banquiers de l’Église côté maternel ; mélange de Byzantins, de Turcs, de Vénitiens souffleurs de verre et jacobites anglais partisans des Stuart qui ont fui en Méditerranée côté paternel. De quoi inspirer l’imagination sans jamais se laisser agripper par un quelconque nationalisme !

hugo pratt fanfulla

Fanfulla est moins connu que la Ballade de la mer salée – un chef d’œuvre paru fin 1973 dans France Soir – mais l’on y reconnait le graphisme nerveux de l’auteur, ces silhouettes et visages dessinés à grands traits noirs. Il donne de l’austérité à ses personnages de condottiere et d’aventuriers, une rugosité virile qui plaît.

Les petits Italiens des années 1967 et 68 ont pu lire les aventures de Fanfulla dans le Corriere dei Piccoli, le courrier des petits. Hugo Pratt faisait revivre le sac de Rome et la révolte républicaine de Florence par le mercenaire Fanfulla da Lodi. Nous sommes en 1529 et la trahison menace. Fanfulla n’est pas particulièrement républicain, allant où le vent et la fortune le poussent (en fait le vin et l’amour) – mais il ne supporte pas la traîtrise.

Peu importe le système politique, dit le message, ce qui importe est la vertu. L’homme véritable est guerrier, qu’il agisse dans l’intimité des femmes, sous la bure du moine ou dans la politique de la cité.

Un bel album, de format à l’italienne (lisible dans sa longueur et pas dans sa hauteur). Ses planches ont été colorisées pour lui donner plus de vie. Dans un monde adulte contemporain où la politique est réduite aux petites magouilles entre intérêts bien compris, Hugo Pratt souffle sa vigueur de plume et sa rigueur morale. Un beau cadeau de Noël !

Hugo Pratt (dessin) et Mino Milani (scénario), Fanfulla, 1968, éditions Rue de Sèvres, 2013, 119 pages, €19.00

La wikivie d’Hugo Pratt racontée aux fans

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