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Uxmal, le jeu de pelote maya

Un porche qui permet un encadrement esthétique pour les photos de genre permet d’accéder au jeu de pelote. Les deux plates-formes habituelles délimitent une aire de 34 m de long sur 10 m de large orientée nord-sud, où les joueurs se livraient à une lutte brutale à incidences cosmiques. Chaque plate-forme est ornée d’un serpent emplumé dont la tête se voit encore sur l’un des bords. Les anneaux servants de but sont à 6 m de hauteur. Le jeu appelé en nahuatl « tlachtli » se généralise dès le 6ème siècle dans la zone maya et sur la côte du golfe avant de se répandre dans le reste du Mexique jusque vers le 11ème siècle où il se raréfie nettement.

Il est bien connu par les textes recueillis par les Espagnols mais aussi par les restes architecturaux des sites, les sculptures, les maquettes et les figurines. Cortès a même expédié deux joueurs auprès de Charles Quint, que le graveur Weiditz a représenté en Espagne. Il semble que, sur un demi-millénaire, les fonctions du jeu et l’architecture du terrain se soient modifiées. On dénombre au moins 13 types de terrains différents. Les jeux servent au divertissement mais aussi à des rituels de cérémonie. Seuls les fils de nobles s’y affrontent, avec quelques spécialistes.

Deux équipes de 1 à 7 joueurs se partagent le terrain et se renvoient une balle de caoutchouc brut et pleine d’une quinzaine de centimètres de diamètre et pesant dans les trois kilos. La balle ne doit pas tomber au sol dans son camp et le décompte des points s’effectue comme au tennis en fonction des fautes.

Passer la balle dans l’anneau est une performance, sans doute rare, et permet de gagner d’un coup. Le poids de la balle (qui est pleine) fait qu’on ne peut la toucher de la main, du pied ni de la tête. Elle est maintenue en l’air et renvoyée par les hanches, les fesses, les épaules et les avant-bras. Aussi, des ceintures de cuir ou de tissu épais protègent les reins, d’autres protections renforcent la tête, les épaules et les mains d’après les sculptures. Sous ces protections, les joueurs sont nus à l’exception d’un pagne et de sandales. Le fort rebond de la balle et l’enjeu probable du résultat font que le jeu est très violent.

L’hypothèse classique du symbolisme solaire, due à l’orientation souvent nord-sud des terrains et à l’analogie entre le mouvement de la balle et le mouvement de l’astre, n’est plus retenue aujourd’hui par les spécialistes. Ils privilégient plutôt le symbolisme agraire lié aux rites de fertilité. En témoignent les figures de sacrifice par décapitation, les végétaux associés et les symboles lunaires. L’analogie caoutchouc-sève-sang-sperme fonctionnerait ainsi comme un rituel de régénération de la vie, les joueurs combattant juste au-dessus de l’inframonde. Le vaincu y est précipité selon certains rites.

Ce jeu de pelote est remis au goût du jour à notre époque, dans ce mouvement de retour à l’indianité qui est l’un des facteurs d’identité du Mexique. Pour ceux qui veulent l’imaginer dans la pratique, David Morrell, auteur américain de thriller et père du célèbre Rambo, décrit un tel jeu dans son roman d’action Usurpation d’identité (Livre de Poche 1993).

La maison des Tortues borde la maison du Gouverneur. Les tortues sculptées en ronde bosse étaient autrefois peintes en rouge ; elles sont le symbole du dieu de la Pluie, bien nécessaire à invoquer dans ce pays sans eau. Le palais du Gouverneur se dresse sur une esplanade de 181 m sur 153 m, à 12 m de hauteur par rapport au site. Il comprend 24 pièces qui servaient à l’administration de l’état. « Les maisons n’avaient jamais de portes mais des rideaux, jamais de fenêtres mais des trous », nous précise le guide. Le seigneur Tchac et d’autres dignitaires sont représentés. Cent trois masques de Tchac ondulent pour évoquer le soleil rayonnant. Devant le palais gît un autel en forme de croix où est sculpté un jaguar. Peut-être a-t-il servi de trône ?

La pyramide de la Vieille Femme est orientée nord-ouest/sud-est, comme le palais du Gouverneur. Alors que tout le reste du site est plutôt nord-sud. « Le 21 décembre et le 21 juin les rayons de soleil y pénètrent en diagonale », explique le guide. La véritable raison serait peut-être à chercher du côté de Vénus : la planète est apparue dans cet axe comme « étoile du matin » vers 750 de notre ère. La pyramide de la Vieille, du 7ème siècle, est l’un des plus anciens d’Uxmal. Un temple la couronne et un réservoir à ciel ouvert la longe.

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Palenque 2

Un petit sentier mène au temple XX d’où il est aisé de photographier le temple de la Croix, celui de la Croix Foliée et d’autres temples. A condition d’éviter les groupes d’Allemands en hordes compactes. Les autres touristes font tout aussi taches sur la photo, notamment les Américains en shorts et dont la graisse déborde du tee-shirt. Ils sont le plus souvent en couple ou à trois ou quatre, ce qui permet de viser et d’être patient. Pour les Allemands, il faut s’attendre à ce que la discipline les éloigne d’un coup, comme un banc de poissons, pour avoir le champ libre. Il n’est pas facile, le métier de photographe !

Tous ces temples sont des pyramides à degrés dont les marches sont étroites et hautes. Elles s’élèvent à une vingtaine de mètres du sol et permettent d’accéder à une sorte de sanctuaire représentant cet inframonde qui permet de communiquer avec les défunts. Le fils Pacal, qui devait bien aimer son père, les a fait bâtir pour cela.

Depuis les corniches du temple de la Croix qui domine le site, je peux prendre en photo les autres temples découverts, dont le temple du Soleil en face (rien à voir avec Tintin dont l’aventure se passait au Pérou).

Je prends aussi une mère et son bébé en poussette, une petite chose presque nue qu’elle veille jalousement. Puis un très jeune vendeur de ces colifichets pour touristes dont je ne peux jamais trouver usage. Pour montrer que je ne le dédaigne pas bien que sa marchandise ne me tente point, je lui dis simplement qu’il est beau et il en est heureux. Dans les pays latins, ce compliment est pris à sa juste valeur, ni comme flatterie, ni comme douteuse invite.

Le reste du site est dans la forêt, ce qui donne de l’ombre et de jolies vues. Ce qui sert aussi à réfléchir sur l’histoire et sur l’obstination de la nature à tout recycler dans le temps.

Ces pyramides, durant de longs siècles, avaient disparu du regard des hommes, recouvertes par la jungle. La nature, avec lenteur et patience, avait repris ses droits, ne laissant de traces de l’homme que cet ordre des pierres, enfoui. Je m’émerveille tout seul de cette lutte incessante et obstinée entre les constructions des hommes et l’envahissement végétal. Je pense à ce naturaliste qui déclare qu’il suffirait de « laisser faire », une fois coupée la source, pour que toute pollution se résorbe d’elle-même, tant la nature est luxuriante et essaie tant et plus.

Sur le long terme, c’est le plus patient et le plus têtu qui gagne, comme l’eau des philosophes chinois. Souple, éminemment adaptable, l’eau se coule dans tous les moules qu’on veut lui imposer. Mais elle pèse, elle s’infiltre, elle passe par toutes les failles. Elle ne peut que gagner. « Le Sage est comme de l’eau », serine la pensée chinoise. La grandeur de l’homme est justement de s’opposer un temps au courant, de bâtir un ordre éphémère au-dessus de la nature (mais pas « contre » elle, il en fait partie). Existence tragique puisque l’homme n’a que moins d’un siècle de temps à passer alors que la nature a des millénaires devant elle…

Il n’empêche que transformer le donné naturel pour l’adapter à l’homme, c’est cela même qui fait « la civilisation ». Et tous ceux qui ne veulent rien changer ou, pire, revenir à une neutralité de cueillette, ceux-là sont des « barbares » puisqu’ils veulent abandonner ce qui fait l’homme même pour le ramener à sa pure condition d’animal prédateur.

Paix des arbres, émotion des pierres appareillées – un rêve de gosse que ces soubassements en pleine forêt, à demi sortis de la jungle proliférante comme une vie aveugle. Je passe un moment seul vers les sites B et C, puis vers le temple de Los Murcielagos, avant de déboucher sur la sortie.

Elle sert d’entrée aux resquilleurs du pays, en général jeunes et frimeurs, venus ici non pour les ruines mais pour draguer le bien vivant, des Occidentales toutes fraîches. La saison n’est pas à la baignade car, bien que des panneaux d’interdiction occupent tous les arbres disponibles, une grande vasque du rio tente tous les promeneurs dans la touffeur d’été, si l’on en croit la rumeur. Là, nos dragueurs de minettes peuvent proposer leurs muscles brunis et leurs cheveux gominés aile de corbeaux aux touristes del Norte, ces blondeurs alanguies émoustillées par les senteurs de jungle.

Le musée est fermé pour cause de « manque de personnel ». Nous faisons un tour pour ces dames dans la boutique ouverte. Elle ne propose de sérieux que des monographies en espagnol, voire en anglais, sur les sites mayas, l’archéologie et la culture. Mais trop de livres envahissent. Il faut choisir sa période historique pour en faire collection. Nous revenons à l’hôtel dans la moiteur tropicale qui stagne sous les arbres, pour faire nos bagages. Nos cabanes sont dans une luxuriante forêt, attirante pour la clientèle américaine née en ville.

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