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Pique-nique dans le bois

Il a lieu aux deux-tiers du chemin sur une aire aménagée entourée d’un muret de pierres pour éviter que les animaux ne viennent fouir, alléchés par l’odeur des restes. Table, bancs, abri contre la pluie : c’est du tourisme, plus guère de la « nature ». Nous avons en entrée une nouvelle tartine à la crème de quelque chose surmontée d’une tomate confite à l’huile. Une autre salade à tout, à dominante de lentilles et d’artichaut aujourd’hui. Le fromage est de chèvre, acheté à la ferme, comme les saucissons, le piquant et le non piquant.

Sur quelques centaines de mètres, nous changeons de paysage en sortant de la forêt. Nous retrouvons le chêne vert et accueillons l’olivier sur un terrain plus sec et plus pierreux. Le sentier roule à nouveau sous les pas. Le guide en a plein le dos car il a un lumbago ; une fille en a plein le cul car elle est tombée sur le coccyx en dérapant sur les rolling stones qu’elle a méprisées sur le chemin. Elle n’a pas eu trop mal, elle peut s’asseoir. En revanche, un autre a une tendinite au genou, du fait peut-être de son ascension d’hier et de la chaleur qui l’a déshydraté. Une autre fille a elle aussi mal aux genoux, mais encore aux mollets, aux cuisses, au moral, et elle marche à quatre pattes avec ses deux bâtons…

La guerre fait rage entre les pro-bâtons et les anti-bâtons. Ceux qui sont pour disent que cela aide, comme tuteur et soulage les articulations, notamment dans les descentes, tout en participant aux montées. Je suis pour ma part un anti, considérant que l’équilibre du corps doit se préserver au maximum en avançant en âge, sans aide extérieure. En descente, il est aisé de se prendre les pieds dans les bâtons tandis qu’en montée ils encombrent et empêchent de respirer correctement. L’homme est un être à deux pattes et doit le rester. Mais je ne convaincrai personne tant la facilité est avidement désirée par l’humanité paresseuse.

Le sentier est aménagé et chapeauté par l’office du tourisme dans la réserve naturelle, mais nous ne rencontrons aucun pèlerin. Le chemin est souvent barré de clôture de bois et de barbelés à refermer après passage. Bien que le sentier soit public, les enclos sont privatisés pour garder les troupeaux. Le chemin sert surtout aux courses d’endurance à la fête de Saint Michel, le 29 septembre, quand la chaleur est moins forte. Dans notre société désorientée, chacun cherche désormais ses limites, les mâles surtout, confrontés au féminisme et à la vigilance anti-viol (même un regard peut être un viol si l’on en croit certaines égéries). L’identité sociale étant en déshérence, l’individualisme cherche son identité dans ses propres frontières : physiques, affectives et mentales.

Le gîte de la masseria Sgarrazza est plus rustique qu’hier, plus agréable aussi, dans un paysage sauvage avec vue sur la mer. Masseria veut dire ferme, elle est surmontée de deux cheminées anti-vent et prolongée d’une vaste terrasse semi-couverte ; Sgarrazza est le nom du propriétaire. Trois téléphones mobiles sont mis en pot comme des fleurs ou des crayons sur une table à l’extérieur. Ce n’est pas pour leur faire prendre le soleil, peut-être est-ce l’endroit où ils captent le mieux ? Vieste est à trois heures de marche.

Nous sommes accueillis par de grosses vaches à robe gris beige de la race d’ici. Un cheval bai en liberté hennit avant de partir devant nous, tandis que deux gros chiens de berger exubérants, à longs poils, nous entourent. Le plus jeune nous fait la fête, il veut jouer. Une chatte siamoise à grosse queue fourrée et une chatte noire à la tache blanche sur la gorge (le doigt de l’ange) forment le reste de la ménagerie. Je bois tout un vase d’eau frizzante tandis que les autres s’enfilent à longs traits de la bière Tuborg brassée en Italie sur recette danoise. Et une « photo de groupe » de plus après celle du bar au Monte Sant’Angelo !

Le gîte ne comprend aucune chambre, seulement des studios familiaux avec une salle cuisine garnie d’une table et d’une cheminée où faire un feu de bois à la fraîche. Ma chambre a un lit double et un lit individuel plus une mezzanine avec deux autres lits possibles. Aucune ouverture sur le côté du vent, les portes-fenêtres ouvrent côté sud. Une icône de la Vierge au Bambin est affichée au mur dans chaque appartement. La mienne est belle, très brillante.

Au-dehors, c’est la pleine lune. Au loin, par-delà le terrain sans arbre qui s’étend devant la ferme, la mer scintille.

Notre dîner de gala a lieu dans la pièce principale de l’habitation, une ancienne ferme sous voûte de pierre, agrandie dans les années 1920. Piero, le propriétaire de 47 ans, est la sixième génération au moins à y habiter, le noyau initial ayant été bâti en 1819. La ferme produit du fromage, de l’huile d’olive, de la charcuterie, des pâtes et des liqueurs. Inscrit à l’Agroturismo, Piero a obtenu des subventions européennes, ce pourquoi son pick-up Toyota est aussi rutilant que puissant. Des instruments agricoles du quotidien d’hier sont suspendus au-dessus de la porte, panier d’osier, collier à loup, étrier, ciseaux à châtrer, arrosoir, grappin, clarine…

En entrée, des pâtes avec des petits dés de pommes de terre et des tomates, une tranche de cochon de la ferme très tendre accompagnée de pommes de terre grillée au romarin, un assortiment de fromage de chèvre et de cacciocavalli, ce fromage à cheval qui a la forme d’une gourde. En dessert, un assortiment tout fait de gâteau aux amandes, puis les alcools : la grappa, le limoncello, l’amarena, le muscat – toutes productions maison.

Le limoncello est fabriqué avec des écorces de citron macérées un mois dans l’alcool le plus fort possible (90°) avant d’être dilué au sirop (sucre et eau), il doit se boire frappé ; ici, il sort du congélateur. L’amarena est faite avec des cerises griottes, le muscat et la grappa avec du raisin.

La chatte siamoise est venue miauler pour réclamer à manger sous la table hier soir. Les filles, que je croyais plus tendres, ne lui ont rien donné par principe. Elles font du social, mais du haut de leur savoir sur les pauvres, ce qui les valorise et leur donne bonne conscience – en revanche, la générosité envers les êtres vivants n’est pas leur fort. Je caresse la petite chatte et lui donne quelques morceaux. Pas grand-chose, ma tranche de cochon n’étant pas énorme, mais suffisamment pour la contenter. Elle vient se frotter la tête contre ma main.

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Sanctuaire Sant’Angelo

Dans ce sanctuaire est apparu Saint-Michel lors d’une épidémie de peste. Le campanile de 1273 signale puissamment sa présence aux pèlerins pour cette étape obligatoire vers la Terre sainte. Nous croisons d’autres pèlerins polonais.

Dans la grotte du culte, après 84 marches vers les sous-sols du sanctuaire, une cathèdre en pierre date du XIIe siècle. Une porte de bronze ramenée de Constantinople date de 1076. L’aménagement d’autel est du règne de Charles 1er d’Anjou.

Des statues de Saint-Michel terrassant son dragon sont disposées çà et là, dont une du XVIe. A gauche de l’autel, le puits qui recueille l’eau « miraculeuse ».

Pour cinq euros, nous accédons à la crypte où sont rassemblés des fragments de sculptures des édifices religieux de la ville. Il y a de belles choses dont un saint Sébastien tout troué, plusieurs saint Michel terrassant le dragon, un Christ au visage ovale et à barbiche très prenant.

Tout au fond serait apparu l’archange. Un son et lumière en plusieurs langues y fait référence.

Dans le musée de la dévotion, des ex-voto de membres en fer-blanc mais aussi des dessins et peintures en reconnaissance d’avoir été sauvé : de la noyade, d’être renversé par une charrette, d’être tombé dans un trou, d’une opération chirurgicale…

Nous trouvons depuis la crypte un ascenseur direct pour notre hôtel qui jouxte le bâtiment.

Nous dînons comme hier à 20 heures à l’hôtel, les tables voisines accueillent un autre groupe de Polonais à la conversation animée, alcool aidant. J’ai les jambes raides, je ne suis pas le seul.

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Monte Sant’Angelo

La route en lacets qui mène au Monte Sant’Angelo exige des pneus à clous l’hiver, comme indiqué par un panneau. Il y a au moins du verglas, parfois de la neige en altitude. Des grottes sont creusées dans la craie le long de la route, abris probables des bergers. Les abords de la ville sont très construits et les blocs d’appartements neufs se succèdent, formant comme les tours d’une forteresse en hauteur, dominant de loin la mer. Certains ont une vue époustouflante sur toute la baie jusqu’à Bari.

Ma chambre se trouve au quatrième niveau (mais au moins deux par rapport à l’accueil) dans la Casa del Pellegrino à Monte Sant’Angelo. L’hôtel jouxte le sanctuaire où l’archange Michel est apparu pour la première fois sur la terre à 854 m d’altitude, la première fois en 490 à un évêque de Siponte (faut-il croire cet idéologue intéressé ?), les seconde et troisième fois en 492 et 493 de notre ère.

La Casa del Pellegrino est construite sur la pente avec six niveaux, l’accueil à proximité du sanctuaire est le plus élevé au niveau six. Ma chambre se situe au niveau quatre le restaurant au niveau trois mais dans une autre aile où l’ascenseur le situe au niveau quatre. De quoi se perdre. Elle sert aux pèlerins, très nombreux, qui viennent jour après jour visiter ce très célèbre Mont Saint-Michel italien. Cinquante chambres permettent de loger 115 personnes, un restaurant, une grande terrasse, un auditorium et une chapelle permettent tout le confort moderne à la religion.

Nous dînons au restaurant de l’hôtel, grand comme un réfectoire de couvent avec des rideaux drapés pour former les deux ailes de l’archange. Un pichet de vin rouge et deux carafes d’eau (plate et pétillante) sont donnés pour quatre.

Trois plats nous sont servis, une entrée de charcuterie, une assiette avec deux pâtes, l’une à la tomate et l’autre à l’ail et aux pommes de terre, du veau rôti sauce roux au romarin. Pour finir, une assiette de morceaux de pastèque et de raisins pour la table servent à rafraîchir le gosier. Nous dînons à 20 heures et, à 21 heures, tout est fini. Le service est réglé comme chez les moines. Nous avons mangé plein de pâtes après en avoir eu plein les pattes.

Beaucoup de gens qui travaillent dans la région habitent le Monte parce qu’il y fait plus frais en été et que les canicules se multiplient « à cause du climat ». La ville compterait plus de 13 000 habitants.

Le pain de la région est réputé. Le midi, nous avons mangé un pain à la mie jaune, consistante et goûteuse, « le meilleur pain d’Italie ». Il paraît, selon celles qui sont allées boire une bière, que les boulangères de Sant Angelo ont de belles miches. Nous verrons.

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