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Photos à Bari

Je passe par le château où je fais une pause à l’ombre dans un parc, puis je reviens en circulant dans les petites rues ombreuses à la recherche d’une lumière, d’une originalité ou tout simplement de la vie. Les balcons emplis de linge à sécher sont parfois artistiquement disposés.

Une petite fille de 7 ans lève sa robe sans culotte devant deux garçons de 8 ou 9 ans devant elle, qui jouent sans l’inviter. Pour s’éventer, un défi vu à la télé ou une perversité précoce ? Les prépubères n’en sont pas excités.

Sur un mur, un ange nu aux ailes à demi déployées est tout ébouriffé de piquants anti-pigeons comme un vrai hérisson. Une bande des quatre, gavroches du quartier, se défie en vélo.

Sur la piazza Giuseppe Massari, un kid songeur en vélo attend les bras croisés sa sœur, perché sur un vélo bleu ciel. Devant une église, un tatoué teint en blond est assis ; il s’est fait raser le crâne en damier.

Une fille, peut-être une touriste, porte son short moulé tellement au ras de sa moule que c’en est incongru.

Je retourne à l’hôtel par la via Cavour, le plan de Bari étant relativement simple à mémoriser. Il commence à faire chaud et la sieste vide les rues. J’ai deux heures à attendre avant de rejoindre la gare pour l’aéroport où je serai environ 20 minutes plus tard.

FIN du voyage dans les Pouilles

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Retour à Bari

Le minibus taxi nous attend à la station Esso au début de la plage. Nous avons 3h30 de route dans un bus Ford pour 16 dont la climatisation ne fonctionne pas et dont le moteur est poussif. L’engin ne dépasse pas le 40 km à l’heure dans les virages au-dessus des falaises de la côte, et le 90 sur l’autoroute.

Nous repassons par l’entrée du sentier du premier jour, mais rejoignons Bari en taxi et non plus en train. C’est moins confortable, notamment pour les jambes. Nous avons marché 15 km aujourd’hui, plus que les « trois heures » indiquées sur le programme.

Arrivée à l’hôtel Adria à Bari, nous avons une heure pour nous installer et nous doucher avant de partir dîner dans la vieille ville, près « des fouilles », piazza del Ferrarese, ces pavements réguliers du XVIIe et ceux plus anciens sans dimension ni ordre, dégagés lors des travaux d’aménagement du port. Un restaurant de poulpe grillé a été réservé, la spécialité de la ville. C’est le Paglionico tout près de la place, dans une ruelle qui part vers le château. Nous pouvons voir au matin les pêcheurs frapper les poulpes sur les pierres du quai pour attendrir leur chair en brisant les fibres (on peut aussi les congeler 24 h). Nous commençons par un plat de jambon et de fromage avec des tomates confites et des courgettes macérées au vinaigre à l’huile d’olive. Nous poursuivons par des pâtes à la tomate ou aux fruits de mer avant le poulpe, pour finir avec une tranche de pastèque. Prosecco, vin blanc et vin rouge, rhum arrangé au final parmi le brouhaha des pipelettes et les séances photos « souvenirs » aux téléphones portables de presque toutes – nous ne ressortons qu’à 23h30. Tous les clients sont partis saufs nous car, si les Italiens dînent tard, ils dînent vite.

Le lendemain, en attendant le train pour l’aéroport, je marche environ trois heures dans la vieille ville de Bari, faisant le tour des remparts et prenant des photos. Je photographie les pêcheurs frappant le poulpe, un gros qui ravaude ses filets de fils bruns, trois prime-adolescents aux cannes à pêche, les ragazzi jouant au tennis le corps cuivré et parfois bien bâti, les filles dans les ruelles, une petite blonde debout sur la selle du vélo de son père sur le Lungomare Imperatore Augusto, un mariage à sainte Scholastique, à l’extrémité du promontoire.

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Vieste

Nous reprenons nos sacs et renfilons nos vêtements pour aller déambuler dans Vieste, 14 000 habitants avec les abords. Au bas de la falaise, le Pizzomunno est un monolithe de calcaire blanc haut de 25 m qui donne son cachet au paysage.

La vieille ville est tout en ruelles étroites contre le soleil et les pirates, dont le fameux Dragut, amiral ottoman issu de Grecs qui a commencé sa carrière à 12 ans, a massacré une partie de la population et réduit à l’esclavage l’autre partie, femmes et enfants compris. C’était le 15 juillet 1554 sur le rocher appelé Chianca amara. Rien de pire que les renégats à leur race.

Le château Svevo a été élevé en 1242 par Frédéric II avant d’être endommagé par les Sarrasins puis par un tremblement de terre. Sa forme actuelle date de l’intervention espagnole au XVIe siècle.

Des constructions en poutres de pin d’Alep dites trabucchi servent encore à pêcher le poisson depuis la côte, l’antenne permettant de descendre et de relever un filet. Ils sont désormais monuments historiques propres aux Abruzze et au Gargano.

Aujourd’hui, les ados ne travaillent pas mais s’amusent. Ils ne pêchent plus mais sautent d’un rocher dans l’eau, se défiant à grands cris, tout muscles dehors. Aucune fille à l’horizon pour les admirer ; ils restent entre eux mais ne s’entre-admirent pas moins.

La basilique Sante Maria Assunta est du XIe, de style roman des Pouilles, maintes fois saccagée par les invasions sarrasines, d’où le campanile plutôt baroque. Elle est dédiée à la « supposée » (assunta) Vierge, à saint Georges, patron de la cité et à saint Michel, patron de l’archidiocèse. Trois placettes belvédères au-dessus de la mer ouvrent au paysage et aux trabucchi comme au Pizzomunno vu de haut comme un chicot devant la plage.

Nous sommes à l’heure de la sieste et tout est fermé, y compris les bars. Malgré notre soif, nous devons attendre. Ce n’est qu’aux abords de la ville neuve que des glaciers-bars sont ouverts, nous permettant des rafraîchissements. Je bois un demi-litre d’eau frizzante plus un verre avec une rondelle de citron. Les filles engloutissent des glaces ou divers parfums, les autres garçons sont à la bière. Mais celle-ci donne soif et j’en ai moins envie qu’auparavant. Les goûts changent avec l’âge ; c’est la même chose pour la viande rouge ou la choucroute.

Sur la porte d’une maison, un chouchou rose est accroché : ici une petite fille est née. Ce serait bleu pour un garçon, selon les traditions toujours vives dans cet extrême-sud européen.

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Vers Vieste

Nous quittons notre gîte ensoleillé avec son chien joyeux qui veut jouer au ballon et sa chatte siamoise qui joue à la souris avec mes lacets. Elle m’aime bien depuis que je lui ai donné à manger. La chatte noire est plus sauvage. Nous laissons Piero, célibataire endurci, entre ces vieux parents. Il ne doit pas rigoler tous les jours.

Nous longeons le parc à cochons dont nous avons dégusté une échine hier. Le mâle présente une énorme paire de couilles que des assistantes sociales s’empressent de photographier ; elles n’ont pas dû en voir de longtemps. Je ne sais pas si l’on dit animelles pour les couilles de porc comme on le dit de l’agneau en cuisine ; on dit peut-être rognons blancs ou tout simplement testicules de cochon.

Puis c’est la succession des collines, montées et descentes en chemin pierreux, jusqu’à la mer. La fille d’hier retombe, elle glisse sur les pierres roulantes comme auparavant, mais cette fois son sac amortit. Elle n’a que des coups, pas de fêlure, elle peut s’asseoir à peu près. Les autres filles lui donnent de l’arnica « en homéopathie ».

Dans le paysage pousse le ciste de Montpellier, le lentisque, la sauge, le romarin. Le geai crie dans le ciel mais pas le guêpier comme hier. Il fait toujours beau temps, avec une petite brise qui arrache les chapeaux dans ses à-coups.

Vieste étend ses bâtiments sur sa pointe blanche, de plus en plus proche à mesure des tournants. La piste tombe en lacets jusqu’à la route côtière qui rejoint la plage. Celle-ci est longue de plus de 3 km, privatisée par les bars et les loueurs de transats. Nous trouvons quand même une trouée d’accès avec quelques arbres pour notre pique-nique. Le guide prépare tout pendant qu’il nous envoie nous baigner pour avoir la paix ; il déteste que les gens tournent autour de lui au prétexte de « l’aider ».

Un fort courant éloigne le nageur le long de la côte et un ruban de bouées à dix mètres au large est installé par sécurité. Le drapeau rouge est affiché pour la baignade. Il y a de petits rouleaux mais l’eau est agréable. Beaucoup de gens d’âge mûr se baignent mais aucun adolescent et presque aucun enfant. Nous ne faisons que nous tremper, pas vraiment nager.

Puis nous revenons en maillot de bain déguster la salade de farfalle accompagné du cacciocavalli et du saucisson de Piero. La salade est arrosée de son huile d’olive, que certaines ont achetée par bidons métalliques d’un litre. Un gars offre une bière Peroni de 33 cl à chacun. Le soir, une fille offrira deux bouteilles de prosecco pour fêter son divorce, un jugement en première instance en sa faveur après cinq ans dont son avocat vient de l’aviser par texto. Une dispute de sous, après la vente du fonds de commerce.

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Pique-nique dans le bois

Il a lieu aux deux-tiers du chemin sur une aire aménagée entourée d’un muret de pierres pour éviter que les animaux ne viennent fouir, alléchés par l’odeur des restes. Table, bancs, abri contre la pluie : c’est du tourisme, plus guère de la « nature ». Nous avons en entrée une nouvelle tartine à la crème de quelque chose surmontée d’une tomate confite à l’huile. Une autre salade à tout, à dominante de lentilles et d’artichaut aujourd’hui. Le fromage est de chèvre, acheté à la ferme, comme les saucissons, le piquant et le non piquant.

Sur quelques centaines de mètres, nous changeons de paysage en sortant de la forêt. Nous retrouvons le chêne vert et accueillons l’olivier sur un terrain plus sec et plus pierreux. Le sentier roule à nouveau sous les pas. Le guide en a plein le dos car il a un lumbago ; une fille en a plein le cul car elle est tombée sur le coccyx en dérapant sur les rolling stones qu’elle a méprisées sur le chemin. Elle n’a pas eu trop mal, elle peut s’asseoir. En revanche, un autre a une tendinite au genou, du fait peut-être de son ascension d’hier et de la chaleur qui l’a déshydraté. Une autre fille a elle aussi mal aux genoux, mais encore aux mollets, aux cuisses, au moral, et elle marche à quatre pattes avec ses deux bâtons…

La guerre fait rage entre les pro-bâtons et les anti-bâtons. Ceux qui sont pour disent que cela aide, comme tuteur et soulage les articulations, notamment dans les descentes, tout en participant aux montées. Je suis pour ma part un anti, considérant que l’équilibre du corps doit se préserver au maximum en avançant en âge, sans aide extérieure. En descente, il est aisé de se prendre les pieds dans les bâtons tandis qu’en montée ils encombrent et empêchent de respirer correctement. L’homme est un être à deux pattes et doit le rester. Mais je ne convaincrai personne tant la facilité est avidement désirée par l’humanité paresseuse.

Le sentier est aménagé et chapeauté par l’office du tourisme dans la réserve naturelle, mais nous ne rencontrons aucun pèlerin. Le chemin est souvent barré de clôture de bois et de barbelés à refermer après passage. Bien que le sentier soit public, les enclos sont privatisés pour garder les troupeaux. Le chemin sert surtout aux courses d’endurance à la fête de Saint Michel, le 29 septembre, quand la chaleur est moins forte. Dans notre société désorientée, chacun cherche désormais ses limites, les mâles surtout, confrontés au féminisme et à la vigilance anti-viol (même un regard peut être un viol si l’on en croit certaines égéries). L’identité sociale étant en déshérence, l’individualisme cherche son identité dans ses propres frontières : physiques, affectives et mentales.

Le gîte de la masseria Sgarrazza est plus rustique qu’hier, plus agréable aussi, dans un paysage sauvage avec vue sur la mer. Masseria veut dire ferme, elle est surmontée de deux cheminées anti-vent et prolongée d’une vaste terrasse semi-couverte ; Sgarrazza est le nom du propriétaire. Trois téléphones mobiles sont mis en pot comme des fleurs ou des crayons sur une table à l’extérieur. Ce n’est pas pour leur faire prendre le soleil, peut-être est-ce l’endroit où ils captent le mieux ? Vieste est à trois heures de marche.

Nous sommes accueillis par de grosses vaches à robe gris beige de la race d’ici. Un cheval bai en liberté hennit avant de partir devant nous, tandis que deux gros chiens de berger exubérants, à longs poils, nous entourent. Le plus jeune nous fait la fête, il veut jouer. Une chatte siamoise à grosse queue fourrée et une chatte noire à la tache blanche sur la gorge (le doigt de l’ange) forment le reste de la ménagerie. Je bois tout un vase d’eau frizzante tandis que les autres s’enfilent à longs traits de la bière Tuborg brassée en Italie sur recette danoise. Et une « photo de groupe » de plus après celle du bar au Monte Sant’Angelo !

Le gîte ne comprend aucune chambre, seulement des studios familiaux avec une salle cuisine garnie d’une table et d’une cheminée où faire un feu de bois à la fraîche. Ma chambre a un lit double et un lit individuel plus une mezzanine avec deux autres lits possibles. Aucune ouverture sur le côté du vent, les portes-fenêtres ouvrent côté sud. Une icône de la Vierge au Bambin est affichée au mur dans chaque appartement. La mienne est belle, très brillante.

Au-dehors, c’est la pleine lune. Au loin, par-delà le terrain sans arbre qui s’étend devant la ferme, la mer scintille.

Notre dîner de gala a lieu dans la pièce principale de l’habitation, une ancienne ferme sous voûte de pierre, agrandie dans les années 1920. Piero, le propriétaire de 47 ans, est la sixième génération au moins à y habiter, le noyau initial ayant été bâti en 1819. La ferme produit du fromage, de l’huile d’olive, de la charcuterie, des pâtes et des liqueurs. Inscrit à l’Agroturismo, Piero a obtenu des subventions européennes, ce pourquoi son pick-up Toyota est aussi rutilant que puissant. Des instruments agricoles du quotidien d’hier sont suspendus au-dessus de la porte, panier d’osier, collier à loup, étrier, ciseaux à châtrer, arrosoir, grappin, clarine…

En entrée, des pâtes avec des petits dés de pommes de terre et des tomates, une tranche de cochon de la ferme très tendre accompagnée de pommes de terre grillée au romarin, un assortiment de fromage de chèvre et de cacciocavalli, ce fromage à cheval qui a la forme d’une gourde. En dessert, un assortiment tout fait de gâteau aux amandes, puis les alcools : la grappa, le limoncello, l’amarena, le muscat – toutes productions maison.

Le limoncello est fabriqué avec des écorces de citron macérées un mois dans l’alcool le plus fort possible (90°) avant d’être dilué au sirop (sucre et eau), il doit se boire frappé ; ici, il sort du congélateur. L’amarena est faite avec des cerises griottes, le muscat et la grappa avec du raisin.

La chatte siamoise est venue miauler pour réclamer à manger sous la table hier soir. Les filles, que je croyais plus tendres, ne lui ont rien donné par principe. Elles font du social, mais du haut de leur savoir sur les pauvres, ce qui les valorise et leur donne bonne conscience – en revanche, la générosité envers les êtres vivants n’est pas leur fort. Je caresse la petite chatte et lui donne quelques morceaux. Pas grand-chose, ma tranche de cochon n’étant pas énorme, mais suffisamment pour la contenter. Elle vient se frotter la tête contre ma main.

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Autre chemin, autre gîte

Nous prenons à huit heures un petit-déjeuner continental pour partir à neuf heures. Pain, beurre, croissant sucré, confiture, yaourt : ni fromage ni charcuterie sauf quelques tranches de saucisson in extremis. Des pêches-abricot sont mûres et fermes, c’est encore le meilleur. A propos de galbe, la fille immaculée mais bien roulée nous prend en photo pour montrer qu’elle reçoit aussi des groupes dans son gîte isolé.

Le sentier est aujourd’hui aisé, celui « secret » des pèlerins souvent à l’ombre. Nous marchons 18 km comme hier mais ils sont moins fatiguant car avec moins de relief et une tendance à descendre. Érables, genévriers, chênes verts, charmes, hêtres, laissent peu à peu la place à la forêt de chênes pubescents (à poil). Quelques spécimens sont majestueux, le tronc large, la frondaison haute. Le chêne pubescent se reconnaît à son gland dressé sur pédoncule court et par les poils serrés sur le dessous des feuilles – ce qui justifie son nom un brin sexuel…

En poursuivant la métaphore érotique, « le charme d’Adam est d’être à poil » : tel est le moyen mnémotechnique pour reconnaître le charme aux feuilles dentelées du hêtre aux feuilles poilues. Le guide nous montre aussi la cardère, un chardon servant à carder la laine, de la famille de l’artichaut. La plante est aussi appelée « bar à chardonneret » car ses feuilles recourbées retiennent l’eau de la rosée. Je reconnais le fragon, ce faux houx aux baies rouges si jolies à Noël, j’apprends qu’on l’appelle aussi « asperge des Romains » car les pousses se mangent, confites au sel ou au vinaigre. Des cyclamens fleurissent, qu’une fille appelle improprement crocus.

Nous « écharpons » (comme dit le guide) la forêt ombreuse composée de hêtres et de chênes dans le Bosco Vergone del Lupo. De grands chênes centenaires à embrasser à plein bras s’élèvent ici ou là, souvent à la croisée des chemins forestiers. Le groupe s’empresse d’aller faire câlin, enserrer le tronc mâle craquelé comme la patte d’un éléphant pour « capter l’énergie ». Le lierre pousse avidement, les feuilles jeunes vigoureusement dentelées à cinq pointes. Une fois adultes, plus haut sur la liane, elles prennent une forme de triangle : elles n’ont plus à être mignonnes pour séduire.

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Étape en forêt sur le chemin de saint Michel

Nous commençons notre randonnée du jour par les escaliers en marbre de la Casa del Pellegrino. Nous descendons en effet les six niveaux jusqu’au parking. En face, de l’autre côté de la route qui quitte la ville, s’ouvre le sentier des pèlerins SM (saint Michel et sado-maso) que nous emprunterons à la suite de milliers d’autres. C’est la voie sacrée des Lombards qui va d’Espagne à Jérusalem en passant par le Monte Sacro et son abbaye bénédictine dédiée à la Sainte Trinité.

Des vaches ont déposé des bouses en plein milieu du sentier. Nous dévalons 500 m de dénivelée sur les blocs d’immeuble laids et serrés du Monte aux pentes pelées avant une marche dans le vallon, le plus souvent à l’ombre. Le chemin pierreux est, comme hier, vite ennuyeux. Nous avons trois heures de marche jusqu’au pique-nique, à l’orée d’une forêt de chênes verts.

Le guide sort sa gamelle et des sacs. Il prépare une salade à tout, comme il en a le secret. Il mélange aujourd’hui roquette, lentilles, fromage, menthe séchée, carottes râpées, fenouil émincé, haricots rouges – du frais et du bocal. En antipasti, une tartine de bon pain agrémentée d’une préparation à la truffe appelée crema di tartuffo. Du vin rouge Nero di Troia de Puglia 2017, du fromage de brebis, deux prunes. Tel est le déjeuner, copieux.

Après la sieste, une longue côte qui monte sur la route et sous le soleil, et nous arrivons au bout des gourdes comme au bout du chemin. Le gîte rural de l’Agroturismo nous attend, ses bungalows, sa piscine (fermée la semaine dernière) et son restaurant sous pergola avec la cuisine de la nonna. Il est 17 heures. Le guide veut encore nous faire grimper, selon le programme, le Monte sacro en face, 1h30 aller-retour et 300 m de dénivelée supplémentaire. Cela finira d’achever les puristes du pédestre sous le prétexte aller voir des ruines d’une abbaye bénédictine à la Sainte Trinité, détruite au XIIe siècle, établie sur un ancien temple à Jupiter.

Quatre sur quatorze du groupe montent la dernière étape. C’était intéressant, sans plus ; cela valait-il le détour ? Ceux qui ont fait effort disent évidemment que oui, mais dans leur for intérieur ils sont plus mitigés, ils l’avouent en aparté. Les filles se murgent aux limoncello maison, je les entends rire de ma fenêtre. Je suis dans un studio avec lit matrimonial, lits superposés pour les enfants, une salle de bain et la cuisine aménagée séparée.

Le dîner est à 19h45. C’est le nonno qui est le chef. La nonna (qui se prénomme Libera) et leur fille (Immacolata) font le service. Antipasti de bruschetta, fromage, aubergines et poivrons grillés de leur production, orecchiette sauce poivron, câpres, fromage râpé de chèvre et basilic ciselé, ragoût de bœuf-carottes accompagné de vert de bettes, tarte à la ricotta mi-vache mi-chèvre. Nous terminons par le limoncello de la nonna. Je l’ai à peine goûté, il contient trop d’alcool et de sucre pour mon goût. Après mes trois verres d’eau à l’arrivée, je bois encore plusieurs verres d’eau frizzante le soir.

Histoire à table : un météo en Terre-Adélie est parti pour une mission de six mois. Il raconte que le cuisinier de la base s’isole tous les soirs avec un livre. Il ne participe pas aux réjouissances de ses camarades. C’est en fait un catalogue des poils pubiens de toutes les femmes qu’il a baisées depuis sa plus tendre puberté. Cette histoire macho a l’heur de faire rire même les filles.

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Sanctuaire Sant’Angelo

Dans ce sanctuaire est apparu Saint-Michel lors d’une épidémie de peste. Le campanile de 1273 signale puissamment sa présence aux pèlerins pour cette étape obligatoire vers la Terre sainte. Nous croisons d’autres pèlerins polonais.

Dans la grotte du culte, après 84 marches vers les sous-sols du sanctuaire, une cathèdre en pierre date du XIIe siècle. Une porte de bronze ramenée de Constantinople date de 1076. L’aménagement d’autel est du règne de Charles 1er d’Anjou.

Des statues de Saint-Michel terrassant son dragon sont disposées çà et là, dont une du XVIe. A gauche de l’autel, le puits qui recueille l’eau « miraculeuse ».

Pour cinq euros, nous accédons à la crypte où sont rassemblés des fragments de sculptures des édifices religieux de la ville. Il y a de belles choses dont un saint Sébastien tout troué, plusieurs saint Michel terrassant le dragon, un Christ au visage ovale et à barbiche très prenant.

Tout au fond serait apparu l’archange. Un son et lumière en plusieurs langues y fait référence.

Dans le musée de la dévotion, des ex-voto de membres en fer-blanc mais aussi des dessins et peintures en reconnaissance d’avoir été sauvé : de la noyade, d’être renversé par une charrette, d’être tombé dans un trou, d’une opération chirurgicale…

Nous trouvons depuis la crypte un ascenseur direct pour notre hôtel qui jouxte le bâtiment.

Nous dînons comme hier à 20 heures à l’hôtel, les tables voisines accueillent un autre groupe de Polonais à la conversation animée, alcool aidant. J’ai les jambes raides, je ne suis pas le seul.

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Abbaye Sainte-Marie de Pulsano

Nous sortons de la ville à pied par le chemin fermier. Juste à l’écart des dernières maisons, les bâtiments de la ferme sont rustiques et rouillés mais les étables ont l’air conditionné. Nous croisons des vaches à clarines qu’une moto fait fuir en venant vrombir en sens inverse. Nous voyons aussi quelques chèvres et cela sent fort.

Le soleil est présent mais parfois voilé et une petite brise agréable pour marcher tempère l’atmosphère. Le chemin pierreux endolorit la plante des pieds. Le guide marche vite, même s’il considère que c’est lent pour lui. Le groupe souvent s’étire, surtout l’après-midi.

Nous prenons un pique-nique somptueux dans le dernier bois de pin avant les lapiaz. Le guide effectue une longue préparation tirée d’ingrédients divers de son sac qui fait monter le désir. Cette préparation sert aussi à faire passer le temps et à présenter une belle nappe. Les antipasti sont du speck sur gressins. Ils sont suivis d’une salade composée à dominante roquette, forte en goût ici. Le vin rouge est plus fruité et gouleyant que celui d’hier, bien que de cépage très noir.

Un chien blanc anti loup arrive sans bruit, puis trois dont un aboyeur, puis quatre autres plus rachos et bâtards. Ils attirent le berger qui vient les récupérer. Passent les chèvres qui tintinnabulent du cou. De loin, cela faisait penser à la sonnerie d’un téléphone portable – c’est dire si nous devenons conditionnés… Les loups existent en effet dans cette partie de l’Italie. On ne les voit ni les entend, mais le nombre de chiens Patou montre que la menace est bien réelle pour les troupeaux.

Nous repartons dans la pierraille sous le cagnard, alourdis de salade et de fromage en plus d’un demi verre de vin (chacun). Nous portons chapeau couvrant et lunettes de soleil, crème solaire pour les moins vêtus. Parfois, des dolines dessinent un creux où pousse ronces et figuiers. Un trullo de pierres sèches s’élève bord du chemin. Nous suivons le chemin des pèlerins anciens, la Via Mickaelica pour aller honorer l’archange Michel.

Nous passons un hameau désert, composé surtout de belles villas résidentielles. Aucun bar mais une fontaine à robinet où je remplis ma gourde. Un figuier juteux nous offre ses fruits sur le chemin, puis une treille acide. Un second hameau, puis un chemin de chèvre encaissé entre deux haies de chêne vert. Les plus grands arbres de la famille du chêne sont pubescents ; dans ce terrain, il n’y a pas assez d’eau pour eux et nous en voyons rarement.

Nous tombons par un sentier raide aux marches aménagées dans la forêt ombreuse en creux de vallon. Un petit pont de bois nous ouvre une piste idéale, à l’ombre, à plat, sur un tapis de feuilles. Cela dure trop peu car les abords de la chapelle sont à découvert, à flanc de falaise, sous la chaleur réverbérée. Le sentier ouvre cependant le panorama sur la mer et le golfe de Manfredonia. Nous sommes descendus à 491 m.

De la chapelle, édifiée en 591 évidemment sur un temple païen et rebâtie en 1129 par l’intervention de San Giovanni da Matera et sa congrégation, ne subsistent que des ruines dues au tremblement de terre de 1646. Un bâtiment a été récemment reconstruit et des toilettes à robinet nous permettent de refaire encore de l’eau. Nous buvons beaucoup, largement plus d’un litre chacun. Depuis 1997 s’est installée une communauté monastique « bi-rituelle » (latine et byzantine). Nous visitons deux crèches aménagées sous une grotte avec de petits personnages en terre cuite, les acteurs de la Nativité puis les artisans de tout un village. Une église à icônes a été creusée dans la falaise et présente un autel du XVIIIe siècle ; des icônes modernes sont exposées dans la galerie le long de la nef, très dorées.

De la falaise, un raidillon conduit à l’ermitage, 300 m plus bas, sur les flancs de la vallée de Monteleone et Matino. Le chemin est aménagé en via ferrata car très glissant. Le seul qui ait été au bout pour affirmer son leadership de groupe n’a vu que cinq trous, quelques fresques, une citerne, des ruines sans intérêt. Nous en avons les photos sur le panneau touristique avant le sentier.

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Visite de Monte San Angelo

Hier soir et ce matin et ce matin nous croisons une palanquée de pèlerins polonais. Le Monte est catholique et, depuis Jean-Paul II le pape polonais, ce pays déverse ses touristes sur l’Italie. Nous avons affaire aujourd’hui à un car d’au moins quarante pèlerins, tous âges confondus de 30 à 75 ans. Hier, nous avons croisé un couple de Russes sur le sentier. À Bari, c’était deux mâles costauds, pâles et blancs, dans la basilique Saint Nicolas. Je reconnais facilement les Russes à leur apparence robuste et à leur teint trop blanc.

Il fait frais ce matin à 854 m et j’ai mis une couverture cette nuit.

Nous visitons l’extérieur du sanctuaire à saint Michel. Une inscription runique dite de Herebrecht figure dans la grotte.

Nous commençons la journée par l’église Sainte-Marie majeure, datant de 1170. Des sirènes tournantes forment une rosace sur le porche d’entrée de la cour. Frédéric II est représenté sur les tympans au-dessus de la porte qui date plutôt de 1198, agenouillé sous la Vierge au Bambin, la tête tournée vers le spectateur pour qu’on le reconnaisse.

À l’intérieur, une fresque représentant Saint-Michel et Saint-Georges. Le bénitier est païen. Une vierge en plâtre toute en rose et bleu, est entourée d’angelots potelés tout nus, de vraies pâtisseries.

Nous passons ensuite dans les ruelles montueuses de la vieille ville. Elles sont pittoresques mais beaucoup de maisons sont à vendre car trop anciennes. Elles sont à restaurer, à moderniser, et aucune place n’est prévue pour les voitures dans les rues trop étroites de cette ville loin de tout. Escaliers, passages couverts, pavés, linge au-dessus de la rue, toits plats recouverts de tuiles romaines, paraboles et antennes se succèdent en chaos paysager.

Le château normand a été reconstruit par les Angevins, remanié par Frédéric II et agrandi par les Aragonais. Une date de 1491 est gravée sur l’un des murs. En face, une boutique d’artisanat en bois propose de petits cercueils cadeaux avec une cigarette dessus. Envoyer un cercueil, dans les pays romains, est souvent un signe de la mafia pour menacer celui qui le reçoit… Ici, cela se veut un cadeau fumant.

Le collège moderne est graffité, c’est un bâtiment assez grand au-dessus d’une place arborée qui s’ouvre vers la mer. Il y a peu d’animation dans la ville : ceux qui travaillent dans la plaine, à Mattinata ou Manfredonia, sont partis ; la noria de leur voiture est passée ce matin vers 8 heures et repassera sous ma fenêtre vers 18h30. La rentrée scolaire, dans le sud italien, n’a lieu que vendredi prochain. Les écoliers et collégiens sont en vacances du 15 juin au 15 septembre, soit trois mois pleins d’été.

La boutique l’Ange des saveurs propose tout un choix de produits typiques du lieu : orecchiette, tomates confites à l’huile, huile d’olive, fromages, saucissons, biscuits, amandes, légumes secs du pays et même des cannes en bois brut taillées dans les maigres forêts d’ici.

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Monte Sant’Angelo

La route en lacets qui mène au Monte Sant’Angelo exige des pneus à clous l’hiver, comme indiqué par un panneau. Il y a au moins du verglas, parfois de la neige en altitude. Des grottes sont creusées dans la craie le long de la route, abris probables des bergers. Les abords de la ville sont très construits et les blocs d’appartements neufs se succèdent, formant comme les tours d’une forteresse en hauteur, dominant de loin la mer. Certains ont une vue époustouflante sur toute la baie jusqu’à Bari.

Ma chambre se trouve au quatrième niveau (mais au moins deux par rapport à l’accueil) dans la Casa del Pellegrino à Monte Sant’Angelo. L’hôtel jouxte le sanctuaire où l’archange Michel est apparu pour la première fois sur la terre à 854 m d’altitude, la première fois en 490 à un évêque de Siponte (faut-il croire cet idéologue intéressé ?), les seconde et troisième fois en 492 et 493 de notre ère.

La Casa del Pellegrino est construite sur la pente avec six niveaux, l’accueil à proximité du sanctuaire est le plus élevé au niveau six. Ma chambre se situe au niveau quatre le restaurant au niveau trois mais dans une autre aile où l’ascenseur le situe au niveau quatre. De quoi se perdre. Elle sert aux pèlerins, très nombreux, qui viennent jour après jour visiter ce très célèbre Mont Saint-Michel italien. Cinquante chambres permettent de loger 115 personnes, un restaurant, une grande terrasse, un auditorium et une chapelle permettent tout le confort moderne à la religion.

Nous dînons au restaurant de l’hôtel, grand comme un réfectoire de couvent avec des rideaux drapés pour former les deux ailes de l’archange. Un pichet de vin rouge et deux carafes d’eau (plate et pétillante) sont donnés pour quatre.

Trois plats nous sont servis, une entrée de charcuterie, une assiette avec deux pâtes, l’une à la tomate et l’autre à l’ail et aux pommes de terre, du veau rôti sauce roux au romarin. Pour finir, une assiette de morceaux de pastèque et de raisins pour la table servent à rafraîchir le gosier. Nous dînons à 20 heures et, à 21 heures, tout est fini. Le service est réglé comme chez les moines. Nous avons mangé plein de pâtes après en avoir eu plein les pattes.

Beaucoup de gens qui travaillent dans la région habitent le Monte parce qu’il y fait plus frais en été et que les canicules se multiplient « à cause du climat ». La ville compterait plus de 13 000 habitants.

Le pain de la région est réputé. Le midi, nous avons mangé un pain à la mie jaune, consistante et goûteuse, « le meilleur pain d’Italie ». Il paraît, selon celles qui sont allées boire une bière, que les boulangères de Sant Angelo ont de belles miches. Nous verrons.

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Randonnée au-dessus de la mer

Nous prenons ce matin le train de Bari à Foggia pour 1h24, puis un bus de la compagnie La Montanara viagge qui nous mène à 355 m d’altitude, à l’entrée du sentier naturel. Bari, c’est fini.

Nous débutons notre marche sous les pins d’Alep, les lentisques, les chênes verts, les oliviers. La brise de l’Adriatique tempère la chaleur. Des senteurs balsamiques rappellent la Grèce – qui est juste de l’autre côté de la mer.

Le bus du matin nous a lâché pour cinq heures de marche, 12 km diront les maniaques du Smartphone, à l’orée d’un sentier nature aménagé dans la « plus belle pinède d’Alep de toute l’Italie », dans la Vignanotica eara di Sosta. C’est ce qu’indique une pancarte à la sortie. L’itinéraire doit nous mener de la baie delle Zagere à la plage de Pugnochiuso. Le sentier est balisé de gros ronds jaunes d’œuf entourés d’un trait noir. Nous passons le Monte Barone à 355 m et je porte le melon jaune de 3.7 kg dans mon sac, en plus du reste. Chacun porte une part du pique-nique.

Nous pique-niquons sous un pin à la capitolla (sorte de copa), accompagné d’une salade mélangée de roquette, tomates et fromage du pays.

Nous poursuivons notre chemin forestier au-dessus des flots très bleus en bas des falaises de marbre. La côte est découpée en baies très jolies dans le paysage. Une plage de galets permet de nous baigner.

Le sentier monte et descend, surplombant les falaises au-dessus de la mer d’un bleu menthe glacée. L’eau est cependant à 25 ou 26°, très agréable au bain sur les rares plages de sable grossier ou de petits galets. L’eau a roulé le marbre blanc jusqu’à former de petits œufs de Pâques, des dragées ou des savonnettes d’hôtel, cailloux très jolis à tenir dans les mains tels des bijoux d’un blanc éclatant, particulièrement lumineux lorsqu’ils sont mouillés.

Il y a du monde sur la plage en ce lundi, même des enfants car l’école n’est pas encore ouverte dans le sud de l’Italie ; ils doivent rentrer à la fin de la semaine et sont venus en famille. Un certain Andrea de 10 ans en bermuda bleu, pas très sportif mais décidé, a fixé un masque sur son visage, pris un roseau pointu et des palmes à la main ; il part chasser le poulpe dans les rochers accompagné de son jeune frère de 7 ou 8 ans en slip rouge.

La falaise de craie étend son ombre sur les galets, montrant de gros nodules de silex dans les strates. Il est déconseillé de rester trop près car des morceaux tombent de temps à autre de la paroi.

Sur le sentier, le contraste entre le vert tendre des pins et le bleu lumineux de la mer est irrésistible. Différentes odeurs balsamiques de pin, poivrées de menthe, amères de romarin. Nous avons vu quelques amandiers passablement grillés, des figuiers proches d’une habitation où se trouve l’eau, des figuiers de barbarie bien gras aux fruits oranges hérissés de piquants, quelques arbousiers et lentisques. Une seconde plage s’ouvre plus loin, au-dessus de laquelle est installé un hôtel-restaurant avec piscine. Des rochers pointent dans l’eau, tels des chicots issus de l’érosion de la falaise, comme à Étretat. Il est déjà 17 heures et la seconde baignade en cet endroit n’a pas lieu ; il faut dire que le guide n’a pas retrouvé le chemin, aboutissant à un à pic.

Il nous faut remonter sur la route où le bus vient nous chercher. Des barrières anti plagistes verrouillent les chemins et nous devons enjamber des barbelés.

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Bari cathédrale

En face de la basilique, le portail des pèlerins du XIIIe et à droite la discrète église san Gregorio du XIe. Dans les ruelles, une vieille au balcon vicos an Marco ; une jeune grosse aux seins affalés sur le ventre arbore un tee-shirt moulant Lewis, comme si la mode compensait la laideur.

Après la basilique, la cathédrale, sa tour ronde et son campanile gigogne. Elle se situe non loin de là et a remplacé fin XIIe l’ancien Duomo byzantin, rasé par Guillaume 1er, dit le Mauvais, Normand sans état d’âme à la suite d’une rébellion des habitants contre son pouvoir.

Une rosace s’ouvre au-dessus des trois portails. L’intérieur est à trois nefs, répétant encore et toujours le dogme de la Trinité.

Intérieur comme extérieur sont sobres sauf les plafonds avec arcs-boutants dorés de la crypte. Un éclairage jaune donne à la nef une certaine vie.

Dans la crypte, un couple de gamins de 7 ans, chemise blanche et bermuda pour l’un, veste sombre et pantalon pour l’autre, jouent à se poursuivre en criant. Les parents laissent faire ; c’est une cérémonie d’officiels, que nous retrouvons ensuite sur le parvis. Les Importants sont chez eux et ignorent le recueillement comme le respect. Ils posent. Les gamins sont plein de vie, tels ces anges potelés qui entourent l’autel.

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Bari, basilique Saint-Nicolas

En passant du port sous une arcade qui ouvre le mur d’enceinte, nous allons visiter évidemment la basilique saint Nicolas, « le » saint de Bari, évêque de Myre né en 270 et mort en 345 dont le corps a été enlevé par les marins en 1087 pour obtenir du prestige religieux dans les croisades en cours. Il est le patron des écoliers et des célibataires, en plus des marins et des voyageurs. Les Normands et le Pape après l’intervention de l’abbé Elie construisent la basilique de San Nicola sur les reliques volées aux Turcs en Lycie. La corporation de Saint-Nicolas allait louer ses navires et ses marins aux Croisés, pour un fructueux commerce amené par la religion.

La basilique, élevée dans la cour de l’ancien palais byzantin et dans le style roman, ne sera consacrée qu’en 1197. Mais Nicolas est un saint orthodoxe et Vladimir Poutine, apparatchik communiste des Organes de sécurité qui se veut champion de l’orthodoxie, a fait don d’une statue en bronze qui se trouve dans la ruelle juste à gauche de l’entrée. La façade sobre offre un triangle en trois parties, décoré d’arcades aveugles.

Le portail central, où les gens du cru s’assoient volontiers en famille pour papoter, est décorée d’arabesques, de lions et d’éléphants. Un tympan triangulaire s’appuie sur deux colonnes soutenues par deux massifs taureaux en saillie.

Un petit garçon, fasciné par les cheveux longs de sa grande sœur, les caresse et les tresse, assis derrière elle.

Sur le côté gauche, la porte des Lions expose dans le tympan des scènes de la vie des chevaliers normands. A l’intérieur, comme à Jumièges, alternent 12 colonnes et 2 piliers tandis qu’un plafond à caissons doré par Carlo Rosa en 1662 illumine de vie l’austérité de la pierre en racontant la vie de saint Nicolas.

Le grand ciborium qui surmonte le maître-autel est daté du XIIe siècle. Il s’élève sur 4 colonnes en brèche rouge et violette qui vont en s’amincissant. Derrière, la chaire de l’évêque Elie est du XIe. Des restes de fresques du XIVe ornent l’abside du côté droit, laissant penser que l’austérité romane de la pierre était contrebalancée par la couleur des décors peints et des tentures.

Nous descendons dans la crypte où reposent les reliques, sous l’autel. Trois rangées de colonnes séparent quatre nefs ; elles sont taillées en marbres rares, deux en marbre de Numidie, deux en brèche coralienne, une en marbre cipolin, les autres en marbre grec. Les chapiteaux romans sont sculptés de grotesques et de bêtes. Le pilier miraculeux rouge, veiné de blanc, dans la partie sud de la crypte, est protégé par une cage en fil de fer ; les pèlerins déposent des pièces ou des billets.

Un tableau présente quatre putti nus et potelés relevant le pilier devant l’évêque, attendri par tant d’enfance. Nicolas l’aurait posé de ses mains même en Lycie et il a été rapporté par les deux marchands avec les reliques. Une légende parmi d’autres dit que la colonne aurait flotté sur la mer jusqu’à Bari et que les anges eux-mêmes l’auraient placée. Sous l’autel, les restes du saint, devant lesquels viennent prier les pèlerins. A gauche, une chapelle orthodoxe dans une église catholique, pour la première fois dans l’histoire depuis le schisme de 1054.

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Bari dans les Pouilles

Alitalia vers Bari avec escale à Rome.  La région est le talon et l’éperon de la botte italienne et se habitants ne sont pas les Pouilleux mais les Apuliens. Grecs, Romains, Sarrasins, Byzantins, Normands, Germains, Angevins, Espagnols – avant les Italiens – se succèdent dans la botte, région maritime très bien placée au débouché de l’Adriatique et de la Méditerranée, entre orient et occident.

L’hôtel Adria, Via L. Zupperte 10, est simple et correct, son principal avantage est d’être situé à 500 m de la gare centrale, non loin de la vieille ville, et très facile à trouver.

Nous sommes quatorze dans le groupe dont quatre gars seulement. Deux sous-groupes constitués se sont inscrits chacun à quatre : quatre filles qui travaillent dans l’assistanat social, et deux couples. Enfin deux retraitées d’une ville moyenne et une employée d’hôpital originale, c’est le moins qu’on puisse dire. Très conservatrice, elle a une mentalité frileuse : une hantise des courants d’air par crainte d’une otite, une quasi allergie au soleil avec bob, lunettes, manches longues, une phobie de l’eau du robinet par crainte des amibes, une infusion de faux thé le matin par crainte de la théine, toujours un pantalon par crainte des tiques, des larmes artificielles par crainte du dessèchement de la pupille, une chambre « ultra sécurisée » pour louer son appartement afin de payer les charges trop lourdes, un fils fait je ne sais comment mais surtout pas de mariage, une répartie agressive par peur de se voir contester.

Nous effectuons une promenade de trois heures dans la vieille ville avant le restaurant du soir, la Tana del poulpe – la tanière du poulpe. Le restaurant affiche accueillir tout le monde, même les chiens… « Étrangers bienvenus » est-il même écrit en italien et en anglais. Pour 15 € nous sommes traités au-dessus des chiens avec une assiette d’antipasti végétaux et des orecchiette aux fruits de mer.

Nous avons vu travailler les femmes sur le pas de leur porte, dans la via Belmondo qui part du château : elles roulent le soir venu la pâte à pâtes entre leurs doigts pour en former des rouleaux, les couper et, d’un geste élégant du couteau, les rouler en forme de petites oreilles – les orecchiette ou oreillettes. Certains ont commandé des paquets de 500 g pour 2.50 € à prendre au retour dans une semaine.

Des gamins jouent au foot sur la place devant le château, beaucoup de paroles et peu d’actes, mais l’excitation du jeu leur donne un joli teint. D’autres, plus jeunes, tournent en vélo à grosses roues autour du pilori de la piazza Mercantile ; certains ont ôté leur maillot, la peau cuivrée par le soleil et la mer, le tee-shirt enfoncé dans le bermuda comme des mâles. Des ruelles partent de la mer et sont emplies de terrasses de bar et de restaurants.

La ville s’éveille avec le soir, les gens se promènent avec le souci de leur allure, conviviaux, très famille, sans cet individualisme que l’on sent plus au nord. Une fille passe, les jambes nues très haut sur les cuisses. Un jeune homme passe, entouré de sa sœur et de ses parents, la chemise ouverte jusqu’au sternum. Fille et garçon se sentent bien, la peau offerte à la brise et aux regards, à l’aise dans leur corps et fiers de leur apparence.

Sur la via Cavour se promène une jeune, très jeune donzelle aux seins nus sous son haut blanc qui les souligne outrageusement. Cheveux blond teint, pantalon noir évasé tulipe, chaussures à semelles compensées, elle est ardente et se sent belle, accompagné d’un macho de son âge, méditerranéen type, souple et musclé comme le veut la mode, habillé tout en noir. Les filles portent en général les cheveux longs tandis que les garçons sont rasés sur les tempes ou entièrement, comme s’il fallait donner à chaque sexe ici une apparence diamétralement opposée.

Bari est une ville serrée entre ses remparts contre les pirates et les Turcs dans l’histoire. Le prince napoléonien Murat, en 1813, a fait bâtir la ville neuve au sud, damier de voies rectilignes se coupant à angle droit et bâties d’élégants bâtiments XIXe d’un certain chic aujourd’hui. Certains sont ornés de statues ou de cariatides. Des barques bleues se balancent dans le port, amarrées au quai des pêcheurs. Le club de voile s’avance derrière le théâtre Margherita, laissant voir des dos nus de juvéniles papotant après la sortie du jour.

Enfin le château, ouvrage de pierres massives qui faisait partie d’un système organisé de forteresses qui protégeait la côte du Gargano (où nous allons) à Otrante. Nous ne visitons pas l’intérieur, faute de temps et d’intérêt (il n’y a pas grand-chose sauf une glyptothèque et des peintures restaurées). Le crépuscule met en valeur la forêt d’antennes de télévision sur les toits des maisons, comme un appel individuel vers l’au-delà.

Bari reste de nos jours la seconde ville de l’Italie du sud après Naples. En revenant à l’hôtel, les filles tombent en arrêt devant un marchand glacier du Corso Cavour et se gavent de parfums aux couleurs exotiques.

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Jean-François Gayraud, Le monde des mafias

jean francois gayraud le monde des mafias
Ce livre est le fruit d’un travail universitaire très structuré qui a le mérite de proposer une définition rigoureuse du concept de « mafia » et d’étudier comment le monde globalisé encourage le phénomène. La réédition en poche est publiée en très petits caractères ce qui est dommage, mais permet de conserver les nombreuses annexes sur la lutte anti-mafia, l’initiation, la topographie italienne et turque, l’index.

Depuis le film Le parrain, les médias appellent « mafia » à peu près n’importe quelle bande organisée. Or « la » mafia mérite d’être définie avec précision pour lutter efficacement contre elle. Amalgamer n’a jamais servi à l’action, c’est mettre tout dans le même sac donc ne pas comprendre comment fonctionne la chose. « Une mafia est une société secrète et fraternelle à caractère criminel, permanente et hiérarchisée, fondée sur l’obéissance, à recrutement ethnique, contrôlant un territoire, dominant les autres espèces criminelles et s’adossant à une mythologie » p.269.

Jean-François Gayraud, commissaire divisionnaire de la police nationale, n’a pas les précautions de langage de la gauche idéologique : il ne croit pas l’homme naturellement bon et s’appuie sur éthologues et philosophes (cités en encadrés au fil des pages) pour parler de biologie, de territoire et d’espèces. Pour lui, la mafia est la réaction animale d’un groupe ethnique humain menacé par l’anonymat bureaucratique, l’impôt étatique et la concurrence des bandes criminelles. Ce pourquoi les gangs juvéniles ou les cartels de drogue ne sont pas des mafias. Les seules vraies mafias sont claniques, ethniques et territoriales – peu importent leurs activités criminelles.

L’auteur fait d’ailleurs le parallèle avec le capitalisme sauvage des origines, processus quasi féodal de prédation avant d’accéder à la respectabilité de l’argent. Mais il s’empresse de préciser que les capitalistes s’intègrent à la société démocratique (n’étant en rien ethniques mais individualistes), alors que les mafieux profitent de la société en parasites, ne payant d’impôts que ce qu’il faut pour rester invisibles, n’offrant de dons qu’aux personnes de leur clan. « C’est un retour à la dure loi naturelle qui respecte le bon chasseur et le guerrier valeureux. L’homme mafieux est ramené à sa vérité originelle : celle d’un animal prédateur » p.306.

Il n’existe dans le monde actuel que neuf mafias : Cosa Nostra de Sicile, la Ndrangheta de Calabre, la Camorra de Campanie, la Sacra Corona Unita des Pouilles, la mafia albanaise du Kosovo, la maffya turque, les Triades chinoises, les Yakuza japonais et la Cosa Nostra américaine. Les fraternités russes, les cartels mexicains et colombiens ne sont que des proto-mafias, n’en ayant pas toutes les caractéristiques. Les gangs corses sont à peine évoqués, étant selon l’auteur plus du grand banditisme accoquiné au nationalisme îlien que l’expression d’une mafia véritable. Quant aux gangs salafistes, l’auteur n’en parle pas, ils étaient absents de l’univers criminel lors de la rédaction du livre et appartiennent peut-être à la galaxie terroriste – quoique l’aspect communautaire, voire ethnique, n’y soit pas absent…

Une mafia est caractérisée par huit critères :

  1. contrôle d’un territoire,
  2. capacité d’ordre et de domination,
  3. hiérarchie et obéissance,
  4. service de l’ethnie et de la famille,
  5. poly-criminalité,
  6. les mythes et légendes comme idéologie,
  7. ancienneté et la pérennité,
  8. secret et initiation.

Les véritables mafias sont très proches dans leur fonctionnement des sociétés secrètes comme la Franc-maçonnerie ou les services spéciaux. On ne s’étonnera donc pas que les États y fassent parfois appel lors d’événements majeurs, notamment lorsque la patrie est en danger : le mafieux Lucky Luciano a aidé au bon débarquement américain en Sicile, les Triades ont aidé Sun Yat-sen à prendre le pouvoir, les Yakuza font régner l’ordre à la place du gouvernement débordé lors du tremblement de terre de Kobé.

Les sociétés modernes favorisent le phénomène mafieux : dans l’anonymat de l’administration et de la ville, les liens claniques remplacent les liens personnels d’ancien régime. « Les mafias trouvent naturellement leur terreau culturel dans ces mentalités holistes profondément étrangères à l’individualisme contemporain » p.247. Il n’y a pas chez elles d’individus libérés par les Lumières mais des êtres enserrés dans une toile d’obligations communautaires claniques. L’urbanisation, la consommation et le divertissement offrent des sources de richesses inépuisables à la prédation clanique, le BTP, le traitement des ordures et le spectacle (y compris drogue et trafic d’êtres humains) étant les principaux investissements des mafias contemporaines. La Cosa Nostra américaine (Benjamin Siegel et Meyer Lansky) a même créé de toutes pièces une ville vouée au divertissement : Las Vegas !

Les mafias forment le stade suprême du crime organisé, le principe de cruauté permettant une véritable expansion biologique du mal. « Va-t-on vers un âge criminel », s’interroge l’auteur p.314 ? « Leur présence engendre déjà une criminalité avancée de certaines sphères politiques et économiques. Jusqu’au jour où, achevé, ce processus aboutira à une confusion quasi parfaite entre les acteurs politiques et économiques légaux et les mafias ».

Intéressant, facile à lire (sauf l’introduction un peu indigeste, mais seulement 21 pages), instructif sur la genèse, l’expansion et les œuvres des mafias. Bien loin du folklore et des livres de journalistes à sensation comme Gomorra.

Jean-François Gayraud, Le monde des mafias – géopolitique du crime organisé, 2005, Odile Jacob poches 2008, 447 pages, €10.90
e-book format Kindle €13.99
film DVD Le parrain – la trilogie, de Marlon Brando avec Al Pacino, 2008, €22.99
Voir aussi Jean-François Gayraud, Le nouveau capitalisme criminel sur ce blog

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