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Wauquiez le naufrage

Il ne suffit pas d’être bien né ni d’avoir fait les bonnes écoles. Encore faut-il savoir nager. Or, en politique, cela s’apprend sur le tas par l’exemple de ce qui réussit. Où donc Wauquiez veut-il aller ? Vers le clown Trump et ses gazouillis rentre-dedans ? Vers l’agit-prop Sarkozy ? Vers l’au-dessus de la mêlée gaullien ?

Nul ne sait… mais chaque semaine qui passe est comme un trou de plus dans la coque de droite qu’il affiche trop volontiers. Se faire « piéger » par des étudiants en école de commerce qui enregistrent (évidemment !) ses propos « sans langue de bois » est du dernier imbécile.

  • C’est mal connaître la jeunesse que de croire qu’elle obéit à l’autorité comme dans les années cinquante.
  • C’est agir stupidement en ne faisant pas collecter les téléphones portables à l’entrée de la salle, comme cela se fait par exemple en Norvège avant un conseil des ministres, et en faisant signer par chacun une déclaration de confidentialité – l’autocontrôle (très mai 68) est un leurre.
  • C’est aller carrément dans la bêtise que de colporter des propos complotistes et des méchancetés contre ceux de son camp. Tout se sait, tout finit par se savoir – et se faire mousser à bon compte n’est pas de la politique durable.

Pas la peine d’être fils de banquier si l’on vend la mèche aux premiers venus, pas la peine d’être descendant d’industriels si c’est pour livrer les secrets de fabrication à tout vent. On susurre qu’il sait ce qu’il fait. Ce n’est pas un jugement sur la personne, que je ne connais pas ; c’est un jugement de citoyen sur un homme politique qui se présente aux suffrages : soit il est bête, soit il est grossièrement cynique – il n’y a pas à sortir de là. Or qui voterait pour un imbécile ou pour un sale type ? Est-il est bien embêté de ne pas avoir anticipé les conséquences de ses paroles ? Si oui, il est inconséquent car gouverner c’est prévoir ; sinon, il montre à tous qu’il n’est pas capable de gouverner – ce qui veut dire rassembler.

Est-il sincère lorsqu’il déclare : « Nicolas Sarkozy, il en était arrivé au point où il contrôlait les téléphones portables de ceux qui rentraient en conseil des ministres. Il les mettait sur écoute pour pomper tous les mails, tous les textos, et vérifier ce que chacun de ses ministres disait au moment où on rentrait en conseil des ministres » ? Enonce-t-il un fait ou seulement une conviction ? A-t-il des preuves ou seulement une intuition ? Veut-il se poser contre ou veut-il suggérer qu’il ferait pire ? Souhaite-t-il flinguer définitivement l’ex ? Quand on veut s’afficher comme défiant l’extrême-droite, on peut tout craindre d’un tel histrion qui n’a pas la trempe d’un Trump pour bien tromper à son de trompe.

Est-ce comme cela qu’un leader politique « amène les étudiants à réfléchir sur les rumeurs et les fantasmes qui nourrissent la vie politique » comme il tente de se rattraper ? Ceux qui connaissent les étudiants disent immédiatement que c’est n’importe quoi ! Les jeunes hommes et femmes ne sont pas des niais à qui l’on peut faire gober des bobards sous prétexte que l’on est en politique – ou alors, c’est déconsidérer la politique et offrir la tentation de se venger aux urnes comme en 2017. S’il s’agissait d’hypothèses de discussion, pourquoi ne pas le dire clairement… puis laisser « la discussion » s’ouvrir ? Or le seul qui l’ouvre durant la séance c’est le « prof de politique », le politicien qui sait tout, le bon élève des grandes écoles de l’élite qui a tout réussi, l’arriviste indécent.

Une telle arrogance ne peut qu’être mal vue, et plus encore après les affaires Cahuzac et Fillon, entre autres. « Finesse d’esprit », comme l’affirme son biographe Fabrice Veysseyre-Redon ? On se moque de qui ? « Opération buzz », comme dit un spécialiste de la com’ ? – à la Goebbels peut-être : plus c’est gros, plus ça passe ; forcez le trait, il en restera toujours quelque-chose ; les mensonges les plus énormes sont ceux qui restent dans les esprits ? Si tel est le cas, ce Le Pen bis ne représente pas « la droite » mais sa frange la plus bête du monde – et il ne fait pas le poids en copie face à l’original. Le Pen Jean-Marie est autrement plus fin et plus communicant que Wauquiez Laurent encore à l’école du commerce.

Parler brut montre que Wauquiez est une brute, affecter la sincérité n’est pas être sincère. Tous les Français sont désormais édifiés par ce personnage qui se verrait bien remplacer un Macron autrement plus doué, bien qu’accusé d’appartenir « aux élites ». Pourquoi Wauquiez affecte-t-il d’être anti-élite lui qui en est pourtant issu jusqu’au bout des ongles ? Et sur quelle analyse politique caricaturale ? Quel populo pourrait le croire ? Parce qu’il parle lourdingue ? On croit rêver – et l’on constate surtout que Wauquiez prend les gens pour des cons. Or les cons votent plus volontiers pour un Le Pen que pour un successeur de Chirac et de Sarlozy. Les autres, les Français moyens, ont pu admirer longtemps Chirac et un temps Sarkozy ; ils ne peuvent absolument pas admirer Wauquiez. Or, sans admiration, pas de légitimité : c’est le chapitre un du cours de sociologie politique.

Les membres du parti Les républicains devraient s’en faire avec un tel « chef ». Ces écarts, ou bêtes ou volontaires, en disent long sur les moutons qui élisent un tel « chien » (le mot d’où est venu « cynique »). Comment peut-on désormais, sans avoir honte, rester militant du parti LR ?

Le verbatim des écarts Wauquiez qui « balance » sur tout le monde

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Martin Amis, L’état de l’Angleterre

martin amis l etat de l angleterre

En deux nouvelles, l’écrivain satiriste Martin Amis nous livre ce qu’est l’Angleterre devenue. Il est célèbre, il vit à Londres, il côtoie toutes les strates de la société – et son regard aigu ne peut s’empêcher de désigner. L’état de l’Angleterre est réduit au pinaillage entre éditeurs pour juger d’une nouvelle de science fiction ou d’un sonnet. L’état de l’Angleterre se résume au face à face entre un père et son fils, dans un environnement populaire multiculturel sans repères.

C’étaient les années 1990 et cela ne s’est pas amélioré depuis : l’ex-empire n’en finit pas de vivre sa « décadence », moins à la romaine (avec orgies et mets délicats) qu’à la barbare (avec invasion et brutalité). Ce pourquoi il est intéressant de lire Martin Amis. La société britannique est plus libre que la nôtre, moins tenue par l’État et toutes ces sortes de choses. La morale s’adapte aux conditions sociales, elles-mêmes tenues par les conditions économiques. La paupérisation anglaise date d’avant l’ère Thatcher, les syndicats omniprésents bloquant toute évolution. La fille d’épicier n’a fait de flanquer un bon coup de pied dans la fourmilière, libérant l’initiative – mais faisant s’écrouler les traditions. Bizarre pour un Conservateur, mais l’enfer est toujours pavé de bonnes intentions.

Ce pourquoi le talent d’écrire compte moins que l’entourloupe d’un éditeur fauché poursuivi par les huissiers ou le confort d’ego installés. La politesse est moins rémunératrice que le rentre-dedans ; le marketing meilleur que le support. Le sonnet – pensez-vous, un poème ! – est le comble de la dérision quand on songe à en faire un « remake » médiatique d’un film télévisé !

Ce pourquoi la qualité d’Anglais de souche compte moins que l’argent. Mal est un looser, malgré son téléphone portable, son divorce et sa maîtresse asiatique. Videur de boite, il se fait vider quand il ne sélectionne pas les « bonnes » personnes à l’entrée. Au risque de se faire planter par un petit roux – Blanc – empli de ressentiment ; ou de se faire tabasser par les riches en frac, accompagnés de leurs mannequins emperlousées, lorsqu’il place des sabots pour stationnement interdit devant l’opéra. Mal a un fils de 9 ans, Jet (« un nom moderne »), qui est le plus nul en course à pied. « Comme Mal le suivait à l’extérieur, il se rendit compte de quelque chose. Jet sur la ligne de départ avec les autres gosses : il n’était pas comme les autres. Il avait quelque chose d’exceptionnel. Mais quoi ? Il n’était pas le plus grand. Ni le plus mince. Alors quoi ? Il était le plus blanc. Voilà, c’était juste le plus blanc. Maintenant que les préjugés avaient disparus » p.90.

Téléphone portable, chaudes filles d’orient, film Mortal Kombat, Burger King, argot rimé, salon de l’auto et sprinter triste : voilà les chapitres déclinés de cette nouvelle, voilà l’état de l’Angleterre nouvelle – des années 1990. Notre modernité !

Martin Amis, L’état de l’Angleterre (1996) précédé de Nouvelle carrière (1992), Folio 2€ 2003, 111 pages, €1.90

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