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Paul Doherty, Le lys et le serpent

Paul Doherty Le lys et le serpent

Ce tome 2 des aventures de Matthew Jankyn, espion au service du cardinal Beaufort, bâtard d’Angleterre, a pour objet cette fois le mystère de Jeanne d’Arc. A-t-elle été vendue par les Chtis ? A-t-elle fait l’objet d’une manipulation anglaise pour s’assurer du pouvoir durant la minorité du petit roi Henri VI de 9 ans ? A-t-elle été abandonnée par le veule et cagneux Charles VII ?

Paul Doherty est professeur d’histoire médiévale à l’université et il connaît sa période. Après Azincourt et sa victoire (anglaise)/défaite (française) dans le premier opus de la série, ‘L’Ordre du Cerf blanc’, nous suivons son héros Matthew sur les chemins boueux de France. Il se revêt d’armure pour faire des coups de main contre les soudards, les écorcheurs, les Bourguignons et les Anglais – enfin tous ceux qui contestent à Charles le Dauphin sa légitimité au trône.

Dans cette atmosphère de paranoïa et de complots – qui va si à bien à notre propre époque – se lèvent des illuminés inspirés par Dieu (ou par le Diable ?). Un petit berger a des visions, l’évêque royal le protège pour son frais minois et par le pouvoir que le ciel, ainsi, lui donne sur la faiblesse du Dauphin. Mais Jeanne entend saint Michel, sainte Marguerite et sainte Catherine à tour de rôle. Elle lit dans les âmes et prédit souvent ce qui arrive. Mieux, elle s’affirme en soldat dans ce monde où les femmes sont exclues. Son secret ? La certitude d’avoir raison et la fermeté d’être soutenue par le ciel.

Pourquoi pas ? Mais le cardinal anglais Beaufort est sceptique. Il envoie son meilleur limier, « prince des menteurs », couard et irrémédiablement les pieds sur terre, pour en savoir plus. Non pour la vérité – à quoi cela sert-il ? – mais, en bon pragmatique – pour savoir à quoi Jeanne la Pucelle pourrait bien LUI servir.

Matthew se préoccupera de survivre et se trouvera à chaque fois de bonnes auberges où faire bombance et des veuves esseulées pour chauffer sa couche. Il approchera Jeanne de fort près. Espion il est, menteur et scélérat, mais fidèle. Il ne la trahira point, fort marri au rebours de deviner qui trahit la Pucelle : des clercs bien gras, aigris de mal pouvoir et trahissant leur nation. L’évêque Cauchon – au nom prédestiné – est clerc de Beauvais en Picardie. Il s’était rangé aux côté des Bourguignons et aux membres de l’université de Paris qui exigeait que la Pucelle soit remise aux Anglais ou à l’Inquisition d’Église. Portrait de Cauchon par Doherty : « L’homme était grand, avec un visage rubicond, des yeux gris ardoise et une bouche qui évoquait aussitôt le mal. Il pouvait se montrer charmant et plein de délicatesse mais, pour peu qu’on s’opposât à lui, il manifestait une propension à la haine dont même le dernier des rats se serait affligé » p.170. Compiègne a fermé son pont-levis à Jeanne qui rompait le combat, poursuivie par les Anglais. Elle était malvenue chez les Chtis.

On s’étonnera donc de la fin, étayée par des documents historiques, mais dont le romancier pousse l’hypothèse – ce que ne peut faire l’historien. Les paranos seront ravis, les adeptes du Complot boiront du petit lait. Les lecteurs normaux se délecteront d’une intrigue bien ficelée qui leur feront, en passant, revisiter, de façon bien plus vivante que les cours magistraux, la grande histoire de France.

Paul Doherty, Le lys et le serpent (The Serpent among the Lilies), 1990, 10/18 nov.2008, 222 pages, €7.10

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Daniel Easterman, Le Septième sanctuaire

daniel easterman le septieme sanctuaire
Thriller géopolitico-historique à tropisme ethnique qui entremêle Juifs, Arabes (et évidemment Nazis), il se situe dans un Moyen-Orient compliqué, chargé de siècles et de communautés composites. Daniel Easterman, pseudonyme de Denis MacEoin né en Irlande du Nord, est titulaire d’un doctorat en histoire de l’Islam et a enseigné à l’université de Newcastle avant de devenir écrivain. Il construit bien son histoire, littéraire et efficace, bien mieux que les Américains pourtant inventeurs du genre. Il pousse l’humour jusqu’à se mettre en scène sous les traits du professeur israélien Benabu, lui aussi écrivain d’imagination sous le pseudonyme de David Wise.

Le premier chapitre commence fort, quatre meurtres de sang froid d’une balle en plein front, dans un paisible salon de Cambridge lors d’une soutenance de thèse archéologique. Suit un périple très réaliste à la manière des thrillers : tentatives de meurtres, fuite, mise en danger, enquête, explosions, intervention du Mossad, dictateur syrien, tueurs palestiniens…

Le tout s’enfle dans l’histoire antique, une ville mystérieuse en plein cœur du désert, formellement citée dans la Bible et le Coran, mythique pour les uns mais réelle pour les autres. Depuis le monastère de Saint-Nilus en passant par celui de Sainte-Catherine au Sinaï, un journal de bord d’un ancien colonel nazi, le manuscrit d’un voyageur arabe antique et des inscriptions confirment au professeur juif israélien David Rosen (qui a échappé de peu à l’égorgement sans savoir pourquoi sur un chantier archéologique en Syrie) que la cité existe et qu’elle recèle une menace pour aujourd’hui. Et pour lui-même. Ce n’est pas un hasard non plus si Hafez El Assad vient d’être renversé (nous sommes en 1987) par un nationaliste musulman syrien…

David s’allie à une belle jeune palestinienne, Leïla, accessoirement membre du Front populaire de libération de la Palestine. Mais Juifs et Arabes font taire leurs querelles millénaires face à la menace nazie. Car le Complot, préparé dans les derniers mois de la Seconde guerre mondiale, est sur le point d’aboutir. Plan machiavélique et méthodique sorti tout droit des théories ésotériques fumeuses du début du XXe siècle et ravivée dans une Allemagne vaincue en 1918 par la crise économique mondiale. Qui est le mystérieux A. H. ? Al Husseyni, le grand mufti de Jérusalem pronazi, ou Adolf Hitler en personne ? Quel est cet avion allemand, prototype sorti les tous premiers mois de 1945, qui s’est écrasé dans le désert syrien ? De filatures en documents, des labyrinthes de la ville aux étendues du désert sous la tempête de sable, les petites cellules grises s’allient aux jeunes muscles pour faire avancer une histoire comme on les aime, pleine de bruit et de fureur, mais ouvrant des perspectives humaines.

Écrit en 1987, avant l’Intifada mais avec les yeux décillés sur Israël après l’affaire du Liban, ce premier thriller de l’auteur emporte la conviction. Il peut encore se lire avec ferveur aujourd’hui malgré quelques faiblesses de construction et d’invraisemblances sur la fin. Nous sommes chez Indiana Jones, mais version érudite, bien plus crédible car étayée par toutes les connaissances du docteur en histoire de l’Islam Denis MacEoin, le vrai nom de Daniel Easterman.

Son héros trouvera Iram, la cité perdue, devenue le Septième sanctuaire après le temple de Salomon puis le temple d’Hérode à Jérusalem, Rome, Byzance, La Mecque et Berlin. Ce qu’il y découvrira fait frémir, car le passé se précipite dans l’actualité pour embraser à nouveau le Proche-Orient. David va-t-il réussir à terrasser le nouveau Goliath ?

Pas sûr… Et c’est ce qui fait tout le sel de ce bon livre.

Daniel Easterman, Le Septième sanctuaire (The Seventh Sanctuary), 1987, Livre de poche 1995, 541 pages, €6.33

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