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33 Dernière vue de Tallin

Nous montons en bus sur la colline au-dessus de la mer ou a lieu tous les trois ans un festival de chant national depuis 1869, date du réveil. À la fin de l’Union soviétique, la chorale était un moment de résistance et le festival un lieu propice à célébrer la nation contre l’anonymat communiste et l’empire moscovite.

L’ambassade de Chine est en bas de la colline. Le drapeau chinois comprend cinq étoiles sur fond rouge. Les étoiles sont les provinces ethniques de Chine : les Han, les Mandchous, les Mongols, les Hui et les Tibétains. Cette interprétation est parallèle avec l’officielle qui fait que les cinq étoiles et leur relation représentent l’unité du peuple sous la direction du Parti communiste. L’étoile la plus grosse est celle du parti, les quatre autres celles des classes sociales associées par Mao : les prolétaires, les paysans, les petits bourgeois, les capitalistes patriotes. 

Le couvent de Sainte Brigitte a été incendié par Ivan le terrible il ne subsiste que le pignon. Le couvent des Brigittines depuis l’indépendance est actif.

Arrêt au port avant l’aéroport. Le petit port de plaisance est gelé en hiver, avis aux navigateurs. Vue sur Tallinn-grad au loin avec la sculpture en hommage au parachutiste en ballon à la fin du XIXe siècle qui s’est noyé car tombé trop loin de la côte. Il avait réussi le saut mais mal prévu l’arrivée. La statue de la roussalka, traditionnellement une fée ou une ondine, est ici un ange féminin (si l’on peut dire) qui porte une croix orthodoxe. C’est un hommage à la frégate naufragée qui portait le nom de Roussalka. Le tsar est venu se recueillir devant.

Nous allons marcher au marché. C’est un grand bâtiment près de la gare. Nous trouvons évidemment des étals de poissons fumés, de sprats et de harengs, mais aussi du saumon et du caviar de 13 € à 1350 € les 500 g, en fonction de la qualité. Il existe aussi un pavillon des antiquités, dont la plupart sont d’époque soviétique. Des albums de rock des années 60 et 70 sont les restes des actes de résistance de l’époque.

Les remparts comprennent 24 tours sur les 46 d’origine. Nous longeons les trois maisons dites les Trois sœurs. Une porte sculptée. Le siège du KGB est un bâtiment jaune. La Grosse Margaret est la tour principale derrière laquelle s’ouvre un bunker enterré. Saint Olaf est église luthérienne, dépouillée de tout sauf du Christ au chœur. Le plancher est peint et brillant. Les lustres-chandeliers ont un aigle à deux têtes, tsariste. Il s’y joue de l’orgue.

Nous prenons l’avion à 15h55 directement pour Paris, qui n’est pas si loin. L’Europe est un continent de petite taille.

F I N

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32 Vie de Tallin

Après une théorie de petits gilets jaunes, la Maison de l’évêque. Une souffleuse de verre officie dans sa boutique. Porte de Virou ou de la terre. Des kids de collège sortent, plus ou moins vêtus. Certains sont engoncés dans plusieurs épaisseurs alors que d’autres ne sont qu’en tee-shirt. Cela fait quand même plaisir de voir des blonds et des bruns, tous blancs. Une dame passe en costume traditionnel, elle va probablement à un événement.

Au restaurant Trofé (« estonian and nordic food »), nous avons du gaspacho à la tomate (fort peu nordique), une tranche de porc aux pommes de terre et chou confit (très estonienne), et des crêpes. Un peu lourd pour l’après-midi, surtout pour ceux qui ont pris une bière.

La porte de Viru a été mentionnée pour la première fois en 1362. Elle fermait les rues commerçantes de Tallin. Seules deux tours subsistent, avec une barbacane. L’hôtel Viru, construit en 1968 à l’ère soviétique, a brûlé et a été reconstruit en 1972. Les trois premiers étages ont été sonorisés par le KGB pour écouter les délégations ou les jeunes équipes de sports. Le Kompromat consistait à enregistrer qui disait quoi et qui baisait avec qui, dès quel âge. Un ado blond me sourit alors que je prends sa photo au milieu de ses copains. J’ai pris peu avant une belle jeune fille au nombril à l’air et haut moulant sans rien dessous, malgré la température assez fraîche. Mais elle est en chaleur, pianotant avec fébrilité sur son gadget téléphonique, probablement à son petit copain qui a hâte lui aussi de se rapprocher d’elle.

Nous passons devant la plus vieille maison en bois de Tallinn ; elle est peinte en gris et présente des décorations autour des fenêtres et une frise sous l’avant-toit. Dans la rue parallèle se tient la maison de Barbie, tout en rose. Celle de Ken est en vert et à côté. Pourquoi Ken et Barbie n’ont-ils pas d’enfant ? – Parce que Ken est vendu en boîte séparée, répond Pierre.

Une statue de Kreutzwald (Valcroix si l’on traduit en français) qui a écrit l’épopée nationale à la fin du XIXe siècle sur le fils de Kale.

Palais Kadriorg puis palais présidentiel à l’emblème des trois lions, parallèle à celui du Danemark, souvenir du christianisme. Le premier pays à avoir reconnu l’indépendance de l’Estonie est l’Islande. Dans le parc, l’isba en bois de Pierre le Grand a été conservée. Dans le parc, un petit écureuil la queue en panache court de-ci delà, vif et joyeux comme un jeune kid.

Musée Mikkel. Il a été établi dans les anciennes cuisines du palais. Il n’a guère d’intérêt, collectionnant les copies. En rez-de-chaussée, une exposition de peinture soviétique est plus intéressante pour son style typique. À l’étage, les fameuses céramiques asiatiques qui intéressent le prof sont très pauvres.

Dans le parc près duquel est garé le bus, a lieu une course d’orientation, et des jeunes des deux sexes et de tous âges courent une carte à la main ou sillonnent les allées en VTT. Ils sont tous vêtus de couleurs vives, à l’américaine. Il fait chaud au soleil mais frais à l’ombre. Nous voyons aussi beaucoup de landaus. Je ne sais s’il y a une renaissance des naissances à Tallinn, au vu du plein emploi, ou s’il y a tout simplement un dispensaire dans le quartier.

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31 Églises de Tallin

Nous allons voir sur la colline. La tour date du 14e, le grand Hermann – le gardien en allemand – qui est une tour. La forteresse danoise, le château Toompea, est le siège du Parlement estonien, 101 députés qui élisent le président et le Premier ministre. Le parc Lindamagi a été lieu de résistance antisoviétique dans les années avant l’indépendance.

L’église orthodoxe Alexandre Nevski a cinq bulbes, le central représente le Christ et les quatre autres les évangélistes. Le bulbe s’appelle kokochnik en russe. Sous l’église Saint Nicolas, des moines fantômes se représentaient en bronze, sans visage.

Doma, la cathédrale Sainte-Marie, coûte 2€ l’entrée. Elle est protestante. Juste après, un kiosque animé par une femme mûre vend des amandes parfumées à la cannelle, à l’orange, à la cerise, au cassis, ce qui fait le délice de ces dames qui s’empressent d’en acheter des sachets à 5€ chaque pour offrir en cadeau à leur femme de ménage, leur jardinier ou leur chauffeur. Je n’ai aucun de ces personnels de maison et je me contente du fumet. Le kiosque est à l’enseigne du moine gourmet et se trouve littéralement dévalisé : la femme a dû faire sa recette d’une semaine. Un peu plus loin, nous admirons un point de vue sur la vieille ville et le port

Nous allons au café Maiasmokk, le plus vieux et le plus célèbre de Tallinn. Établi en 1864, il se situe au 16 Pikk street, en face de l’ambassade russe devant laquelle guettent, moteur allumé et phares en veille, deux voitures de police. Une cinquantaine de panneaux couverts d’affiches anti-Poutine sont disposés devant la façade. Le tyran mafieux du Kremlin est qualifié de tous les noms : terroriste, kidnappeur, abuseur d’enfants, tueur, et ainsi de suite. C’est réjouissant. Le café est à 2,50€ et d’ambiance viennoise. Des pâtisseries faites maison et des massepains peints à la main font la réputation du Maiasmokk. La petite fille en massepain est célèbre, présent d’un jeune homme à sa promise en 1936. Il est dit que la ville de Tallin (qui s’appelait Reval dans la Hanse), fait concurrence à Lübeck pour avoir inventé la pâte d’amande sucrée. Le massepain était d’abord utilisé comme médicament – on ne sait contre quoi – peut-être la faim ?

Le Vieux Thomas sert de girouette à l’hôtel de ville qui date de 1432. Une vieille pharmacie vend encore des herbes et de potions de grand-mère – mais l’entrée est payante, 2€. Les maisons marchandes médiévales se situaient en face des remparts, dans une ruelle qui les longe.

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30 Tallin en Estonie

Arrivée dans la capitale de l’Estonie. Notre hôtel est le Tallink Express Hotel, près du port des ferries. Il faut remplir une fiche de police comme au temps de l’URSS : la Russie est tout près… Il jouxte un hôtel avec spa et nous dînerons dans une cage au-dessus de la piscine ou s’ébattent de jeunes couples et des gamins qui jouent avec leur papa. Nous dînons dans la partie spa de l’hôtel d’une salade au fromage, de magret de canard cuit à la vapeur très tendre, sauce au thym citron, avec risotto noir et chou-fleur al dente, enfin d’un moelleux au chocolat coulis de fruits rouges. Une adote caresse un ado au bord de la piscine, un petit garçon se jette dans les bras de son père car il ne sait pas encore nager et se flanquer dans l’eau tout en étant protégé est une frayeur plaisante.

Pas très loin de l’hôtel se trouve une grande esplanade soviétique construite pour les Jeux olympiques de 1984 et une salle où a été tourné le film thriller de science-fiction Tenet, réalisé par Christopher Nolan en 2020, que je n’ai jamais vu.

La flèche de Saint Olaf fait 167 m de haut. Nous visitons les remparts, la forteresse, le quartier de Kalamaya devenu très populaire car près de la mer, la prison Paterai soviétique établie dans la base militaire tsariste. Des hangars d’hydravion 1910 subsistent. Avant la première guerre mondiale, la Russie avait la plus grosse flotte d’avions au monde. Sur le port, un musée des bateaux avec un brise-glace du 19ème siècle de 75 m de long, construit à Stettin en 1914, un garde-côte de 1943 construit aux États-Unis et donné à l’Estonie en 1997, ainsi qu’un mini sous-marin en bois de 5 m de long construit par l’ingénieur Ottomar Gern en 1854 et conduit par quatre personnes pas claustrophobes. Pas d’odeur iodée, la Baltique reçoit beaucoup d’eau douce qui ne favorise pas les algues.

Un parc a été établi sur l’emplacement d’un ancien cimetière. Les usines soviétiques sont réhabilitées en bureaux et appartements. Des entrepôts de logistique, du tourisme, des échanges avec Helsinki, favorisent le plein emploi à Tallinn. Il y a aussi, plus récemment, le design et l’informatique, la ville voulant devenir une smart city. Subsistent des maisons en bois entretenues, mais aussi des bâtiments gris staliniens. Nous croisons dans la rue un robot de livraison. Ce sont deux Estoniens qui ont inventé Skype. Les trains-citernes de pétrole, venus de Russie, sont désormais stoppés. Nous les voyons en rang sur les voies, comme des chapelets de boudins blancs ; ils sont du même gris pisseux. Les transports en commun sont gratuits à Tallinn pour les habitants, mais pas pour les autres.

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Peter Robinson, Face à la nuit

peter robinson face a la nuit

Une enquête de l’inspecteur principal Banks est toujours un événement. Si la ville d’Eastvale n’existe pas ailleurs que dans l’imagination fertile de l’auteur, elle ressemble à Ripon dans le Yorkshire. Mais si l’histoire débute par le meurtre d’un flic à Eastvale, elle se poursuit à Tallin, Estonie. C’est dire si ce nouvel opus de la série renouvelle le genre.

Banks est toujours célibataire mais moins accro au whisky Laphroaig ; il lui préfère désormais le vin rouge. De même, ses dadas musicaux évoluent vers du plus récent – et même du classique. Son fils Brian, cité plusieurs fois, est devenu un musicien de brit pop célèbre jusqu’aux États-Unis. Annie, la collaboratrice d’enquête, s’est remise des balles qu’elle a prise dans le corps lors d’un volume précédent. Le métier de flic n’est décidément pas de tout repos.

Car le crime évolue, il s’internationalise, se sophistique. Nous croisons cette fois des travailleurs immigrés clandestins, des marchands de chair humaine transfrontières et des usuriers anglais sans scrupules. Mais aussi la mafia russe ou estonienne (les deux étant liées par la même origine soviétique). Les flics sont aussi ripoux en Estonie qu’en Angleterre, peut-être un peu moins dans ce dernier pays (pour la morale), mais à peine. Ce qui fait agir Banks, comme Annie, est moins l’argent ou le goût du pouvoir que la curiosité à démêler une intrigue, plus la décence commune qui répugne aux meurtres d’enfants ou de jeunes filles.

Cette fois, la piste du crime à l’arbalète du flic d’Eastvale croise la disparition d’une jeune anglaise de 19 ans en virée à Tallin, des années plus tôt. Banks a l’intuition que les deux sont liés, contrairement à l’inspecteur Joanna Passero, superbe blonde glaciale qui appartient à l’inspection générale des services de police. Elle ne veut qu’impliquer le flic mort ; Banks préfère la vérité jusqu’au bout et connaître le sort de Rachel. Chacun ses priorités.

Le roman se découpe avec art en alternant Eastvale et Tallin, Banks et Annie chacun dans leurs recherches, avec Joanna Passero en aiguillon qui oblige à la performance. L’enquête progresse de façon continue, aucun chapitre ne s’achève sans que l’on ait avancé. Si le dénouement n’est pas un coup de théâtre, c’est parce que Peter Robinson préfère la psychologie des personnages et la sociologie des milieux à la construction intellectuelle. Le crime est humain, trop humain. Toujours à base d’avidité, qu’elle soit de pouvoir, de fric ou de sexe – dans l’ordre d’importance.

Quand une petite bourgeoise anglaise comme Rachel rêve de grosse bagnole et de compte en banque bien garni pour vêtir son prince charmant, nous ne sommes plus chez Andersen ni chez Disney, mais dans la naïve stupidité classe moyenne bien d’aujourd’hui. Il se trouve qu’un Estonien jeune et nanti de tous ces attributs ne peut qu’être mafieux, donc dangereux. Ce qu’une oie blanche avide ne peut concevoir, toute emplie d’humanisme anglican et de charte des droits britanniques – éléments qui n’existent que chez elle, et de moins en moins…

Dommage que la traduction de Marina Boraso soit si embrouillée, elle qui confond le docteur Glendenning et le docteur Burns pages 178 et 179 (entre autres bourdes). Dommage aussi que « le marketing » du premier éditeur français Albin Michel soit aussi peu cultivé, traduisant Watching the Dark (titre anglais) par un pâle et fadasse Face à la nuit – alors même qu’il est indiqué page 404 que Scruter les ténèbres est nettement mieux adapté, et page 249 qu’il est une référence à l’album 1993 du guitariste acoustique Richard Thompson, et plus encore la traduction exacte de la rubrique d’un journaliste estonien lui aussi assassiné dans le roman… Comme le dit Annie à deux flics débutants, le minimum professionnel est au moins aujourd’hui de savoir interroger un moteur de recherches !

Mais on ne peut pas demander aux soutiers du marketing et de la traduction d’avoir des lettres dans la France des années 2010, tant l’Éducation « nationale » est fière de ses 77% annuels de réussite au bac.

Ce roman policier anglais d’un auteur qui vit au Canada et qui a enseigné en Estonie allie la tension à la description, et l’action à la psychologie. De quoi vous hypnotiser un bon moment pour le meilleur.

Peter Robinson, Face à la nuit (Watching the Dark), 2012, Livre de poche 2015, 549 pages, €7.90
Existe en format liseuse Kindle – mais plus cher : €9.49
Les Peter Robinson chroniqués sur ce blog

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